De quoi ça parle ?
Swipe, swipe, swipe… Pas facile de trouver l'amour en ligne, alors Cecilie n'en croit pas ses yeux quand elle matche avec un jeune et séduisant milliardaire qui s'avère correspondre en tous points à l'homme de ses rêves. Mais les rêves sont parfois bien loin de la réalité et quand elle comprend que cet homme d'affaires international a menti sur son identité, il est déjà trop tard : le séducteur lui a tout pris. C'est alors que le conte de fées prend fin et que l'histoire de vengeance commence. Cecilie identifie les autres cibles de l'escroc et fait équipe avec elles pour tenter de faire tomber L'Arnaqueur de Tinder...
Si c'est trop beau pour être vrai... C'est trop beau pour être vrai !
"Je crois qu'on aimerait tous rencontrer quelqu'un dans un bar ou une épicerie. Mais de nos jours, le meilleur moyen c'est sur une application de rencontres" lâche Cécilie, une norvégienne de 29 ans installée à Londres, dès l'entame du documentaire. Si l'on n'est pas obligé de souscrire pleinement à cette vision des choses, force est de reconnaître l'influence et l'importance de ces nouveaux outils de rencontres dont la notoriété a explosé avec les réseaux sociaux. Tinder justement, revendique plus de 6,6 millions d'abonnés, et 75 millions d'utilisateurs / utilisatrices réguliers chaque mois.
Dans ce vivier, le meilleur côtoie le pire, forcément; il faut séparer le bon grain de l'ivraie. "Il faut un homme ambitieux. C'est comme Marilyn Monroe dans le film Les Hommes préfèrent les blondes" raconte de son côté Pernilla Sjöholm, d'origine suédoise. Dans le film, l'actrice chantait d'ailleurs cette fameuse chanson, "Diamonds are Woman's Best Friend"...
Pernilla ne croit pas si bien dire. Simon Leviev a tout du profil rêvé. Milliardaire, d'origine russo-israélienne, il se présente comme l'héritier d'une affaire familiale, LLD Diamonds, une des plus grosses sociétés travaillant dans le milieu des diamantaires.
Suivi par plus de 100.000 followers sur Instagram, chaque photo postée de lui met en scène une vie passée dans un luxe inouï, à base de jet forcément privé, champagne coulant à flot, caviar au petit déjeuner... Une vie royale dorée sur tranche. En plus, c'est un homme au coeur très généreux, capable de prendre l'avion juste pour une journée afin de remonter le moral défaillant d'une amie, elle aussi rencontrée sur Tinder.
Dès le début de ses relations avec ses conquêtes, il sort le grand jeu : hôtel cinq étoiles, voyage en Jet privé, repas fastueux, séance shopping VIP et roucoulades de rigueur... Rien n'est trop beau pour déclarer sa flamme à celle qu'il a rencontré. Un vrai conte de fée, avec lui dans le rôle du prince charmant, qui lui va décidément si bien.
Il prévient quand même rapidement sa conquête : le métier de diamantaire, qui plus est riche héritier d'une affaire familiale, n'est quand même pas de tout repos. C'est qu'il faut sillonner aussi les quatres coins du globe, toujours entre deux avions pour honorer ses rendez-vous, ne jamais rester très longtemps sur place. Et, surtout, c'est aussi un métier qui peut, parfois, se révéler dangereux...
Le piège se referme
La machine et le piège infernal s'emballe au bout d'un mois, le jour où Leviev envoie à ses conquêtes des photos de lui portant des vêtements ensanglantés, et de son garde du corps victime d'une agression. Il appelle à l'aide. Ses ennemis, ceux qui veulent faire main basse sur son business, cherchent à le faire disparaître. Ils ont déjà commencé en ayant accès à ses cartes bleues, dont ils peuvent retracer ses paiements et même les bloquer.
Ses conquêtes victimes sont appelées à sa rescousse. Comment pourraient-elles refuser d'ailleurs, lui qui s'est montré il n'y a pas si longtemps encore d'une générosité sans limite ? Elles multiplient donc toutes des emprunts aux taux exhorbitants. Ici, un emprunt de 40.000 $; là 25.000 $... Des sommes à lui transférer le plus rapidement possible, histoire qu'il puisse payer ses maîtres chanteurs. Il en va de sa survie. Cecilie contractera ainsi 250.000 $ de dettes auprès de neuf banques. Lorsqu'il sent qu'elles sont suffisamment asséchées, ses relations avec elles deviennent nettement plus froides, voire carrément distantes...
Enquête explosive et épilogue plein d'amertume
Dépressive et au bord du suicide, Cecilie porte son affaire à la connaissance d'un grand journal norvégien d'investigation, Verdens Gang, et leur fourni toutes ses archives de l'historique de sa relation avec Simon Leviev.
Les journalistes font alors la lumière sur l'histoire d'un arnaqueur de très haut vol, qui s'appelle en réalité Shimon Yehuda Hayut. Condamné en 2011 en Israël, il avait fuit le pays. Condamné en Finlande en 2015 pour y avoir escroqué trois femmes, il multiplie les fausses identités (et les faux papiers qui vont avec...), et opère toujours selon le même modus operandi. A l'instar d'un Bernard Madoff, à une toute autre échelle quand même, il avait bâti une pyramide de Ponzi implacable, vivant à crédit et aux crochets de ses proies qui, in fine, épongeaient ses dépenses...
Le fait qu'il ne reste jamais très longtemps dans les pays qu'il sillonne méthodiquement lui permet de passer entre les mailles de la Police. Même après les explosives révélations de l'enquête, avec un nom et un visage s'affichant partout sur Google et avoir été signalé à la Police dans 7 pays, rien ne se passe...
On ne vous dévoilera pas tous les ressorts de cette enquête exposée dans L'arnaqueur de Tinder; enquête qui commence véritablement au bout d'une heure, sur les deux que compte le documentaire. Une enquête montée comme un Thriller, face à un homme qui aurait escroqué au final plus de 10 millions de dollars à ses proies. L'épilogue, sidérant, est d'ailleurs plein de colère et d'amertume...
On comprend facilement aussi pourquoi L'Arnaqueur de Tinder est en tête des programmes les plus consultés sur Netflix en Israël, ravivant des feux mal éteints. Car Shimon Yehuda Hayut est le fils du rabbin Yohanan Hayut, de la compagnie aérienne israélienne El Al. En 2019, ce dernier était soupçonné par la police du pays d’avoir escroqué des centaines de millions de shekels à des personnalités des affaires, en utilisant la fausse identité de son fils. Shimon est décidément le digne fils de son père...
Deux jours après la mise en ligne du documentaire, Shimon Hayut, alias Simon Leviev, a supprimé son compte Instagram où il avait plus de 200.000 abonnés. Quelques heures avant cette suppression, il avait diffusé un message: "Je partagerai ma version de l’histoire dans les prochains jours lorsque j’aurai trouvé la meilleure manière et la plus respectueuse de la raconter, à la fois aux parties concernées et à moi-même". Depuis, des dizaines de faux comptes au nom de Simon Leviev ont été créé sur Instagram, reprenant ses anciennes photos et vidéos...
Interrogés par Variety, les responsables de l'application Tinder ont précisé avoir "mené des enquêtes internes" à propos de l'intéressé. "Nous pouvons confirmer que Simon Leviev n'est plus actif sur Tinder sous aucun de ses pseudonymes connus". C'était bien le moins...