Adaptation du roman L'Hôtel du Nord d'Eugène Dabit et sorti en 1938, Hôtel du Nord de Marcel Carné, diffusé ce soir sur Arte, est un des fleurons du patrimoine cinématographique français.
Soit les heurs et malheurs d'une clientèle bigarrée logeant au fameux hôtel, situé sur les bords du canal Saint-Martin, à Paris. Parmi elle, un couple, M. Edmond, mystérieux homme, et Raymonde, une prostituée. Louis Jouvet et Arletty, un duo de légende dans une oeuvre aussi restée fameuse pour contenir une des plus célèbres répliques du cinéma français.
Le dialogue, écrit par Henri Jeanson, se déroule entre Raymonde (Arletty) et Edmond (Louis Jouvet). Ils sont sur une écluse qui enjambe le canal Saint-Martin, non loin de l'Hôtel du Nord que l'on aperçoit. Edmond veut partir à la pêche à La Varenne et se plaint de Raymonde qu'il trouve trop collante, tandis qu'elle voudrait qu'il aille avec elle à Toulon.
M. Edmond : J’ai besoin de changer d’atmosphère, et mon atmosphère, c’est toi.
Mme Raymonde : C’est la première fois qu’on me traite d’atmosphère ! Si je suis une atmosphère, t’es un drôle de bled ! Les types qui sont du milieu sans en être et qui crânent à cause de ce qu’ils ont été on devrait les vider ! Atmosphère ! Atmosphère ! Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? Puisque c’est ça, vas-y tout seul à La Varenne ! Bonne pêche et bonne atmosphère !
Cette réplique s'est durablement inscrite dans la culture populaire, grâce à l'intonation si particulière de la comédienne Arletty, symbole absolu de la gouaille parisienne. Jeanson expliqua plus tard à Bertrand Tavernier avoir écrit cette réplique comme une sorte de petite pique amicale et ironique à l'égard de Marcel Carné, qui, sur le tournage, expliquait souvent à ces différents collaborateurs : "Cela donnera de l'atmosphère" ou "Ça va enrichir l'atmosphère".
Un extrait valant mieux qu'un long discours...
Un hôtel mythique... Et menacé
Ouvert en 1912, l'Hôtel du Nord est évidemment un des personnages principaux du film de Carné. Au début du siècle, il attirait alors une clientèle populaire d’éclusiers, d’ouvriers et de chômeurs qui louaient leurs chambres à la semaine.
Le film fit beaucoup pour la notoriété de l'établissement, même si les scènes d'intérieur furent tournées en studio. Pourtant, en dépit de sa notoriété, cet hôtel pittoresque du Paris d'autrefois se dégrada grandement au fil des années. Si bien qu'il fut menacé à plusieurs reprises de démolition, avant que sa façade ne soit finalement classée à l'inventaire des monuments historiques, en 1989.
Si plusieurs propriétaires se sont succédé depuis, comme en 1995 où James Arch, ancien assistant de Carné, transforma l'établissement en restaurant (encore le cas aujourd'hui), la façade reste heureusement inchangée, pour l'éternité. Ou presque.