Mon compte
    Revenir : rencontre avec Adèle Exarchopoulos et Niels Schneider
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Adèle Exarchopoulos et Niels Schneider partagent l'affiche ce mercredi de "Revenir", premier long métrage de Jessica Palud, librement adapté du livre Serge Joncour, "L'amour sans le faire". Rencontre avec les deux comédiens.

    Thierry Valletoux / Fin Août Productions

    L'histoire de Revenir : C’est la ferme où Thomas est né. C’est sa famille. Son frère, qui ne reviendra plus, sa mère, qui est en train de l’imiter, et son père, avec qui rien n’a jamais été possible. Il retrouve tout ce que qu’il a fui il y a 12 ans. Mais aujourd’hui il y a Alex, son neveu de six ans, et Mona, sa mère incandescente.  

    Allociné : Quelques mois après Sibyl de Justine Triet (présenté à Cannes en mai dernier), on vous retrouve à nouveau à l'affiche d'un même film, Revenir...

    Niels Schneider, comédien : On ne jouait pas ensemble dans Sibyl.

    Adèle Exarchopoulos, comédienne : On se croisait.

    N.S. : On s'est croisé à Stromboli. Et on s'était dit : c'est marrant, on va jouer ensemble.

    A.E. : C'était assez drôle de se dire qu'on faisait partie de la même aventure sans se donner la réplique, mais qu'on allait se retrouver juste après.

    Bestimage

    Avez-vous passé du temps ensemble avant de commencer le tournage du film afin de vous connaître davantage ?

    N.S. : On avait bu un café ensemble. On n'a pas passé d'essais ensemble. On n'a pas vraiment répété, mais c'était chouette car nos personnages ne se connaissent pas du tout quand le film commence.

    Adèle est vraiment fantastique car il y a un truc de vérité, d'authenticité tout de suite. C'est vraiment un animal quoi ! T'es un animal ! (rires)

    A.E. : Tu es un jeune castor ! (rires) Non, mais c'est vrai que vu que ce film, c'est aussi une rencontre, un truc de failles… Chacun a un passif différent, et en même temps commun. Dans le film, je joue la veuve de son frère.

    Je connaissais Niels en tant qu'acteur, et humainement, il y a beaucoup de gens que j'aime qui l'aime. Du coup, on est devenu proche pendant le tournage. Et c'est vrai que comme c'est silencieux, il fallait créer des choses ensemble, et en même temps, c'est bien d'avoir chacun ses secrets.

    On se retrouvait dans nos petits cabanons. On était dans une sorte de camping, et tous les soirs, on se retrouvait pour en parler. J'aime bien l'idée de se dire, sans que ce soit forcément expérimental, ou de devoir se mettre en conditions réelles, je trouve ça quand même assez attirant de rencontrer quelqu'un, de laisser aussi tous ces mystères. Et là c'était assez nécessaire pour l'histoire.

    AlloCiné

    Justement la particularité du film comme vous le souligniez est qu'il y a assez peu de dialogues. Tout se joue dans les regards, ce qui se dégage de vous, de vos corps…

    N.S. : C'est ce qui m'avait beaucoup plu dans le court métrage de la réalisatrice Jessica Palud, Marlon. Il y avait déjà une pudeur très belle des sentiments. Il y avait une attention sur le regard des acteurs, sur les petits détails. Il y a une foi dans le cinéma.

    Pour un premier film, je l'ai trouvée ultra courageuse. Parfois, on veut tout verrouiller au scénario. Etre sûr que tout le monde comprenne, et là on se dit que c'est vraiment sur le tournage que ça va se passer. C'est d'inventer avec le présent en fait. Ça va avec la non-répétition aussi. Le film qu'on est en train de faire est vraiment entre « action » et « coupez ». 

    C'est un film assez sensoriel…

    A.E. : Oui et vu le sujet auquel Jessica Palud s'attaque, elle avait aussi envie de cette forme de devoir de vérité. Elle n'a pas essayé de nous sublimer, de nous arranger, de nous rendre beau… Elle cherchait plus la grâce des oubliés, des gens qui font ce qu'ils peuvent. 

    Ce qui est intéressant dans le film est sa façon d'être faussement naturaliste, réaliste… Il ne va pas là où l'on s'attend. Cela va vers quelque chose de poétique…

    A.E. : C'est vrai que même les décors, dans cette ferme, cette forêt… Il y a quelque chose de presque féerique, et de très réaliste dans sa manière d'être très proche des visages, d'avoir très peu de maquillage. 

    N.S. : Même dans l'image, il y a quelque chose d'à la fois assez réaliste, et en même temps, l'image est stylisée. Les couleurs sont saturées. Il y a quelque chose de très cinématographique. On n'est pas dans du documentaire plat ou du reportage.

