Vous êtes présent dans Un Si Grand Soleil depuis bientôt deux ans. Comment s'est passé votre casting pour le rôle de Bilal ?
Malik Elakehal El Miliani : J'ai passé un premier essai pour Bilal avec la directrice de casting, Joanna Delon, qui s'est très bien passé. On m'a rappelé quelques jours plus tard pour me dire que j'intéressais beaucoup les producteurs et ils m'ont offert cette chance de démarrer l'aventure. Pour moi c'était vraiment une belle surprise parce que j'y allais vraiment en y croyant et en essayant de faire de mon mieux, mais l'attente et les déceptions font partie intégrante de notre métier. Et là, ça c'est fait très rapidement !
Vous engager sur une quotidienne ne vous faisait pas peur par rapport à l'investissement demandé ?
Pour tout vous dire, ce n'était pas tant de la peur que de la curiosité. J'étais dans une phase de ma vie où j'avais besoin de travailler, et j'aime ce que je fais. Je ne catégorisais pas les projets dans lesquels j'allais ; je voulais me frotter aux différentes choses qu'on me proposait et essayer de donner le meilleur de moi-même à chaque fois. Je n'avais pas peur d'être coincé dans un registre ou un univers, loin de là. J'avais envie de me confronter à mon métier le plus possible, et c'est ce que m'a offert Un Si Grand Soleil. De l'appréhension oui car ça demande beaucoup de travail, il faut répondre présent au rendez-vous, et j'espère avoir réussi à le faire.
Bilal est au cœur d'une intrigue sociétale et intime en ce moment, avec le couple formé par Elise et Sofia et l'arrivée de leur bébé, dont il est le géniteur. Ca n'a pas été facile pour lui de trouver sa place vis-à-vis de cet enfant... Comment avez-vous abordé cette intrigue ?
C'est sans doute un sujet qui prête à discussion pour pas mal de gens. De mon côté, j'occulte ça au moment de la préparation et je me focalise sur le ressenti de mon personnage, sur ce que ça va provoquer en lui. Ce que j'ai trouvé très agréable, en lisant au fur et à mesure les scénarios qu'on nous envoyait, c'est que la manière dont ça a été écrit et amené a été faite de façon très intelligente, avec beaucoup de réflexion. Ils ont réussi à prendre du recul à travers les yeux de chaque personnage ; c'est rassurant et ça fait du bien quand on travaille une situation comme celle-là, parce que quelque part on se rend compte que chacun a le droit de ressentir ce qu'il ressent. Chacun peut l'exprimer, mais le fait que les visions puissent diverger, ça crée un choc. Et ce choc-là, je trouve qu'il a été brillamment mis en scène. J'ai essayé de retranscrire le plus sincèrement possible ce qui transparaissait à travers le texte et la situation en elle-même, en espérant que les gens n'aient pas qu'une seule prise de position et qu'ils écoutent les différents arguments, qu'ils voient ce que ressent chacun.
Le fait de voir évoluer ces personnages au quotidien permet d'autant plus de créer de l'attachement et de l'empathie pour eux, et de comprendre leurs réactions, comme le fait que Bilal veuille finalement s'impliquer dans la vie du bébé après les dangers que vient de traverser Elise. Est-ce qu'il pourrait avoir envie, à l'issue de cette expérience, de fonder sa propre famille ? Quelles vont être les répercussions sur lui ?
Oui, sans trop en dire, Bilal va vivre un sacré bouleversement. Il porte en lui cette émotion qui va l'accompagner très longtemps en découvrant qu'un être humain peut arriver grâce à lui. Ça ne va pas le laisser indifférent, et peut-être faire mûrir une réflexion personnelle. De là à ce qu'il fonde une famille plus tard je ne sais pas, je ne peux pas me projeter dans un futur aussi lointain, mais ne serait-ce que réussir à trouver sa place dans la vie de l'enfant qui vient d'arriver, ce sera pour lui une étape majeure dans sa vie. C'est un personnage qui a été complètement déstabilisé par une chose à laquelle il ne portait pas trop de réflexion avant, et le fait que son amie Elise lui a demandé de l'aide a fait germer quelque chose, et des émotions aussi. Il a été submergé malgré lui par un flot d'émotions, et ça va l'affecter sur le long terme.
