DE QUOI ÇA PARLE ?
Selma, 17 ans, vit dans une famille berbère et laïque, à Neuilly-sur-Seine, en 1993. Lorsqu’elle rencontre Julien, un garçon provocateur, elle réalise à quel point les diktats du patriarcat contrôlent son intimité. Alors que Selma décide de découvrir la puissance et les dangers de son propre désir, l’équilibre de sa famille se fissure et la terreur du fondamentalisme émerge dans son pays d’origine.
Cigare au miel, écrit et réalisé par Kamir Aïnouz.
Au cinéma le 6 octobre
LIBRE CONTRE TOUS
Pour écrire et mettre en scène son premier film, la réalisatrice Kamir Aïnouz s’est inspirée d’une image. Celle d’une jeune femme dénudée et étendue dans un lit qui n’est pas le sien. Cette vision, la cinéaste l’a étoffée en créant une histoire tout autour. Elle s’immisce dans le quotidien de Selma, une jeune femme de 17 ans issue d’une famille d’origine kabyle dans le Neuilly-sur-Seine du début des années quatre-vingt-dix. Élevée dans un univers bourgeois et strict, l’adolescente se doit de suivre le destin que ses parents souhaitent tracer pour elle. Mais une volonté, un feu intérieur, pousse Selma à changer les règles.
Cette rébellion, qui s'apparente aussi à une pulsion de vie, pour désobéir et se libérer, c’est le sujet même de Cigare au miel. Kamir Aïnouz se nourrit de sa propre expérience pour donner corps à ce récit sur la domination, qu’elle soit masculine ou sociétale, mais aussi sur la transmission. Dans la peau de Selma, Zoé Adjani, déjà apparue dans Cerise, livre ici une interprétation pleine de vérité et de vulnérabilité. Elle est une révélation dans le film et tient tête à ses parents anxiogènes, incarnés avec talent par Lyes Salem et Amira Casar.
Le film répond aux codes du récit initiatique - également appelé coming-of-age -, mais est raconté par sa réalisatrice comme une guerre que l’héroïne, tiraillée entre deux cultures, affronte seule face au monde extérieur. Chez elle, Selma est épiée, parfois forcée de rencontrer un proche de la famille pour rassurer ses parents sur ses ambitions futures. Mais à l’école, elle doit également faire face au racisme et aux regards que portent les garçons sur son corps.
Derrière son titre énigmatique, Cigare au miel, Kamir Aïnouz souhaitait mettre en avant l'oppression subie par l’héroïne et ses conséquences : "On sent bien que Selma a un rapport à la nourriture qui n’est pas toujours sain. On ouvre sur cette boulimie de cigares au miel. Ce plaisir de bouche est évidemment une compensation. Le rapport exagéré à la nourriture me paraît percutant dans des cultures où l’on essaie d’étouffer la sexualité." Bien que son intrigue se passe dans les années quatre-vingt-dix, le film résonne encore avec l'époque actuelle. Kamir Aïnouz propose une œuvre sensible, intemporelle et nécessaire.