Petite séquence flashback. En juin 2013, Bethesda annoncait le retour de la cultissime licence Wolfenstein avec Wolfenstein : the New Order. Le titre était développé par un studio fondé par des anciens de Starbreeze, qui avaient notamment travaillé sur les géniales aventures de Riddick dans Escape From Butcher Bay. Pour se démarquer un peu des opus précédents, cette nouvelle version de Wolfenstein faisait le choix de partir du côté de l'uchronie post Seconde guerre mondiale. Un genre et une période déjà largement abordé au cinéma et dans la littérature, avec, pour citer quelques exemples, la formidable adaptation en série du Maître du haut château, tiré du roman de Philip K. Dick, ou Le Crépuscule des aigles; un téléfilm sorti en 1994 et qui était une adaptation du roman Fatherland de Robert Harris. Wolfenstein : the New Order poussait quant à lui le curseur nettement plus loin, puisqu'il marchait surtout dans les pas du délirant Iron Sky; ce film dans lequel les Nazis ont carrément colonisé la Lune et envahissent le monde.
Alors que l'on s'attendait à un massacre en règle, Wolfenstein : The New Order, sorti en mai 2014, a finalement été une excellente surprise. On retrouvait avec délice le toujours increvable Ranger US B.J. Blazkowicz, qui se chargeait d'envoyer Ad Patres les nazis par paquets de douze. Un an plus tard, les canons de mitrailleuses encore fumant, l'éditeur lâchait dans l'arène un Prequel, baptisé Wolfenstein : The Old Blood, dont l'histoire, à base de mystérieux artefacts aux pouvoirs maléfiques, de nazis zombifiés ou fruits d'expériences dégénérées, rappelait furieusement l'excellent Return to Castle Wolfenstein.
Trois ans plus tard, notre G.I énervé, meilleur ennemis des nazis, reprend du poil de la bête dans de nouvelles (més)aventures avec Wolfenstein II : the New Colossus. Un curieux titre de prime abord, mais qui faisait totalement sens après avoir longuement sillonné le jeu, et surtout après avoir eu le plaisir de poser nos mains sur un FPS narratif remarquablement écrit, drôle, parfois subversif et incisif, n'hésitant pas régulièrement à tacler l'Histoire du pays de l'Oncle Sam et à lui (re)jeter ses vieux démons en pleine face, sans jamais se départir d'un humour au second (voire 3e) degré fort bienvenue. Sous ses faux airs de FPS bas du front, Wolfenstein II frappait fort au niveau de son histoire. Une performance à saluer d'autant plus que la licence n'a jamais été connue pour ses qualités d'écriture. Un bilan très positif donc, malheureusement un peu terni par la suite par une série de DLC indignes du jeu.
Chasseurs de nazis de père en filles
Depuis le 26 juillet dernier, une nouvelle fournée de la franchise a déboulé dans les linéaires. Nom de code : Wolfenstein Younglood. Toujours développé par MachineGames, le studio a quand même été épaulé dans sa tâche par le renfort d'une partie d'Arkane studios, le géniteur du brillant diptyque de jeux Dishonored. Cela dit, en cinq ans, ca fait donc le quatrième jeu... Ca commence à faire vraiment beaucoup. Mais, après tout, si le résultat est toujours convaincant, pourquoi pas ?
"Youngblood" donc. Un mot synonyme de transition et d'héritage. En l'occurence celui de B.J. Blazkowicz et de sa compagne Anya Oliwa. Après avoir enfin libéré les Etats-Unis de la tutelle nazie, le couple a pu élevé à peu près tranquillement ses deux jumelles, Sophia et Jess. Histoire de ne pas perdre les bonnes habitudes, celles-ci ont quand même, sous l'étroite supervision de leurs parents, bénéficiées aussi d'un entraînement ad hoc à la survie depuis leur plus jeune âge. On ne sait jamais, ca peut toujours servir. Et puis il reste encore du nazi à casser aux quatres coins du globe. Dix-neuf ans après les événements de Wolfenstein II, en 1980, B.J. semble avoir disparu sans laisser de traces, au cours d'une mission menée à Paris. Les soeurs jumelles décident alors, avec la bénédiction de leur mère, de se rendre sur place pour le chercher. En tâchant évidemment d'éclaircir au maximum les rangs des nazis, qui ont installé leurs quartiers dans la ville Lumière.
Disons-le sans détour : Wolfenstein Youngblood souffle vraiment le chaud et le froid, au point de livrer, in fine et en dépit de vraies qualités, une expérience de jeu un vrai cran en-dessous de l'opus précédent. Un choix étrange, déjà. L'action se situe au coeur de Paris. Mais en dehors des façades haussmaniennes des immeubles de la capitale, et quelques terrasses de café désertes dont les devantures affichent ça et là "café croissant", et aussi à la rigueur les fameuses catacombes de la ville, qui servent de HUB pour partir en missions, rien n'est fait pour que le joueur identifie clairement Paris. Pas l'ombre d'un bâtiment historique comme l'Arc de triomphe ou même la Tour Eiffel, pour ne prendre que les plus symboliques et connus au monde. Tout au plus apercevrons-nous au sommet d'une tour, au loin, Notre-Dame de Paris, perdue dans un décor de Background...