C'était déjà le cas dans l'intrigue centré sur le coming-out de Bilal début 2019, traité avec beaucoup de finesse.
Ce qui est génial quand on prépare des séquences qui vont affecter et montrer les failles d'un personnage, c'est d'ouvrir la possibilité de montrer que quand quelque chose vous arrive dans votre vie et vous déstabilise, même si vous pensez savoir où vous en êtes et comment vous voulez évoluer, cet événement-là vous ne le maîtriserez pas. Quelque part, il faut l'accompagner, et l'accepter. Si ça arrive à ce moment-là, c'est qu'il y a une raison ! Ces deux phases-là de la vie de Bilal ont permis d'aborder des thématiques qui montrent à quel point nous ne sommes pas maîtres de nos vies. C'était vraiment agréable de travailler de cette manière-là.
Quels aspects de ce personnages aimez-vous en particulier, avec le recul de ces deux ans passés dans Un Si Grand Soleil ?
Je ne sais pas si j'ai vraiment une préférence, en tant qu'acteur on essaie de faire une composition la plus juste et la plus réaliste possible, en adéquation avec comment le personnage nous a été présenté par les créateurs. On doit amener un peu de nous et en même temps composer pour essayer de faire un beau mélange de tout ça ! Mais ce que je trouve assez beau, c'est d'arriver à être dans la douceur et la finesse, mais en même temps de réussir à montrer qu'intérieurement il y a un tourbillon de feu, et une intensité de vie qui en apparence ne saute pas aux yeux, face à un personnage qui peut paraître calme et posé. Au fond, je pense que Bilal est un personnage qui bout de l'intérieur, et j'adore cette bascule entre essayer le plus possible de se canaliser et cette impuissance à tout maîtriser. C'est un aspect qui a été un peu montré dans l'intrigue à venir, c'est qu'il n'y arrive pas ! Même si c'est quelqu'un qui est dans la retenue, il se fera rattraper par son ressenti et ses émotions, et c'est ce que je trouve génial dans ce personnage. Parfois on joue une scène, et puis on découvre qu'on a joué quelque chose qui est bouleversant, qui nous déroute, c'est ça qui est assez magique au final : savoir que notre personnage peut encore nous surprendre.
Avez-vous des alchimies particulières avec certains de vos partenaires à l'écran, des dynamiques de jeu qui vous ont marqué ?
C'est intéressant que vous parliez de dynamiques de jeu, parce qu'effectivement il y a des dynamiques différentes à travers les différents lieux de jeu, sur les trois décors de la série, et selon les arènes de personnages : la famille de Bilal, son lieu de travail... Ca m'a permis de rencontrer des comédiens qui m'accompagnent dans ces univers différents, et à chaque fois il y a chose de très nuancé entre chaque sphère. Quand on est en famille il y a cet aspect plus intime, de proximité, la vie en communauté dans la colocation... Pour les comédiens, on s'entend tous vraiment très bien, on se sent chez nous, et avec le temps il s'est installé quelque chose de beau, une confiance qui permet à chacun de savoir qu'en un regard, un silence, on se comprend. Et ça facilite énormément les tournages, où l'on doit enchaîner beaucoup de séquences rapidement. J'ai un noyau de gens autour de moi assez fabuleux avec qui je tourne régulièrement, et ils me portent et m'apprennent encore tous les jours. Malya Roman par exemple, qui joue Elise et est arrivée en cours de route, c'est comme si je la connaissais d'avant ! C'est d'autant plus agréable que ça se prête aux intrigues des personnages.
Avez-vous d’autres projets en dehors d’Un si Grand Soleil dont vous pouvez nous parler ?
En ce moment je tourne une série policière pour France 2 qui s'appelle Les Invisibles, et dont Axelle Laffont réalise la moitié des épisodes. Mais à part ça, au vu de la situation c'est un peu délicat, les projets sont parfois en stand-by... On est tous un peu logés à la même enseigne, même si nous, nous avons la chance de pouvoir continuer à évoluer dans ce programme-là. J'irai peut-être vers l'écriture, mais c'est encore embryonnaire, je ne pourrais même pas vous dire concrètement où ça en est. (rires) Je vis au jour le jour ce qui vient, et c'est déjà très bien.