Diffusée le temps de trois saisons sur UPN puis sur la CW entre 2004 et 2007, Veronica Mars faisait à l'époque figure de petit bijou à part dans l'univers des teen dramas. Méconnue du grand public et partie trop tôt à cause d'audiences qui n'ont jamais vraiment réussi à décoller outre-Atlantique, la série pouvait cependant compter sur une ambiance néonoire particulière, un regard plus adulte qu'à l'accoutumée, une écriture d'une intelligence folle, et un mélange savamment dosé entre humour et mystère qui ont tout de suite trouvé résonance auprès d'un noyau de fans purs et durs, les Marshmallows.
Après un long métrage médiocre sorti directement en DVD et VOD en 2014 et financé par le public, qui se résumait à 1h30 de fan service sans grand intérêt et sans scénario, Veronica Mars, qui comme son héroïne ne renonce jamais, est une fois de plus de retour pour une quatrième saison composée de 8 épisodes. Toujours supervisé par Rob Thomas, le créateur de la série, et emmené par Kristen Bell, ce revival mis en ligne par surprise vendredi - soit une semaine plus tôt que prévu - sur la plateforme de streaming Hulu semble avoir pour objectif non pas de conclure l'histoire, mais plutôt de montrer aux amateurs de séries, et à Hulu elle-même, que les aventures neptuniennes de Veronica, de Keith, et de Logan ont encore du potentiel et des choses à raconter. Mais est-ce vraiment le cas ?
Lorsque débute cette saison 4, Veronica est retournée vivre à Neptune depuis plusieurs années, s'est installée en couple avec Logan, le grand amour de sa vie, et travaille à nouveau comme détective privée aux côtés de son père, Keith, au sein de Mars Investigations. Bref, peu de choses ont changé et Veronica est toujours la même. Alors que le Spring Break bat son plein et qu'une horde d'étudiants fêtards et en chaleur déferle sur la ville, une attaque à la bombe visant un motel plein à craquer fait quatre morts et plusieurs blessés. Ébranlés, comme tous les habitants de Neptune, par cette tragédie, Mars père et fille vont alors être amenés à mener l'enquête et ne vont pas tarder à se rendre compte que cette attaque n'est que la première d'une longue série. Nous propulsant ainsi dans un nouveau mystère aux accents de film noir qui manque, malheureusement, cruellement d'inspiration et de panache.
Veronica Mars et le mystère des attaques à la bombe... qui fait plouf
Délaissant la formule qui a fait son succès à l'époque - c'est-à-dire des saisons de 22 épisodes alternant intrigue sérialisée et enquêtes bouclées - Veronica Mars nous propose ici un seul long mystère qu'elle étend sur l'ensemble de ses 8 épisodes et montre malheureusement rapidement ses limites. Sur fond de gentrification et de disparités sociales (un thème récurrent de la série), cette nouvelle enquête peine à passionner et tourne assez vite en rond, à l'image de la série elle-même. Et les prestations pourtant haut de gamme des nouveaux venus J.K. Simmons, Clifton Collins Jr., Izabela Vidovic (parfaite en mini Veronica), ou Patton Oswalt en livreur de pizza passionné de faits divers, n'y changeront rien. Comme si Rob Thomas avait vu trop grand et n'arrivait pas "remplir" huit épisodes avec une intrigue qui aurait largement pu tenir en seulement six épisodes. Un comble pour une série qui, à la grande époque de sa géniale saison 1, était pourtant parvenue à nous tenir en haleine durant une vingtaine d'épisodes avec le mystère Lily Kane pour ne plus nous lâcher jusqu'au choc de sa résolution finale. Aujourd'hui, l'histoire manque d'ancrage émotionnel (Veronica n'étant pas touchée de près par les événements) et a seulement pour effet de nous rappeler que la série n'est plus ce qu'elle était.
Alors, même si chaque nouvelle attaque à la bombe relance, momentanément, l'intrigue et que l'enquête s'accélère, enfin, sur les deux derniers épisodes, on se trouve finalement à rester - et à subir un peu ces 8 épisodes - seulement pour retrouver ces personnages qu'on a tant aimés dans les années 2000. Mais, manque de chance, même de côté-là, la déception pointe bien vite le bout de son nez.
