« HS. Kaputt. Finito. Arrêtons les frais. Le cinéma français agonise sous nos yeux. Il est à peine l'ombre de lui-même. Bientôt, on punira les enfants qui n'ont pas fini leurs devoirs en les obligeant à regarder les nouveautés. C'est ainsi, le plaisir est devenu une corvée. Si tu n'es pas sage, tu iras voir le dernier Ozon. »
Voici les premiers mots de "(très) cher cinéma français", livre signé par le critique Eric Neuhoff (Le Figaro, Le Masque et la plume). Ce pamphlet, édité par Albin Michel et disponible en librairie depuis hier 4 septembre, décrit avec beaucoup de dureté l'état actuel du cinéma français, avant tout sur le plan artistique, étrillant notamment Isabelle Huppert, et du côté des réalisateurs, François Ozon et "cette génération qui a une fâcheuse tendance à insister sur le côté emmerdant". Si Eric Neuhoff use et abuse du second degré, de mauvaise foi et de la caricature qui va souvent avec le genre du pamphlet, on ressort de la lecture de ce livre avec l'impression d'avoir entendu un seul et même message martelé : "c'était mieux avant" ! Une idée reçue que l'on entend souvent, c'est vrai, et qui revient de façon cyclique à la une de magazines, les Cahiers du cinéma en tête.
Nous avons saisi l'opportunité de la sortie de ce livre pour interroger les premiers intéressés, en l'occurrence les réalisateurs et acteurs français. Objectif : savoir comment se porte le cinéma français ? Et était-ce vraiment mieux avant ? L'occasion était toute trouvée de poser ces questions au Festival du film francophone d'Angoulême où se réunit, à la rentrée, depuis plus de 10 ans toute la profession, et donnant en quelque sorte le coup d'envoi d'une saison de cinéma français, en y montrant une vaste sélection, dans toute sa diversité. De Cédric Klapisch à Julie Gayet, en passant par des représentants de la nouvelle génération à l'instar de Stéphane Batut (Prix Jean-Vigo 2019 pour Vif-Argent) ou Sarah Marx (dont le premier long métrage, K Contraire, sortira en décembre) à l'ancien critique et aujourd'hui réalisateur Nicolas Boukhrief... Tour d'horizon du ressenti de la profession sur l'état du cinéma français en 10 témoignages...
Cédric Kahn, cinéaste
A l'affiche ce mercredi avec Fête de famille, présenté en avant-première au Festival d'Angoulême.
Cédric Kahn : "Je ne trouve pas que le cinéma français va mal. Je ne partage pas cette analyse. Je trouve qu'il produit encore beaucoup de films très originaux. Je le trouve assez passionnant, même dans ses fragilités. C'est vrai que ce système français, c'est à la fois notre force et notre fragilité, parce qu'on est un peu déconnectés des réalités, un peu protégés. Il y a beaucoup de films qui se produisent donc forcément, beaucoup de choses plus ou moins bien. Mais je trouve qu'il est riche."
Il y a un proverbe américain qui dit « boring like a fucking french film » ! C'est drôle, mais c'est injuste !
"Il y a un proverbe américain qui dit « Boring like a fucking french film ». C'est drôle, mais c'est injuste", poursuit le cinéaste après avoir lu la 4ème de couverture du livre. "Surtout en parlant des films de Ozon parce que s'il y a bien un cinéaste qui se soucie du spectateurs, c'est François Ozon. Ce n'est pas quelqu'un qui est déconnecté du public."
La question de l'accessibilité des films au public ne doit pas non plus devenir une chose qui préside la fabrication, la création...
"Je comprends cette critique qu'on fait au cinéma français d'être un peu déconnecté du public, et c'est un problème... Je me pose la question, je n'y arrive pas toujours, mais je me pose la question de l'accessibilité des films au public, mais ça ne doit pas non plus devenir une chose qui préside la fabrication, la création. Il faut aussi qu'il y ait une proposition, une originalité, une prise de risques. Je trouve que quand le cinéma français est au bon endroit, entre ces deux choses, ça justifie son existence par rapport à la grosse machine hollywoodienne."
