Sorti en salle ce mercredi, Aline, le nouveau film de et avec Valérie Lemercier, raconte l'histoire d'Aline Dieu, une chanteuse québécoise à la voix en or. Lorsqu’il entend cette voix, le producteur de musique Guy-Claude n’a plus qu’une idée en tête : faire d’Aline la plus grande chanteuse au monde. Epaulée par sa famille et guidée par l’expérience puis l’amour naissant de Guy-Claude, ils vont ensemble écrire les pages d’un destin hors du commun.
Librement inspiré de la vie de la superstar Céline Dion, Aline voit Valérie Lemercier réaliser une performance incroyable puisqu'elle incarne son héroïne de l'âge de 5 ans jusqu'à ses 50 ans. Mais ce n'est ni la voix de Valérie Lemercier, ni celle de l'interprète de "Pour que tu m'aimes encore" que l'on entend à l'écran lors des séquences musicales du film puisque c'est en réalité la chanteuse Victoria Sio, vue notamment dans la comédie musicale Le Roi Soleil, qui prête sa voix à Aline. Et aux différentes réinterprétations des tubes de Céline Dion.
À l'occasion de la sortie de ce long métrage événement, rencontre avec la voix chantée d'Aline, qui revient pour nous sur le processus créatif et les différentes étapes de cette aventure hors du commun...
AlloCiné : Comment êtes-vous arrivée dans l’aventure Aline, dans laquelle vous interprétez les chansons de Céline Dion, ou plutôt d'Aline Dieu ?
Victoria Sio : Ça s’est fait vraiment par hasard. Je suis allée voir un ami chanteur sur scène et je me suis assise à côté de Bruno Berberes, le directeur de casting d’Aline. On se connaissait bien car on avait fait ensemble Le Roi soleil notamment. Et il me dit "Est-ce que tu peux m’envoyer deux démos sur "My Heart Will Go On" et "Pour que tu m’aimes encore". Ne pose pas de questions, mais colle au plus proche de Céline Dion". N’étant pas imitatrice, j’ai du mal à comprendre, mais il ne me donne pas plus de détails et je décide de lui faire confiance.
Quelques jours après avoir envoyé ma démo, je suis rappelée par l’équipe musicale du film qui m’invite à aller en studio et à faire d’autres essais en plus de ces deux chansons. Et j’apprends qu’un film fictif sur la vie de Céline Dion s’est monté, que c’est Valérie Lemercier qui le réalise et l’interprète, et qu’ils cherchent une voix pour Aline. Donc ça commence à me titiller (rires). Je me dis "Ce serait cool que je fasse partie de cette aventure". Donc je donne tout.
Mais ensuite vient le confinement, car les premières étapes du casting vocal ont eu lieu début 2020. Je n’ai plus trop de nouvelles durant le confinement. Et je suis finalement rappelée à la mi-mai par le directeur musical du film qui m'annonce : "On a vu 50 chanteuses, en France, aux États-Unis, au Québec. Il en restait 12, puis 4, et finalement Valérie t’a choisie. C’est toi qui seras la voix de son film". Voilà comment ça s’est fait. Le hasard complet.
Comment avez-vous appréhendé le travail musical sur ce film ? Est-ce que c’était l’idée de vous "mesurer" à Céline Dion qui vous intéressait le plus ?
C’est le défi dans sa globalité en fait. Le challenge de se dire qu’on s’attaque à un monument de la chanson, qui a des millions de fans dans le monde. Il y a forcément une petite pression, parce qu’on veut bien faire. Je suis une bosseuse, une perfectionniste. Ça a été trois mois intensifs en studio avec Valérie Lemercier. Et comme elle est aussi pointilleuse que moi, parfois les séances étaient très longues. Car on faisait au mieux pour ne pas imiter, ne pas caricaturer. Ce n’est pas mon métier, et il n’y a qu’une seule Céline Dion. Et vu que le film de Valérie est une fiction, et pas un biopic, il fallait que ma voix soit aussi une fiction. Proche de Céline Dion, mais sans être non plus ce que Céline fait sur ses albums.
Il a fallu apporter un supplément de jeu. Valérie m’a dirigé comme les autres acteurs du film, pour que j’amène du jeu dans mes interprétations. Et puis l’évolution vocale était très intéressante aussi, parce que je chante Aline de ses 12 ans à ses 50 ans. Il a fallu que je trafique ma voix. Au début, c’est un peu maladroit, nasal, elle roule encore un peu les "r", ce n’est pas très en place. Ensuite, il y a l’anglais qui n’est pas top au début, on comprend qu’elle commence à l’apprendre. Et à la fin c’est une technicienne de folie, elle sait exactement où elle va.