Un déficit d'incarnation, ensuite. Si les jumelles du couple Blazkowicz tentent de marcher dans les pas de leur glorieux papa, elles n'ont pas pour autant son charisme. Au-delà de leurs punchlines tombant régulièrement à plat et de leur mission de sauvetage, on ne comprend au bout du compte pas vraiment leurs motivations. Presque du jour au lendemain, elles partent bras dessus bras dessous chasser les nazis à l'autre bout du globe. Certes, l'arc narratif concernant l'histoire de leur père a largement eu le temps de se mettre en place au gré des épisodes précédents. Mais -et c'est là toute la différence-, Wolfenstein II bénéficiait d'un soin tout particulier sur l'écriture de son histoire, n'hésitant pas à multiplier les séquences de flashbacks, en veillant aussi à offrir toujours un peu plus de chair à ses personnages principaux et secondaires, donnant même lieu à de francs éclats de rires au cours de certaines séquences de dialogues ou situations rencontrées dans le jeu. Ce n'est presque jamais le cas ici.
Du FPS avec des éléments de RPG
Dans le jeu précédent, le personnage pouvait améliorer ses compétences (baptisés "Perks") dans le maniement de ses armes selon certaines actions, comme effectuer 30 tirs à la tête, lancer 10 grenades, tuer en même temps deux ennemis, ect... Dans Wolfenstein Youngblood, l'idée est poussée de manière plus fine, grâce à des points de compétences que l'on peut placer où l'on veut, toujours dans l'optique bien comprise d'améliorer l'efficacité de son personnage. Ces points se gagnent notamment avec l'expérience engrangée au cours de différentes missions. Et de l'expérience, il va vous en falloir, pour faire grimper le niveau de la jumelle que vous contrôlerez.
Car les ennemis que l'on affronte sont du genre très coriaces, même au niveau de jeu normal. Aussi, avant d'espérer avancer un tant soit peu dans l'histoire principale, il vous sera impératif de boucler un maximum de quêtes secondaires pour engranger justement le plus de points d'expérience possible, histoire d'être plus à même de résister aux assauts des ennemis nazis, qui ont parfois la fâcheuse tendance à fondre sur vous par grappes de dix. Surtout si vous avez déclenché l'alarme en omettant de supprimer en premier l'officier...
Tant qu'à parler des quêtes secondaires d'ailleurs, évoquons un point crispant. Celles-ci vous expédient aux quatres coins de la capitale, vous faisant repasser dans des zones que vous aurez déjà préalablement purgé de leurs soldats nazis. Sauf qu'ils seront tous à nouveau là, vous obligeant encore et encore à faire le ménage. Quand, en plus, vous multipliez les allers-retours d'une zone à l'autre pour récupérer tel ou tel élément dans une même quête secondaire, ca devient franchement pénible...
Heureusement, les combats sont toujours un point fort de la licence, Wolfenstein n'étant évidemment pas réputé pour faire dans la dentelle de Bruges. Le titre de MachineGames reste donc ultra efficace. Avec un panel d'armes au feeling plaisant et personnalisables, allant du laser haute-densité capable de désintégrer les ennemis au lance-grenades pneumatique, les combats sont nerveux et bien violents, en mode Fast & Furious. On ne saurait trop vous recommander d'éviter quand même de foncer dans le tas; faute de quoi vous risquez de manger les pissenlits par la racine assez rapidement. Vous voilà prévenus.
Un élément largement mis en avant par Bethesda concernant cet opus est le jeu en coopération avec un autre joueur, qui contrôlera l'autre soeur jumelle. Pour avoir pu tester la chose ainsi, cela rend effectivement le jeu très fun. Les combats sont nettement moins fastidieux qu'en solo, notamment parce qu'il est possible de mettre en place de petites stratégies complémentaires pour venir à bout des ennemis. En solo, il faut compter sur l'I.A. alliée qui contrôle l'autre soeur. Très moyenne, elle a en outre régulièrement le malheur de rester plantée en plein milieu d'un combat sous un déluge de plomb et d'explosions, ce qui vous obligera régulièrement à lui venir en aide. En clair, si vous jouez uniquement en solo à Wolfenstein Youngblood, dites-vous que vous ferez l'essentiel du travail d'éclaircissement des rangs ennemis...
A la lecture des arguments qui précèdent, vous aurez peut être l'impression que Wolfenstein Youngblood est un mauvais jeu. Ce qui n'est évidemment pas le cas. Plutôt agréable à l'oeil, bénéficiant d'une durée de vie très correct, offrant des combats bien nerveux tels qu'on les attend dans une telle licence, d'une BO vraiment excellente, d'un système de progression du personnage bien fichu avec ses points de compétence, vendu à un prix raisonnable qui plus est, le titre a des atouts à faire valoir. Vu la fin très ouverte de cet opus, appelant de tous ses voeux un ultime volet, il va quand même falloir que MachineGames revoit sensiblement sa copie, d'ici les probables deux années nous séparant d'un nouveau chapitre Wolfenstein.
Ci-dessous, la bande-annonce du jeu...