Les débuts de Béatrice Dalle sur grand écran ont été rendus possible grâce... au pouvoir d'une seule et même photo ! Avant de devenir l'inoubliable Betty de 37°2 le matin, diffusé ce soir sur Arte, en hommage au récent décès de Jean-Jacques Beineix, Béatrice Dalle n'avait encore jamais fait de cinéma, mais elle s'était prêtée à une séance photo, qui a donc fait basculer son destin.
Dans le livre Casino d'hiver, l'agent et directeur de casting Dominique Besnehard, en charge du casting du film de Jean-Jacques Beineix, raconte ce moment mémorable de sa carrière. Il raconte avoir remarqué "une photo étrange, singulière, dérangeante, d'une jeune fille qui avait l'air très belle mais faisait une grimace hallucinante. On ne voyait que sa bouche immense, presque carnassière. La jeune femme avait été remarquée sur les Champs-Elysées par un photographe qui realisait un reportage sur les Lolita des années 1980. Ce visage était incroyable. Il m'obsédait littéralement. J'avais même accroché cette photo au-dessus de mon bureau."
Béatrice Dalle : "On ne me parle que de 37,2 le matin, je crois que je n'aurais pu faire que celui-là !"Cette photo constituait la une d'un magazine, "Photo". Dominique Besnehard a tout fait pour entrer en contact avec la jeune femme, mais, comme le rappelle Béatrice Dalle, dans les colonnes du Parisien ce matin, cette première approche a été électrique ! "Il m'a appelée. Il pensait que tout le monde voulait faire du cinéma, mais moi je n'en avais rien à foutre : je vivais dans des squats, je ne connaissais aucun acteur. Je ne l'ai pas trouvé aimable, je lui ai raccroché au nez. Il m'a rappelée et est venu me chercher dans mon squat ! On a pris un café en face de la Comédie-Française, il m'a parlé de 37°2... Puis on est allés dans une libriairie : en me voyant, le type de la caisse a dit : "Elle ressemble à l'héroïne du livre de Philippe Djian (37°2 le matin) !"
La comédienne ajoute : "Le film a complètement changé ma vie. Je suis passée de grande ado à icône du Festival de Cannes 1986. Pour voir la montée des marches de la fille de 37°2, des bus avaient été affétés de Bordeaux ou de Strasbourg. Lors du dîner de clôture, le gâteau s'appelait même Béatrice Dalle."
Le réalisateur Jean-Jacques Beineix voulait à tout prix une actrice inconnue pour le premier rôle de son film, contrairement à la première productrice (Anne-Marie Rassam) qui, elle, souhaitait miser sur un visage connu, en l'occurrence Isabelle Adjani. Dans une émission diffusée sur France 2, au moment des 20 ans du film, Beineix est revenu sur cette période : "je voulais une inconnue. Point. Mais, on me disait, vous allez la trouver quand votre inconnue ? Et puis elle est arrivée. On m’a donné cette photo et j’ai dit cette photo, c’est l’affiche du film". Dans un bonus réalisé pour l’édition DVD des 20 ans, il précise : "Il y avait des inconnus dans Diva (grand succès surprise réalisé par Jean-Jacques Beineix, ndlr.). On ne peut pas dire que ça avait été un inconvénient pour le succès du film. Je pensais que pour 37°2, il fallait suivre exactement la même voie."
Elle : les adaptations de Philippe Djian au cinéma37°2 le matin est le plus grand succès de Jean-Jacques Beineix. Plus de 3,6 millions de spectateurs se sont rendus dans les salles lors de la première sortie du film le 9 avril 1986 (le film est ensuite ressorti le 27 juin 1991). Le film a également eu un certain retentissement à l’étranger et a notamment été nommé à l’Oscar du meilleur film étranger.
Pour tenter d’expliquer le succès a posteriori, Jean-Jacques Beineix avançait les arguments suivants : "C’est une histoire d’un amour, une grande histoire d’amour. Elle a été incarnée par des gens qui avaient une grâce. Si on regarde Betty, c’est une révoltée. Les Betty de 20 ans aujourd’hui, elles sont encore plus révoltées. Il y avait quelque chose de la modernité de notre époque. Et puis c’était Roméo et Juliette. Mais en même temps, il valait mieux que ça finisse mal plutôt de vivre une vie médiocre. J’ai l’impression que dans le monde entier, il y a des gens qui ont eu ce sentiment."
L'écrivain Philippe Djian se souvient du succès et des critiques de 37°2 le matin