    Thierry Valletoux / Fin Août Productions

    Vous avez pour point commun tous les deux d'avoir tourné dans un certain nombre de premiers longs métrages…

    A.E. : Moi ce qui le séduit dans les premiers longs, c'est cette sensation que tout le monde est là pour les bonnes et mêmes raisons. Il y a ce truc assez authentique de se dire qu'on a la foi pour les mêmes choses. On est tous là pour l'histoire, pour la promesse d'un metteur en scène, pour défendre des personnages. Il y a quelque chose d'assez pur. Mais je ne fais pas ce genre de calculs en lisant un scénario. En tout cas, c'est la sensation que ça me donne.

    N.S. : Oui, il y a quelque chose d'assez sacré dans les premiers films. Je pensais au premier film de Xavier Dolan que j'ai tourné (J'ai tué ma mère), de Yann Gonzalez (Les Rencontres d'après minuit), de Guillaume de Fontenay pour Sympathie pour le diable. Jessica Palud, il y a quelque chose où elle arrive avec une proposition de cinéma. Il n'y a rien d'usé encore. Parfois il y a une certaine anxiété. Parfois on peut sentir une tension, une peur que le film lui échappe, lui file entre les doigts. Mais il y a une énergie qui est vraiment particulière. Par exemple, Benoit Jacquot, on sent qu'il a de la bouteille. Il a quelque chose de beaucoup plus calme.

    C'est amusant que vous fassiez allusion à Xavier Dolan car c'est le genre de premier film, on se dit qu'on aurait eu tort de refuser quand on voit son parcours !

    N.S. : Dolan, quand il est venu me voir la première fois, je me suis dit : c'est qui ce mec ! C'est qui ce mec ! Il avait une carte où il était écrit « Dandy Films ». Je l'avais trouvé super confiant. Après ça, il m'a envoyé son scénario, et je me suis dit : c'est pas possible, ce n'est pas lui qui écrit ça ! C'était dément ! C'est impressionnant ! Ça n'arrive pas tous les jours non plus. 

    Rezo Films

    A la rentrée, l'année dernière, est sorti un livre qui s'appelle Très cher cinéma français, qui prédit la mort du cinéma français. Vous incarnez tous les deux une certaine tendance du cinéma français. Qu'est ce que vous évoque ce genre d'affirmation ?

    N.S. : Le cinéma d'auteur n'existe plus dans le monde. Aux Etats-Unis, il n'y a que les plateformes qui peuvent produire des auteurs. Le cinéma américain est en train de s'effondrer. Soit il y a les films de super héros, soit il y a Netflix et Amazon qui produisent le bon cinéma aujourd'hui. En France, on tient encore. On est le pays en Europe où on fait le meilleur cinéma. On ne peut pas dire que ce soit la cata ! Après, dans le nombre, il y a forcément de la merde !

    A.E. : Je ne saurai pas faire d'autopsie du cinéma français. Je vois des changements, je vois aussi des bons changements. Beaucoup plus de réalisatrices. Je trouve que l'essence du cinéma, c'est quand même un scénario. Or j'ai appris il y a pas longtemps que c'était l'un des postes les moins bien payés. Ca raconte beaucoup sur comment ce système aborde ce métier. Il y a des choses qui se font, il y a quand même une forme de relève. J'étais à la soirée des Révélations : je me disais, ça claque. Il y a vachement de talents, d'envies, de désirs, de travail. C'est plus à ça que je m'accroche. En tout cas, je sais que le désir, il est présent.

    N.S. : Il y a une liberté en France. On peut faire du cinéma différent, qui n'est pas formaté. Il n'y a pas qu'un seul cinéma. Je trouve ça génial que les comédies populaires existent, qu'il y ait d'autres choses qui soient possibles.

    Est-ce que ça vous tenterait un jour d'écrire ou de réaliser ?

    A.E. : Je n'en ai ni le talent, ni le désir…

    N.S. : Le talent, tu ne sais pas..

    A.E. : Non, mais déjà d'écrire. Mais ce serait plus un documentaire. Mais je ne pense pas que ce soit un parcours obligatoire, mais surtout pour l'instant je n'en ai pas eu le désir.

    N.S. : J'en avais le désir avant, et là depuis quelques années, j'aime de plus en plus jouer en fait. Ca me plait vraiment, ça me passionne, et de plus en plus, j'ai de moins en moins envie de réaliser, mais peut être que ça viendra un jour, si j'ai une idée, etc. Mais ce n'est pas forcément, comme le dit Adèle, un chemin obligatoire. 

    Notre Fun Facts avec Adèle Exarchopoulos 

    Propos recueillis à Paris le 21 janvier 2020

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top