Dans une publicité de la fin des années 90, Apple mettait à l'honneur "les fous, les marginaux, les rebelles, les anticonformistes... tous ceux qui voient les choses différemment". S'y succédaient des images des grands de ce monde, de Lennon à Gandhi en passant par Hitchcock et Picasso. Et à leurs côtés, un visage moins connu, celui de Jim Henson.
D'aucuns pourraient s'étonner de la présence du créateur de Kermit au sein d'une si prestigieuse liste. Il serait toutefois regrettable de résumer le CV du monsieur à l'unique fabrication de la grenouille la plus célèbre du petit écran. Car avec ses marionnettes, Jim Henson a véritablement révolutionné la télévision et le cinéma.
Les premiers pas
Ado, l'américain ne rêve pourtant pas de figurines animées mais de travailler à la télé. Et c'est parce qu'il est prêt à tout pour y entrer qu'en dernière année de lycée, il accepte un poste de marionnettiste pour une émission sur une chaîne locale. Après l'obtention de son diplôme, il intègre l'Université du Maryland où il suit notamment des cours de travaux manuels et crée en parallèle sa première série, Sam and Friends. Un spectacle de marionnettes incluant un prototype de Kermit.
C'est alors qu'il développe une façon inédite de filmer les marionnettes : en mettant le manipulateur hors champ, là où jusqu'à présent, celui-ci était dans le cadre de la caméra. Une technique audacieuse avec laquelle il entend donner davantage de vie aux personnages. Dans cette optique, il apporte une nouvelle physicalité à ses poupées et dit adieu aux impassibles figurines en bois. Avec du caoutchouc et de la mousse, il parvient à donner une sensibilité inattendue à ses marionnettes. Marionnettes qu'il ne manoeuvre d'ailleurs plus avec des fils mais avec des baguettes, élargissant ainsi les possibilités d'expression.
La consécration
La série est un franc succès et Henson fait le tour des plateaux avec ses créations. En 1958, il co-fonde avec sa femme la Jim Henson Company et passe les deux décennies suivantes à développer son art sous différentes formes, dans des publicités, des talk shows ou des émissions pour enfants. Pour ce faire, il recrute notamment son ami Frank Oz avec lequel il formera, jusqu'à sa mort, un duo légendaire.
Son travail l'amène à rejoindre l'équipe de 1 rue Sésame mais également l'illustre Saturday Night Live pour lequel il conçoit des sketches destinés à un public plus adulte. Et c'est en 1976 qu'il lance Le Muppet Show, série indéniablement inspirée du SNL, présentée par son fétiche Kermit et accueillant à chaque numéro une star en chair et en os. Deux ans avant l'arrêt du show, Henson porte les aventures de ses héros déjantés sur grand écran dans Les Muppets, le film avec lequel il remporte un succès critique et financier.
Le cinéma
Après avoir découvert le travail de l'illustrateur Brian Froud, il se lance dans la co-réalisation, toujours avec Frank Oz, de Dark Crystal. Un long-métrage à la conception titanesque à l'opposé du monde des Muppets et dont l'univers fantasy lui permet de renouveler son art. Si l'accueil du public et des médias est mitigé, le film jouira par la suite d'un statut de culte, en témoigne évidemment la série préquel développée cette année par Netflix.
Ne se laissant pas abattre par la critique, il se relance dans une expérience de cinéma avec Labyrinthe, oeuvre féérique également inspirée du travail de Froud et portée par David Bowie. Cette fois, le Monty Python Terry Jones est à l'écriture et George Lucas à la production. Ce dernier ayant déjà travaillé en étroite collaboration avec Frank Oz qui n'est autre que le marionnettiste et la voix de Yoda depuis L'Empire contre-attaque, sorti en 1980.
Grâce à son atelier de fabrication de marionnettes, le Jim Henson's Creature Shop, l'artiste enracine son héritage dans les oeuvres des autres, de La Petite boutique des horreurs au Flat Eric de Quentin Dupieux. Un héritage dont il ne verra pas les fruits puisqu'il décède en 1990 d'une pneumonie mais qui fait de lui un incontournable de la pop culture et de l'Histoire de l'Art. Un visionnaire, un révolutionnaire, un fou, un marginal, un anticonformiste...
La bande-annonce de Dark Crystal : Le temps de la résistance :