On a apporté toutes ces évolutions vocales en même temps que les évolutions physiques d’actrice de Valérie Lemercier qui joue Aline. Il fallait qu’on ne fasse qu’une et et moi. Donc c’est vraiment ce challenge qui m’a motivé : me dire qu’il fallait trouver une voix pour Aline. Je n’avais jamais fait ça, c’était totalement nouveau pour moi.
De quelle manière s’est déroulé l’enregistrement des différents morceaux du film ?
J’étais en studio, avec mon casque et mon micro, et je voyais toutes les scènes d’Aline jouées par Valérie sur un grand écran, mais sans le son. Mon travail avec les arrangeurs et les personnes qui ont recréé toute la musique, c’était de sa caler sur l’attitude et l’énergie de Valérie dans le film.
Par exemple, dans une chanson, Céline Dion peut respirer à un endroit que j’avais noté, et Valérie respire à un autre endroit. Il a donc vraiment fallu que je me cale sur Valérie, sur son jeu, son labial, sa façon de chanter. Ce travail, ça s’appelle de la synchro, et je n’avais jamais fait ça. Je trouvais ce défi vraiment cool à relever. Et j’avais envie que Valérie ne se soit pas trompée en me choisissant.
Y a-t-il une chanson de Céline Dion qui a été plus difficile à chanter que les autres ?
Il y en a eu deux. "All By Myself", dès le début, j’ai dit à l’équipe : "Les gars, je vous adore, mais celle-là est-ce qu’on peut la faire en dernier ?" (rires). Ce n’est pas la chanson qui est difficile en soi, c’est la note. Parce que sur la note, on ne peut pas tricher. On ne peut pas faire un bout de note puis un autre bout de note et faire comme si on l’avait bien tenue. Il faut tenir la note aussi longtemps que Céline Dion la tient.
C’est vraiment la hauteur et l’endurance de la note qui sont très difficiles. Donc on l’a placée le dernier jour. J’étais hyper stressée, mais Valérie, trop mignonne avec moi, me disait "Vic, ça va le faire, tu vas déchirer". Elle me mettait vraiment en confiance, avec toute la bienveillance possible, pour que je sorte la note une fois derrière mon micro.
Mais la chanson la plus difficile pour moi ça a vraiment été "River Deep Mountain High", la reprise de Tina Turner. Parce qu’il y a un débit de texte impressionnant. Je ne suis pas bilingue donc j’ai dû travailler avec une coach américaine, pour avoir un accent le plus proche possible de celui de Céline Dion. Et puis c’est aussi une chanson très cardio. Et Valérie me disait "Je sais que c’est difficile, mais pour le spectateur, il faut que ça ait l’air facile. Quand on écoute Céline, on a l’impression qu’elle le fait les doigts dans le nez. Je veux que ce soit pareil pour toi". Ce qui n’était évidemment pas le cas (rires). Mais on a essayé de faire en sorte que ce soit le cas.
Et si vous deviez retenir une seule chanson de Céline Dion ? Celle que vous préférez ?
Dans le film, je crois que celle que j’ai préféré chanter c’est "Treat Her Like a Lady", qui est normalement un duo qu’elle chante avec Diana King. C’était cool car c’est une chanson très fun, il faut en faire des caisses. On sent que Céline s’amuse énormément en la chantant. Et puis, dans le film, c’est une chanson qui lie deux séquences, sans que l’on voit Aline sur scène en train de la chanter. Donc je n’avais pas à coller au labial de Valérie, il y avait une interprétation qui était plus libre. Et je voyais Valérie qui dansait et souriait dans le studio. Ça reste un très bon moment.
Mais sinon, c’est drôle, car on s’est déjà posé la question avec Valérie. Il y a évidemment plusieurs chansons qu’on aime beaucoup. Mais on en a une en commun qui est "Je sais pas", qui est sur l’album "D’eux" composé par Jean-Jacques Goldman. C’est notre petit coup de cœur à toutes les deux. Et Valérie m’a dit que ce serait aussi l’une des chansons préférées de Céline Dion, donc pour l’anecdote c’est plutôt joli.
Céline Dion n’a pas encore vu le film. On imagine que le fait de savoir qu’elle le verra certainement un jour, ça met légèrement la pression…
Oh non, pas du tout (rires). Évidemment que oui, ça met forcément la pression. Pour moi, Céline Dion fait partie du top 5 des plus grandes chanteuses au monde, avec Barbra Streisand, Whitney Houston, et Mariah Carey notamment. De savoir que potentiellement un jour son oreille va m’écouter, va écouter le travail qu’on a fait avec Valérie, et qu’elle va voir l’énorme performance de Valérie dans le film, ça met la pression, mais ça crée une vraie excitation aussi. On espère savoir ce qu’elle en pense, évidemment. On a envie de savoir si ça l’a touchée et si on a fait le job.