Louis-Julien Petit, cinéaste
Réalisateur des Invisibles, sorti en janvier dernier, et cumulant plus d'1,4 million d'entrées, membre du jury de l'édition 2019 du Festival du film francophone d'Angoulême
Louis-Julien Petit : "Mon père, il me dit toujours 'c'était mieux avant'. Mes grands parents, ils me disaient toujours 'c'était mieux avant'… Globalement, c'est toujours mieux avant. J'ai envie de dire à mes enfants : 'ça sera mieux plus tard ! Ça sera mieux demain'. Que ce soit dans le cinéma ou dans la vie, en politique… Je ne suis pas très nostalgique. Ce n'est pas mon caractère. Je vois devant, pas derrière."
J'ai envie d'espoir, et envie d'espoir dans le cinéma français.
"J'ai envie d'y croire, j'ai une boulimie de cinéma. J'ai envie de découvrir demain. Quand j'aurai l'âge de ce Monsieur [Neuhoff], je n'aimerais pas dire ça. J'aimerais dire : 'génial, il y a une nouvelle génération qui arrive et c'est super'. C'est ma manière de voir. Il faut être positif. J'ai envie d'espoir, et envie d'espoir dans le cinéma français. Le cinéma évolue, et il évolue avec son époque."
Cédric Klapisch, cinéaste
A l'affiche mercredi 11 septembre avec Deux Moi, présenté en avant-première au Festival d'Angoulême.
Cédric Klapisch : "Quand j'étais étudiant en cinéma, il y avait des profs qui nous parlaient de la mort du cinéma. Grosso modo, ils nous disaient qu'on ne pouvait plus rien créer. Ce que ça voulait dire, c'est qu'après la Nouvelle Vague, il ne pourrait plus y avoir de mouvements créatifs, de création tout court. Du coup, ils nous disaient : « laissez tomber les gars, ce n'est même pas la peine d'essayer ». C'est grosso modo des phrases [C. Klapisch fait référence au livre d'Eric Neuhoff] qui veulent dire ça. Ce sont des phrases d'aigris, de gens qui pensent que la création va s'arrêter un jour. Non, ça ne va pas s'arrêter."
Le cinéma ne va pas s'arrêter. Il y a des gens qui créent toujours de nouvelles formes.
"Le cinéma ne va pas s'arrêter. Il y a des gens qui créent toujours de nouvelles formes. Quand il y a eu Festen, il y a eu le Dogme. C'était un vrai renouvellement. Ça n'a pas duré longtemps, mais il y a eu une sorte de sursaut avec le fait d'utiliser de nouveaux outils, une nouvelle façon de faire. Ce qui se passe avec les séries est un vrai bouleversement dans le cinéma et dans la façon de voir des histoires filmées. Le cinéma est en bouleversement en ce moment."
"Il y a certainement une transition qui est liée d'ailleurs à la frontière compliquée entre la télévision et le cinéma, qui est liée au fait qu'il y a un bouleversement dans le financement du cinéma. Mais je vois qu'il y a plein de jeunes réalisateurs qui font des films déments en ce moment, donc encore une fois, ce sont des propos de vieille personne aigrie. Ce sont des gens qui ne savent pas voir les choses qui arrivent."
Nicolas Boukhrief, réalisateur, scénariste et ancien critique cinéma
A l'affiche mercredi 18 septembre de Trois jours et une vie, son nouveau long métrage, présenté en avant-première à Angoulême
Nicolas Boukhrief : "C'est facile de démonter, c'est plus difficile de construire. La vocation de ce monsieur n'est pas d'être scénariste. Il a le droit de dire que tout se déglingue mais peut être qu'il pourrait essayer de trouver des solutions. J'espère qu'il trace des pistes pour remédier à ce qu'il semble dénoncer, sinon, quel intérêt ?"
"L'un des problèmes est que les cinéphiles vous diront toujours 'c'était mieux avant'. Toujours ! Les cinéphiles, les critiques… Aujourd'hui, c'est plus comme avant ; Hollywood, ce n'est plus ce que c'était. Mais c'est leur propre adolescence qu'ils regrettent. C'est l'époque où ils arrivaient à voir des films en toute naïveté. A force de voir des films, ils ont l'usure qui fait que rien ne vaut. Je ne suis pas certain que la personne qui a écrit ça a regardé tous les films français produits dans l'année. Je pense qu'il n'a pas vu certaines pépites dans les premiers films."
Les cinéphiles vous diront toujours 'c'était mieux avant'. Toujours !
