Green Book est le premier long métrage de Peter Farrelly réalisé en solo sans son frère Bobby, avec lequel il avait signé les comédies potaches Mary à tout prix, Fous d'Irène et Dumb and Dumber, entre autres. Pour aborder ce virage dramatique, il porte à l'écran l'histoire vraie de la tournée du pianiste noir Don Shirley en 1962, accompagné de son chauffeur et garde du corps Tony Lip, un videur italo-américain du Bronx. Les deux hommes doivent se rendre dans le Sud profond des États-Unis, en pleine ségrégation raciale.
Tiré d'une histoire vraie
Extrêmement documenté, le long métrage est co-écrit par Nick Vallelonga, qui n'est autre que le fils de Tony Lip. Ayant grandi en entendant l'histoire incroyable de ce périple et en étant témoin de l'amitié entre son père et le musicien, Vallelonga a toujours su qu'il en ferait un film.
Son script repose notamment sur les notes recueillies lors des entretiens qu'il a eus avec les deux hommes mais aussi sur les souvenirs de son père tels que des photographies, des brochures, des cartes postales et même la carte routière utilisée durant leur voyage !
Le fameux Green Book
Mais quel est donc ce "livre de Green" auquel se réfère le titre du film ? L'ouvrage (dont le titre complet est The Negro Motorist Green-Book) est un guide de voyage publié chaque année entre 1936 et 1966. Il recensait les commerces et autres établissements qui acceptaient la clientèle noire à une époque où celle-ci subissait de nombreuses humiliations et où le danger était permanent.
Dans ce qu'on appelait les Sundown towns, il était par exemple interdit aux Noirs de se déplacer après le coucher du soleil via un couvre feu officieux. Cette ségrégation a été légalisée par les lois Jim Crow, une série d'arrêtés promulgués entre 1876 et 1964 dans la plupart des États du Sud du pays ou dans certaines municipalités.
Pour contourner ces lois discriminatoires, notamment dans les transports en commun, les afro-américains se procuraient de plus en plus d'automobiles pour leurs voyages. Ainsi, le Green Book leur permettait de planifier sereinement les étapes de leur périple avec une liste de restaurants, enseignes, magasins, accueillant les noirs avec bienveillance.
Cet ouvrage est devenu une vraie Bible pour la communauté noire, soucieuse de trouver des hébergements décents et des endroits où se procurer facilement des vivres. De plus, le guide leur évitait de nombreux désagréments, comme se retrouver face à un garagiste refusant de réparer leur voiture ou un hôtel pratiquant la ségrégation raciale.
Surnommé le "livre de Green", du nom de son auteur Victor Hugo Green, un postier afro-américain new yorkais, le guide ne couvrait à l'origine que la région de New York. Par la suite, il s'est étendu à la majeure partie de l’Amérique du Nord, aux Caraïbes et aux Bermudes. Vendu dans des stations essence et par correspondance, le livre permettait aux voyageurs noirs de planifier leur trajet pour éviter tout harcèlement, toute arrestation et toute violence.
L'abolition des lois ségrégationnistes Jim Crow en 1964 a rendu obsolète le "livre de Green", dont la publication s'est arrêtée en 1966. Triste ironie du sort : son auteur, décédé en 1960 (sa veuve qui continue de publier le livre après sa mort), n'a pas connu la fin de la ségrégation.
Greenbook - sur les routes du Sud : pourquoi le film a suscité une vive polémique ?Bien que se déroulant en 1962, Green Book : sur les routes du sud résonne avec l'Amérique d'aujourd'hui, comme le souligne Viggo Mortensen :
"S’extraire du temps présent permet de laisser derrière soi le bruit de fond constant de nos préoccupations et de nos préjugés, toutes ces choses qui nous empêchent d’entendre vraiment ce que l’autre a à dire. Quand, à travers un film d’époque [...], on observe la manière dont les gens se comportaient dans le passé, on en apprend souvent davantage sur le présent qu’avec un film se déroulant dans un cadre contemporain".
Green Book : "C'est une invitation à penser"