La nostalgie n'a pas toujours du bon
Si elle n'a plus 17 ans, Veronica n'a pas beaucoup changé et reste fidèle à elle-même, toujours aussi cynique et badass. Un bon point pour cette saison 4 qui, dès ses premières secondes, voit Kristen Bell entrer à nouveau dans la peau de cette Nancy Drew désabusée avec une aisance assez incroyable. Comme si 2004, c'était hier. Le problème c'est que Veronica ne parvient pas vraiment à grandir. Ou tout du moins que l'âge adulte ne sied pas vraiment à la série, qui ne retrouve jamais l'esprit teen qui faisait sa force à l'époque. La relation piquante entre Veronica et Logan, qui a fait vibrer tant d'aficionados durant les trois premières saisons, a laissé place à une vie de couple d'une platitude exaspérante, au sein de laquelle Logan (Jason Dohring) est devenu une sorte de petit ami parfait dépourvu de tout mordant, qui fait un peu trop de la figuration à notre goût et sert surtout à essayer de convaincre Veronica que ses blessures et sa rage d'ados ne peuvent plus être une excuse 15 ans après et qu'elle devrait régler ses problèmes en allant voir une psy. Pour enfin aller de l'avant et passer à l'étape supérieure de leur vie ?
Motivée par une nostalgie de l'époque et de ses grandes heures, cette nouvelle saison accumule les clins d'oeil, les caméos, et les retours de personnages chouchous du public avec plus ou moins de bonheur (heureusement que Leo est là, même si son alchimie avec Vero nous fait remarquer à quel point Logan est devenu fade). Et si l'on ressent à quel point Rob Thomas aime ses personnages, on ne peut s'empêcher de se demander pourquoi Wallace ou Dick ont au final aussi peu de choses à jouer. Et donc aussi peu d'intérêt au sein de ce revival. Les seuls personnages qui ont droit de vraies arches narratives sont finalement Veronica et Keith, toujours incarnés avec brio par Kristen Bell et Enrico Colantoni. Leur relation père-fille si drôle et si touchante nous avait manqué et reste, des années plus tard, le coeur palpitant de la série. Mais justifie-t-elle à elle seule ce retour à l'écran ? Probablement pas.
Une conclusion qui finit d'enterrer un peu plus un revival raté
Au final, cette quatrième saison de Veronica Mars s'impose donc comme une déception qui ne cesse de regarder dans le rétroviseur sans jamais parvenir à retrouver ce qui faisait toute la singularité de la série à ses débuts. En résumé, il est loin le teen drama avant-gardiste qui parvenait notamment, dans un élan pré-Me Too, à mettre les violences faites aux femmes au centre de ses problématiques. Ici, le propos social et le climat politique américain actuel, présents en toile de fond, peinent à trouver une vraie place au sein du récit, noyés derrière une enquête laborieuse et prévisible. Victime d'un énorme ventre mou à mi-parcours, cette version 2019 de la série saura au final sûrement contenter les fans hardcores, qui fermeront volontiers les yeux sur ses (nombreuses) faiblesses, mais peinera peut-être à cueillir un nouveau public. Une saison 5 semble pourtant déjà envisagée par Rob Thomas et Kristen Bell et on peine à imaginer ce à quoi elle pourrait ressembler. Ou à voir en quoi elle serait justifiée.
D'autant plus que la fin de la saison 4 nous offre un énorme twist qui ne manquera pas de faire parler. Un choc semblable à l'une des explosions ayant ravagé Neptune au cours des épisodes précédents, qui modifie lourdement l'ADN de la série et annonce une saison 5 différente. Très différente. Au moment de conclure cette nouvelle fournée, Rob Thomas donne l'impression d'avoir réalisé (trop tard) que son héroïne était en train de stagner et qu'il était temps de la faire avancer. Mais ce que dit cet ultime choix scénaristique au sujet de Veronica, qui serait visiblement incapable d'aller de l'avant en étant heureuse, est assez triste. On ne sait pas de quoi sera fait l'avenir de Veronica Mars, mais une chose est sûre : on préfère oublier ce revival raté et retourner mater, une fois de plus, les deux premières saisons (la troisième étant déjà plus dispensable). Parce que Rob Thomas ne fera sûrement jamais mieux. Et parce que Mac manque cruellement à ces nouveaux épisodes. Et ça, c'est inacceptable.
La bande-annonce de cette quatrième saison longtemps attendue par les fans de Veronica Mars :