"Effectivement, c'est un marronnier, c'est quelque chose que l'on entend : le cinéma français est moins bon, on n'a plus de stars, on ne sait pas les préserver, on fait un cinéma beaucoup trop intellectuel, qui s'éloigne du public. Je suis désolé, mais il y a une comédie importante qui sort chaque année. En ce moment, on vit une vraie révolution au sein du cinéma français, de son système de production… Il y a moins d'argent par certains aspects, il y a d'autres intervenants comme Netflix qui arrivent. Tout ça est en train de bouger."
"François Truffaut a écrit un jour dans Les Cahier du cinéma un article très virulent sur le cinéma français (Une Certaine Tendance du cinéma français). Cet article a fait école et resté historique et chacun s'imagine écrire ce même pamphlet. Mais d'abord les gens qui ont écrit ce pamphlet n'avaient qu'une envie, c'est d'être metteur en scène donc ils étaient très naturellement énervés contre les gens en place, parce qu'ils se disaient qu'ils ne pratiquent pas le cinéma qu'il faut pratiquer. Dans une moindre mesure, l'équipe de Starfix était très remontée contre le cinéma français mais l'équipe est devenue metteur en scène, scénaristes, producteurs… Comme ils ne voyaient pas les films dont ils rêvaient pour le cinéma français, ils ont fini par les faire."
C'est très dans l'air du temps d'écrire un livre pour dire que les choses ne vont pas…
"C'est très dans l'air du temps d'écrire un livre pour dire que les choses ne vont pas… C'est comme en politique : exister en disant que tout va mal plutôt que de se retrouver au pouvoir et trouver des solutions. Je vais faire de l'auto-promo : avec mon épouse Lydia, qui est aussi la monteuse de mes films, nous nous sommes rendus compte il y a pas mal de temps déjà, que la cinéphilie disparaissait, que la notion d'histoire du cinéma avait tendance à disparaître pour les enfants. La nouvelle génération ne connaît pas l'existence de certains films, comme Babe, le cochon devenu berger, ou La Party de Blake Edwards. On s'est dit : pourquoi on ne ferait pas un livre qui raconte l'histoire du cinéma à travers 100 films pour enfants dont on garantit -car nous les avons testés- que ces films vont leur plaire et les éduquer au cinéma de la meilleure façon possible, sans leur imposer des films qui sont aujourd'hui passés de mode (100 grands films pour les petits, édité chez Grund). En les amenant à s'ouvrir à la poésie du cinéma muet, noir et blanc, etc."
"Je fais de l'auto-promo car je pense que c'est une démarche beaucoup plus constructive dans les temps actuels que de faire un livre pour dire tout va mal. Je préférerais un livre qui dit : j'ai regardé les 5 dernières années de production française et je vais vous parler des films qui ont été injustement ignorés par le public ou mal jugés. Ou tous les films français qu'il a aimé qui sont peu connus. De nous amener à voir les films que nous aurions pu rater. Je trouverais cette démarche beaucoup plus intéressante. Dire voilà le cinéma français que j'aime et pas je n'aime pas le cinéma français d'aujourd'hui. Je précise que je n'ai pas lu le livre, mais le dos de couverture est très virulent."
Julie Gayet, comédienne, réalisatrice et productrice
Prochainement sur Canal+ le documentaire FilmaKers à la rencontre des réalisatrices du monde entier, présenté en avant-première à Angoulême
Julie Gayet : "Le cinéma français va bien ! Il marche en salles, il se produit. En revanche, oui, le monde est en train de changer avec le numérique. On s'adapte, on modifie. Les gens vont en salles.(...) C'est ça qui est incroyable ici à Angoulême, c'est de voir les gens dans des salles remplies. Pour ça on a vraiment un pays qui est complètement incroyable, qui aime la salle de cinéma. Et sur la diversité, le système du cinéma français, c'est passionnant, on cherche et on continue de chercher."
"Ce que dit [Eric Neuhoff], et la discussion est très pénible, c'est qu'il y a trop de films produits. (...) C'est parce qu'on fait des films et parce qu'on cherche, sinon on ne pourrait jamais faire un 2ème, un 3ème film, c'est parce qu'il faut suivre des créateurs. Il y a des choses qui fonctionnent mieux que d'autres, mais ça se suit. C'est parce qu'il faut de la diversité – il faut de la comédie, des films de recherche…"
J'ai beaucoup de mal avec le discours consistant à dire qu'un film est bien produit parce que c'est un gros budget
"J'ai beaucoup de mal avec le discours consistant à dire qu'un film est bien produit parce que c'est un gros budget, et les petits budgets, bof, ce sont des courts métrages, ça n'a pas d'intéret, alors que ce sont peut être des films majeurs. On a Céline Sciamma ici : Tomboy, c'est un chef d'oeuvre absolu. A l'époque, le budget de Tomboy, ce n'était certainement pas celui de Camping. Mais on a besoin des deux. Je crois beaucoup au fait de produire et à cette diversité du cinéma français. Ca c'est vraiment la richesse du cinéma français. On voit que dans les pays où les cinématographies nationales ont abandonné, finalement les salles ont disparu… On avait un cinéma italien absolument incroyable. Aujourd'hui il renait tout doucement, mais il a du mal et il n'y a plus de salles en Italie."
