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    Barry Jenkins : le réalisateur de Moonlight au micro pour Si Beale Street pouvait parler

    Rencontre avec Barry Jenkins qui vient de signer son nouveau long métrage, "Si Beale Street" pouvait parler", un film assez complémentaire de son précédent, "Moonlight", Oscar du Meilleur film 2017.

    Après Moonlight, Barry Jenkins revient avec son nouveau long métrage, Si Beale Street pouvait parler. Rencontre avec le réalisateur qui signe là son troisième long métrage.

    Harlem, dans les années 70. Tish et Fonny s'aiment depuis toujours et envisagent de se marier. Alors qu'ils s'apprêtent à avoir un enfant, le jeune homme, victime d'une erreur judiciaire, est arrêté et incarcéré. Avec l'aide de sa famille, Tish s'engage dans un combat acharné pour prouver l'innocence de Fonny et le faire libérer.

    AlloCiné : Pourquoi avez-vous choisi Beale Street parmi toutes les oeuvres de James Baldwin ?

    Barry Jenkins : Beale Street n'est pas mon roman favori de James Baldwin, je lui préfère Giovanni's Room, mais le double langage de James Baldwin m'obsédait. Il arrivait à mêler la romance, la sensualité mais aussi l'injustice du système de la société américain. Et cela colle parfaitement à l'histoire de Tisha et Fonny [les personnages du film, NdlR].

    Ce film représentait de nouvelles difficultés pour vous en termes de mise en scène, je pense à la scène avec les deux familles, qui devait être compliquée à filmer...

    Elle était très difficile, surtout pour moi. Si vous avez vu mes précédents travaux (mes films, mes courts métrages) il doit n'y avoir que deux scènes avec plus de deux personnages parlant à une table, et ça devait être avec trois personnes ! Là j'ai une pièce mais huit acteurs, ce qui était intimidant, en plus de ce qui se dit lors qui rend la séquence complexe intellectuellement et émotionnellement. J'essayais donc de donner aux huit acteurs le même espace d'expression que si j'en avais deux.

    Côté réalisation, les caméras ne pouvaient pas être entre les acteurs. Ils sont assis en "U" dans le salon, et la caméra est toujours en dehors de la conversation. Nous filmions donc en "French overs"* soit par derrière, caméra au-dessus de l'épaule. C'était donc difficile mais très enrichissant.

    Mars Films

    Votre directeur photo, James Laxton, travaille avec vous depuis l'école de cinéma, comment avez-vous travaillé avec lui pour créer les couleurs saturées qui caractérisent ce film ?

    C'est intéressant car pour ce film comme avec Moonlight que j'ai écrit en même temps, le genre, l'histoire ou la narration m'importent peu, [je me centre] sur les personnages. J'essaye de refléter la conscience de ces personnages. Moonlight est l'histoire de Chiron, Beale Street est celle de Tisha et c'est pour cela que l'image est différente, mais si Chiron avait été le héros de Beale Street, le film aurait encore eu une couleur différente.

    Pour [Laxton et moi], le film est une série de souvenirs, très vivants ou au contraire très sombres, ils sont tous vus à travers les yeux d'une fille de 19 ans. Donc la façon dont elle perçoit son premier rendez-vous, la première fois qu'elle fait l'amour a décidé les couleurs, la température que nous souhaitions donner [à ces scènes]. La première partie du film est donc colorée en vert et or mais lorsque Daniel [joué par Brian Tyree Henry d'Atlanta, NdlR] apparaît, la scène est plus sombre et les couleurs sont plus ombragées.

    Tatum Mangus Annapurna Pictures DCM

    Dans vos films, l'amour surmonte l'injustice, êtes-vous un romantique ou un optimiste ou les deux ?

    Je pense que vous vous êtes un optismiste car je ne pense pas que l'amour puisse vaincre l'injustice (rires) ! Mais je pense en effet que l'amour peut nous protéger, d'une certaine façon, nous éviter d'être détruits par l'injustice. Donc je ne sais pas si les sentiments suffisent, mais ils sont un bouclier. Je ne pense pas être optimiste, mais lorsque je crée pour mon travail je veux croire que je le suis. Et pour ce film en particulier, j'ai changé la fin du livre, qui n'était pas aussi optimiste que ce que le film voulait avoir. Et en ce sens je suis un optimiste, qui croit au pouvoir de l'amour.

    Un des personnages du film, Levi, joué par Dave Franco, est lui aussi porteur d'optimisme. Est-ce que vous pouvez nous parler de l'apport qu'il a à l'histoire de Tisha et Fonny ?

    Nous avons fidèlement adapté le personnage de Levi qui se trouve dans le livre, c'est un propriétaire juif. Le roman est très amer puis arrive ce personnage qui apporte de la joie et de l'espoir. C'était un choix intéressant de Monsieur Baldwin : comment pouvais-je davantage l'habiter et l'ancrer dans le film ? Et en faisant les repérages, nous avons croisé ce loft qui nous a incité à faire des réécritures pour tenir compte du lieu et d'où placer le canapé, etc. Puis nous avons chercher à lier Levi à Tisha et Fonny. Tout le film traite des rapports mère-fille et de l'inné et l'acquis. J'essayais donc que ce personnage soit connecté à mes personnages principaux afin que lorsqu'il apparaisse, sa bonté soit crédible. D'où l'idée de cet ajout de la réplique "Je suis le fils de ma mère, c'est ce qui fait la différence entre eux et nous". Et on revient à cette idée d'optimisme opposé au pessimisme, je pense qu'il y a des gens bons dans le monde, et on peut les rencontrer.

    "Si Beale Street pouvait parler", en salle ce mercredi dans les salles :

    * le "French overs" a été inventé par la Nouvelle Vague pour filmer des dialogues au plus près des acteurs mais de dos. Elle apparaît notamment dans "A bout de souffle" de Jean-Luc Godard.

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