Au cinéma, il y a des plans qui marquent. Celui du Narcisse noir de Michael Powell, qui met en scène une nonne sonnant la cloche d'un couvent avec une vue imprenable sur l'Himalaya, en fait partie. À sa sortie, en 1947, le film épate grâce aux images de Jack Cardiff et son utilisation du Technicolor. Le chef opérateur reçoit même l'Oscar de la meilleure photographie l'année suivante, en 1948. Le roman éponyme de Rumer Godden connaît une nouvelle adaptation avec une mini-série de trois épisodes portée par Gemma Arterton dans le rôle précédemment tenu par la légendaire Deborah Kerr. Les époques et les moyens ont changé, pourtant la comparaison entre les deux œuvres reste inévitable.
Tournage grandeur nature
L'une des différences majeures repose sur le lieu de tournage. Le film original n'a pas pu être tourné dans les montagnes de l'Himalaya. Une vraie déception pour l'auteure Rumer Godden qui, malgré les décors impressionnants du long métrage, trouvait que son histoire perdait en authenticité. Pour recréer le paysage unique, l'équipe a principalement tourné dans les célèbres studios de Pinewood et dans les jardins de Leonardslee en Grande-Bretagne.
À l'écran, l'illusion est parfaite grâce aux effets spéciaux réalisés avec la technique du cache/contre-cache qui permet de rassembler deux images distinctes dans un même plan. La mini-série a, quant à elle, été tournée dans des décors naturels dans la ville de Jomsom, au Népal, située à 2 850 mètres d’altitude. "Il n'y avait aucun signal, pas de Wi-Fi, et comme pour les personnages, on avait le mal de l'altitude", se remémore Gemma Arterton dans les colonnes de The Guardian.
Question de représentation
Dans le film de Michael Powell, la jeune femme népalaise Kanchi est jouée par Jean Simmons, une actrice blanche dont la peau avait été assombrie pour les besoins du rôle. À cette époque, de nombreux comédiens occidentaux étaient engagés pour jouer des personnages d'une autre couleur de peau. L'exemple le plus célèbre concerne celui d'Anna May Wong, actrice américaine d'origine chinoise, qui avait été écartée du film Visages d'Orient au profit de Luise Rainer, comédienne blanche et maquillée pour avoir une apparence de femme asiatique.
Plus de 70 ans plus tard, la diversité est plus que jamais fondamentale dans l'industrie contemporaine. Pour ce Narcisse noir version XXIe siècle, c'est Dipika Kunwar, une Britannique originaire du Népal, qui incarne Kanchi. Avec la mini-série, l'actrice signe sa toute première apparition à l'écran.
Une histoire de fantôme
Le personnage de sœur Ruth, jouée par Kathleen Byron dans le film de 1947, est également très différent de celui de la mini-série, interprété par Aisling Franciosi. En découpant l'histoire en trois épisodes, les créateurs explorent davantage la psychologie de la jeune femme. Dans le film original, elle sombre dans la folie à cause de la jalousie et de ses désirs inavoués pour M. Dean, seul homme présent dans le couvent. La nouvelle version apporte un aspect surnaturel à l'histoire avec la présence d'un esprit, celui de la princesse Srimati, qui hante le palais et prend possession du corps de Ruth avant le final dramatique.