"Je milite pour protéger notre système et je suis convaincue que le cinéma français trouve son public. Il y a des films plus cinéphiles, d'autres plus grand public. Je fais partie des deux familles : C'est quoi cette mamie?! avec Chantal Ladesou qui a fait plus d'un million d'entrées et qui véhicule des valeurs que j'adore, qui fait rire et qui fait du bien, pour toute la famille. J'ai toujours fait des comédies, comme Delphine 1 - Yvan 0. Et à la fois, je produis le film de Vincent Delerm qui est une petite pépite, un poème dans la veine des films d'Agnès Varda ou d'Alain Cavalier, comme un film à la maison. Je crois vraiment qu'il faut de tout et qu'il faut garder ça. C'est un métier de prototypes."
Stéphane Batut, cinéaste
A l'affiche actuellement avec Vif-argent, son premier long métrage de fiction, présenté en avant-première à Angoulême
Stéphane Batut : "J'ai l'impression qu'on pourrait dire que le cinéma français va mal au niveau de l'exploitation. Il y a beaucoup de films qui se font, des films intéressants... Je continue à travailler sur le casting de films [avant de passer à la réalisation, Stéphane Batut était casting director, Ndlr.], il y a plein de beaux projets. A Cannes, j'en ai vu aussi. Je trouve qu'il y a une diversité importante. Mais ce qui est difficile, c'est que ces films soient vus. Ça passe très vite. Et le problème, c'est de dire qu'il y a trop de films qui se font, mais qui va choisir les films qui doivent se faire ? C'est une question un peu insoluble parce que ça serait absurde de penser qu'il y a une façon de faire les films, un type de film qu'il faudrait privilégier."
Je trouve qu'il y a une diversité importante. Mais ce qui est difficile, c'est que ces films soient vus.
"Il y a sûrement des règles à appliquer concernant le cinéma français. (...) Ce que je sens, c'est que la précarité des films est due beaucoup à leur peu de visibilité alors même qu'il y en a pas mal qui se font. Il y a plus de films qui se font, et plus de films intéressants que ceux qui pouvaient se faire il y a quelques années. Mais comment les voir ? Quand vous me parlez des difficultés du cinéma français, c'est plus ça qui me vient."
Louis-Do de Lencquesaing, acteur et cinéaste
A l'affiche mercredi 25 décembre de La Sainte Famille, son second long métrage en tant que réalisateur et comédien, présenté en avant-première à Angoulême
Louis-Do de Lencquesaing : "Peut être que le cinéma français a perdu un peu de son âme ? Il y a une vraie crise. Il y en a toujours. Tous les ans, tous les 10 ans, on recommence. Je ne vais pas vous faire un résumé du cinéma français, mais ça existe encore. Il n'y a jamais eu 10 chefs d’œuvre par an. S'il y en a un, c'est déjà pas mal."
Pierre Filmon, cinéaste
A l'affiche de Long Time No See, premier long métrage de fiction, présenté en avant-première à Angoulême et dont la sortie est prévue au printemps 2020
Pierre Filmon : "C'est une question intéressante et en même temps récurrente de dire que le cinéma est mort. On l'a dit dans les années 70, on le dit aujourd'hui. On l'a dit avant, on le dira encore après. Pour moi, pour garder mon optimisme, c'est les talents. Evidemment qu'il y aura toujours des talents, des jeunes femmes et des jeunes hommes qui sortent de ces écoles de cinéma, ou pas. Qui viennent de banlieue comme Ladj Ly ou d'autres qui ont des tas de trucs à dire, qu'il faut qu'ils disent absolument et qu'ils ne peuvent dire qu'à travers le cinéma."
