- OVNI(s) épisodes 7 à 9, lundi 25 janvier à partir de 21h sur CANAL+. Les 12 épisodes sont disponibles en intégralité sur myCANAL.
Après votre troisième long-métrage sorti en 2017, Gaspard va au mariage, qu'est-ce qui vous a décidé à réaliser OVNI(s), qui est votre première série ?
Antony Cordier, réalisateur : On m'a proposé cette série je pense en partie car mon dernier film, Gaspard va au mariage, avait une couleur de comédie un peu poétique, qui a dû parler aux auteurs, Clémence Dargent et Martin Douaire, à la production et à Canal+. Quand j'ai lu le scénario, je trouvais que tout était très en place et très bien écrit, et surtout je me marrais ! Les personnages me faisaient rire et je les trouvais très attachants. Les auteurs ont une trentaine d'années, on n'est pas de la même génération donc on n'a pas tout à fait les mêmes références ; ils connaissent très bien les codes de la série, moi un peu moins. Ce décalage était intéressant, j'ai trouvé ça bien de pouvoir échanger et d'essayer de leur apporter quelque chose.
En réalisant une série, vous mettez en images un projet qui n'est pas le vôtre, contrairement à vos films précédents. Avez-vous ressenti une part de frustration créative ?
C'était pas frustrant, mais un peu flippant. J'écris mes propres scénarios en général, et quand on réalise son propre scénario on sait comment répondre à toutes les questions qu'on nous pose sur le tournage, un peu comme dans La Nuit Américaine. Comme c'est notre projet, ça parle du ventre. Là, il fallait que je réfléchisse, parfois je n'avais pas les réponses... Donc il fallait que j'arrive à faire en sorte que ce projet soit un peu le mien aussi. Je devais trouver mon angle d'attaque sur le scénario et sur la série pour mettre un peu de moi dedans.
A la croisée des genres entre la science-fiction et la comédie, OVNI(s) s'inscrit dans un univers très rétro. Comment avez-vous élaboré le ton de la série ?
Je me suis toujours dit que c'était avant tout une comédie, on n'était pas dans du X-Files. Le thème est commun, mais notre boussole, c'était la comédie : est-ce que les personnages sont attachants, est-ce qu'ils sont drôles ? Le personnage de Melvil Poupaud c'est un mec un peu raide, rationnel, et qui n'est pas facile dans la vie ; ce n'est pas tout de suite un personnage de comédie. Avec Melvil, on a essayé de travailler son jeu pour que sa raideur et sa rationnalité extrême nous fassent marrer. Dans mes films, j'ai toujours eu l'impression de faire des comédies même si à l'arrivée ça n'en était pas et ça ne faisait pas forcément rire le public, mais les situations dans lesquelles je mettais mes personnages me faisaient toujours marrer. Pour moi c'était assez naturel de prendre les choses comme ça.
La série se déroule dans la France de 1978, et on voit quelques clins d'oeil aux films de cette époque, comme la DS de Rabbi Jacob notamment, ou un extrait de la B.O. du film Coup de tête composée par Pierre Bachelet. C'était une volonté de rendre hommage à ces comédies-là ? Quelles références vous ont nourri ?
Oui, la Citroën DS était prédominante dans ces années-là, et il fallait faire de cette voiture un personnage, c'était la DS de ce bureau d'enquêtes du GEIPAN. J'ai découvert sur internet un montage qui compilait toutes les scènes de Louis de Funès avec une DS. Et il y a effectivement un clin d'oeil à Rabbi Jacob, ce qui était drôle car l'époux de Géraldine Pailhas est de la famille de Gérard Oury. Quand elle a lu le scénario, elle a tout de suite appelé son mari et son fils pour les prévenir qu'on parlait de Rabbi Jacob dans OVNI(s) !
Didier Mathure intègre le GEIPAN, un groupe d'études de phénomènes aérospatiaux non identifiés créé en 1977. Étiez-vous familier de cette époque, ou les faits divers et témoignages insolites sur les apparitions d'OVNIS étaient courants ?
J'étais enfant dans les années 1970, donc ça me parlait beaucoup. Sur le tournage, c'était intéressant d'avoir une voiture de ces années-là, de rentrer dedans et de se dire "tiens, ça sent comme dans la voiture de papa". On était plusieurs de ma génération à avoir ce réflexe-là, de retrouver des objets, des vieux téléphones... Sur le tournage, je montrais à mon fils comment on devait composer les numéros dessus avant, et le temps que ça prenait. Ça créait une forme de joie et de mélancolie ! Ensuite, au montage son, on cherchait des musiques des génériques radio de cette époque-là, des morceaux qui vont rappeler des souvenirs aux gens. On a aussi fait quelques emprunts à des musiques de films de cette époque, comme les compositions de Pierre Bachelet, des airs qui trottent toujours dans la tête des gens. On se rend compte à quel point c'était une période de très grande créativité, en particulier pour les musiques.
Pour la bande-son de la série, vous avez également collaboré avec le compositeur de musique electro Thylacine. Comment avez-vous travaillé ensemble ?