Vous étiez présente au Festival de Cannes cet été, aux côtés de Valérie Lemercier et des comédiens du film, pour présenter Aline. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
C’était incroyable. D’autant plus que je ne m’y attendais pas du tout. Même si je suis la voix d’Aline dans le film, je suis dans l’ombre, je ne suis pas une actrice physique à proprement parler, donc Valérie n’était pas du tout obligée de me convier à Cannes avec le reste de l’équipe. Et en fait elle est extrêmement généreuse et bienveillante avec moi. Et ça, c’est très rare dans le milieu. C’est elle qui est dans la lumière et pourtant elle m’emmène avec elle dans ses valises au Festival de Cannes.
Je suis extrêmement touchée. Elle me fait vivre des choses que je n’aurais sûrement jamais vécues sans ce projet. Et une fois à Cannes, j’ai appris qu’elle allait me laisser monter les marches toute seule. Et quand j’ai entendu le commentateur dire "Et maintenant, sur le tapis rouge, Victoria Sio, qui est la voix chantée du film Aline", j’avais des étoiles plein les yeux. Je ne m’y attendais vraiment pas.
Maintenant je ne pourrais plus dire que je n’ai jamais fait le Festival de Cannes. C’était un vrai privilège. On découvre le film dans une salle bondée, on a droit à une standing-ovation durant 7 minutes. C’était très fort en émotion. Et c’était génial de vivre ça avec toute l’équipe.
Une bande-originale d'Aline va sortir dans quelques jours. Retrouvera-t-on dessus les versions intégrales des chansons que l’on entend dans le film ?
Bien sûr. En fait, en studio, on chantait à chaque fois les chansons en entier. Donc dans la BO vous retrouverez les versions intégrales, pas juste les extraits que l’on entend dans le film. Et il y aura même un petit cadeau bonus. Nous faisons un petit duo Valérie et moi, mais je ne dirai pas sur quelle chanson. On s’est dit que ce serait chouette de faire un vrai duo "Aline et Aline". C’était très cool de vivre ça avec Valérie.
Grâce à Aline, vous espérez que votre travail en tant qu’artiste, et vos propres chansons, seront davantage mis en lumière ?
Un tel film m’ouvre forcément les portes d’une promotion importante. Je vais certainement pouvoir me faire connaître de gens qui ne savaient pas du tout qui j’étais. Qui sont peut-être curieux et qui vont venir écouter ce que je fais sur les réseaux sociaux par exemple. Donc si je peux faire entendre mon propre projet à un plus large public, c’est formidable.
En parlant de votre propre projet en tant qu’interprète, vous avez sorti début octobre un EP, "Tout est bon là", sur lequel figure le single "Belle à moche", qui parle notamment du dictat de la beauté, de la minceur. Pouvez-vous nous parler un peu de cette chanson ?
C’est un sujet qui me tient à cœur, étant moi-même une fille, avec des complexes de fille. Je me dis que de la chanter ça me fait du bien, ça me répare un peu. "Belle à moche", c’est un hymne à toutes les femmes qui doivent se libérer de cet impératif de beauté. Si t’as envie de sortir de chez toi sans maquillage, si t’as envie de sortir en jogging, c’est pas grave. Mais c’est vrai que souvent on a affaire à des gens qui manquent de tact et de bienveillance, on se prend du jugement de plein fouet, au détriment de notre personne. Alors que le physique est purement subjectif.
C’est un sujet qui me tient à cœur et je trouvais ça cool d’en parler. C’est une chanson que j’ai écrite il y a quelque temps déjà, et quand j’ai vu ce qui est arrivé à ma pote Hoshi, toute l'affaire avec Fabien Lecœuvre, je me suis dit "En fait, on ne va jamais s’en sortir". C’est un sujet qui est universel et récurrent, et c’est peut-être bien que cette chanson sorte aujourd’hui.
En un peu plus de 15 ans de carrière, vous avez participé à des comédies musicales, vous avez sorti pas mal de titres en solo. Est-ce qu’il y a un projet qui reste un peu plus cher à votre cœur ? Est-ce que c’est Le Roi Soleil ?
Très sincèrement, c’est cet EP qui vient de sortir. Parce que c’est la première fois que je sors quelque chose qui vient de mes tripes. J’ai toujours fait des projets conceptuels ou collectifs, que ce soit Le Roi Soleil, Les Trois Mousquetaires, The Voice, ou les bandes-originales d’Aline et de Heroes. Je ne regrette aucun de ces projets, car ils ont tous été magiques. Ils ont marqué les gens, et ça s’est toujours bien passé avec mes partenaires ou les différentes équipes impliquées.
Mais là, cet EP, c’est la première fois que je compose en fait. J’ai toujours chanté les mots des autres. Et aujourd’hui j’ai l’occasion de faire écouter aux gens ce que je compose, ce que je prépare depuis longtemps. Et je suis ravie de pouvoir montrer cette nouvelle facette de moi. C’est le projet dont je suis le plus fière. Ces chansons, ce sont mes bébés (rires).
La bande-annonce d'Aline :