Oui, il y a une partie de moi qui peut regretter qu'une certaine cinéphilie est passée sous silence aujourd’hui, certains grands auteurs du passé sont un peu plus oubliés maintenant, mais ce sont toujours des histoires de mode
"Le cinéma n'a jamais été plus vivant que maintenant. Oui, il y a une partie de moi qui peut regretter qu'une certaine cinéphilie est passée sous silence aujourd’hui, certains grands auteurs du passé sont un peu plus oubliés maintenant, mais ce sont toujours des histoires de mode. Ça passe et on redécouvre des gens. On est dans cette grande phase depuis quelques années de la redécouverte du cinéma bis, de films qui il y a 20 ans étaient méprisés, et dans 20 ans peut être on re-méprisera. Ce sont des histoires de mode. C'est vivant. Le cinéma est vivant."
"Il y a des cinéastes, il y a des regards, il y a des gens qui osent des choses et qui ne peuvent les faire que comme ça. Je suis extrêmement optimiste. Quand on voit effectivement à Angoulême tous les cinéastes qu'il y a, tous les cinémas qu'il y a, tous les genres de cinéma qu'il y a, non il n'est pas mort, certainement pas. En aucun cas. Après on peut dire, je préfère telle chose à telle autre, libre à chacun, ce sont des questions de goût. L’œuvre d'art interroge la personne qu'elle regarde. Après c'est sain de ruer dans les brancards et de donner un coup de pied dans la fourmilière de temps en temps pour réveiller un peu les sens et interroger. Même s'il n'a pas de point d'interrogation [en référence au titre du livre d'Eric Neuhoff], peut être que ça interroge quelque chose. C'est toujours intéressant."
Sandrine Bonnaire, comédienne et Sarah Marx, réalisatrice
A l'affiche du premier long métrage K Contraire, présenté en avant-première à Angoulême, à l'affiche le 11 décembre 2019
Sarah Marx : "Les choses changent. C'est la consommation d'images qui a changé. Aujourd'hui on regarde des films sur son téléphone, sur toutes les plateformes qu'on connait. Après, sur le mode de financement, on bénéficie d'un système qui est assez chouette avec des subventions. C'est à la fois dur de monter des films chers. Dans le cas de K Contraire, c'est un film qu'on a fait avec peu d'argent, mais ça reste beaucoup d'argent (700 000 € de coût de fabrication). C'était suffisant pour faire ce film, mais on n'aurait pas dit non à plus, mais c'est aussi ça de raconter des histoires au ras des hommes. Il faut être cohérent avec les budgets avec lesquels on travaille. Mais aujourd'hui il y a une accessibilité : on peut faire des images avec des petites caméras, des téléphones… Il y a une profusion d'idées. Il y a aussi une jeunesse qui a accès à un cinéma qui à l'époque n'avait pas du tout accès. Le cinéma ouvre ses portes. Les choses évoluent, les choses changent."
Aujourd'hui il y a une accessibilité : on peut faire des images avec des petites caméras, des téléphones… Il y a une profusion d'idées
Sandrine Bonnaire : "Ce qui change, ce sont les modes de financement. J'ai 52 ans. J'ai commencé ce métier, j'avais 15 ans, et c'est vrai que les films étaient financés différemment. Aujourd'hui, la télévision finance beaucoup, même si elle finance un peu moins qu'avant, mais quand même. Donc ça change la donne."
"A la fois le cinéma ne va pas bien, mais il y a de plus en plus de films qui se font, et il n'y a plus assez de place pour les diffuser. Les films n'ont plus une durée de vie comme ça l'était à l'époque. C'est vrai qu'Internet a changé beaucoup de choses. Mais je me dis que tant qu'on peut voir des films – évidemment c'est mieux de les voir en salles -, et qu'il y a encore des films qui se font, même si on les regarde sur un écran d'ordinateur ou un portable, je préfère ça à l'idée qu'il n'y ait plus de films du tout."
"Il y a des gens qui se battent pour des films qui ne sont pas forcément des grosses machines. Il y a des salles formidables en France. Il y a des cinémas indépendants, des festivals. Ça reste malgré tout préservé."
>>> (très) Cher cinéma français, par Eric Neuhoff, Albin Michel, 14€, disponible depuis le 4 septembre 2019
Pour aller plus loin sur la question de la production des films français, écoutez notre podcast essayant de répondre à la question suivante : "Y a-t-il trop de films en salles ?"
Propos recueillis par Laetitia Ratane et Brigitte Baronnet au Festival du film francophone d'Angoulême 2019