En effet, à l'exception du générique, qui est un remix d'un morceau de Jean-Michel Jarre - autre musicien qui a eu une heure de gloire à cette époque-là -, il a composé les musiques qui habillent les épisodes. J'avais déjà collaboré avec lui sur mon dernier film, Gaspard va au mariage, et ça s'était très bien passé. Je lui ai reproposé qu'on travaille ensemble, et il a tout de suite eu l'idée de composer à partir des synthétiseurs de cette époque-là. Il s'est rendu en Suisse dans un musée du synthétiseur, et il a passé plusieurs jours et plusieurs nuits enfermé là-bas, à enregistrer des sons sur des vieux instruments des années 1970 pour essayer de retrouver la couleur des sons de cette époque. Et comme le synthétiseur est aussi un personnage de la série, c'était cohérent !
Où s'est déroulé le tournage d'OVNI(s) ?
On s'est rendu en Belgique, parce qu'on a trouvé là-bas un décor assez important. Il fallait qu'on ait le CNES, l'agence de l'aérospatial française, dans les années 1970, et c'était le décor le plus difficile à trouver. Là-bas, on a trouvé dans les anciens studios de la RTBF, encore un peu en activité aujourd'hui, des tas de machines des années 1960 et 1970 qui fonctionnaient toujours et qui nous ont servi. On s'est donc déplacé à Bruxelles, après il y a eu un gros travail de repérages, et d'éléments de décors à adapter dans les extérieurs.
Aujourd'hui encore, on manque de représentations historiques de la France dans les séries. OVNI(s)s s'inscrit à la fois dans la nostalgie d'une époque et dans la comédie tout en touchant à la science-fiction, deux genres encore trop peu employés dans nos fictions. Selon vous, qu'est-ce qui explique le fait qu'OVNI(s) a pu se faire seulement aujourd'hui ?
Effectivement, c'est une comédie, mais il y a un sujet plus large, des phénomènes paranormaux, une forme de poésie... Pourquoi maintenant ? Parce que tout le monde s'intéresse aux séries ! Il fallait qu'on y accorde suffisament d'intérêt, ce qui est le cas aujourd'hui, pour réussir à convoquer toute cette équipe et ce casting qui vient du cinéma ou du théâtre, et il y a une forme d'ambition dans cette série. Le public est plus enthousiaste pour ce médium aujourd'hui, ce qui permet de rendre les propositions originales comme celle de Clémence et Martin possibles.
Comment s'est fait le choix des acteurs ?
Certains nous paraissaient évidents. Quand j'ai lu le scénario, j'ai tout de suite pensé à Michel Vuillermoz pour le rôle de Marcel. Je suis très client de son humour, et ce côté un peu Capitaine Haddock qu'avait le personnage dans sa façon d'utiliser des expressions très populaires, je trouvais que Michel l'avait. Et puis il y avait des personnages comme celui de Véra, la secrétaire du GEIPAN, qui est incroyablement écrit, où nous ne savions pas qui caster. Il a fallu chercher, on a rencontré beaucoup d'actrices, et Daphne Patakia a eu ce quelque chose d'un peu fou. Elle est capable de changer de rythme à l'intérieur d'une phrase, elle va très vite, c'est assez impressionnant. Je me souviens, quand elle est entrée la première fois, on répète la première prise, où elle devait jouer la scène où elle accueille Hatchepsout (le flamant rose, ndlr). Et d'un seul coup, elle a disparu du champ, et la cadreuse l'a retrouvée par terre. (rires) Elle allait plus vite que nous, et c'était bon signe. J'aime bien quand les acteurs prennent ce genre d'initiatives, elle est pleine d'idées, et il y a plein de choses qu'on a utilisé au tournage suite à ses propositions : sa façon de dessiner sur la buée, de sentir les fleurs... C'est bénéfique de pouvoir s'appuyer sur l'imagination des acteurs.
C'était un vrai flamant rose sur le plateau ?
Tout à fait ! Je n'y croyais pas, mais on a eu un couple de flamants roses qui avaient l'habitude du contact humain dès leur naissance et ont été élevés par des animaliers. On a eu la possibilité d'avoir l'un de ces oiseaux sur le tournage avec nous. Il était très curieux, à chaque fois qu'on installait quelque chose ou qu'on branchait un projecteur il venait voir... C'est vraiment devenu une mascotte et un personnage à part entière. Au début, je ne pensais pas que ce serait possible; je savais la difficulté que c'est de tourner avec des animaux car j'avais filmé des séquences dans un zoo dans mon précédent film, et d'autant plus que le flamant rose est un animal fragile. C'est grâce à notre animalier et à ce couple d'oiseaux domestiqués qu'on a pu rendre ça possible, sans avoir recours aux images de synthèse. Et le rendu pour les spectateurs est incomparable ! Le jeune public a un oeil très aiguisé sur les effets spéciaux, et ne pardonne plus des choses pour lesquelles on avait plus d'indulgence avant. Il faut faire attention à l'endroit où on utilise des effets spéciaux. Je ne m'estimais pas très bon en la matière moi-même, et j'ai dû effectuer un gros travail de préparation, en storyboardant les scènes, chose que je fais assez rarement, pour être sûr de rendre hommage aux idées des auteurs. Ensuite, c'est plus compliqué d'être créatif avec les effets spéciaux. C'est un domaine dans lequel il faut continuer à inventer en permanence, et c'est ça le plus difficile.