AlloCiné : On vient à Chérif pour son côté méta, on reste pour ses personnages. Quels sont les challenges que vous vous êtes imposé dans cette saison ? Quels seront ses principaux axes ?
Lionel Olenga : Ce qui nous intéresse le plus, c'est de profiter du cadre d'une série comme Cherif - une série policière mainstream - pour jouer avec les codes et voir où nos personnages nous emmènent. Chaque année, la série offre une place de plus en plus importante à la famille Cherif, que ce soit la famille perso, ou la famille pro et nous savons que plus les éléments pro/persos sont mélangés au sein d'une même intrigue, plus l'histoire va embarquer nos spectateurs. Durant l'élaboration de l'arche narrative de la saison 6, que j'ai co-écrite cette année avec Cecile Even, nous avons tenu à profiter de cette dimension chorale pour faire vivre une année intense à chaque personnage, sans délaisser les enquêtes policières qui sont un des éléments importants du cocktail de la série.
Nous voulions voir ce que les personnages avaient dans le ventre, et nous amuser avec les aspirations (contrariées) de chacun... à commencer par Cherif. (sourire) Entre l'évasion de Christelle Laurent, le retour de sa fille Sarah, de nouvelles confrontations avec la maman d'Eddy, il a fort à faire... Et puis se pose une question centrale pour Cherif : après avoir vécu une histoire aussi forte avec Adeline Briard, peut-il retrouver l'amour?
Nous avions envie de voir ce qui se passe lorsque l'on doit tourner une page aussi importante. Ce sont des choses qui arrivent dans la vie et c'est intéressant de raconter comment Cherif affronte tout ça...
Comme je le disais, la dimension chorale nous permet de développer nos personnages et ça leur donne de jolis moments; Sans tout dévoiler, Roxane, Dejax, Baudemont, Doucet, Deborah Atlan, Maman Cherif... tous vont vivre une saison pleine de bouleversements... et comme nous avons la chance d'avoir un casting qui assure autant dans la comédie que dans le drame... C'est un plaisir de travailler avec cette équipe.
Stéphane Drouet et moi avons souvent discuté de ce qui serait pour nous le meilleur dernier épisode possible... Sans rien dévoiler, je peux vous dire que nous en avons une idée très précise.
AlloCiné : Le premier épisode de la saison exploite le rapport qui unit le créateur et sa créature, ainsi que le sentiment de devoir lâcher prise, de savoir quand il faut « tuer son héros». Est ce que c’est quelque chose à laquelle vous pensez actuellement ? Chérif entame sa sixième saison, 12 épisodes (c’est une première), est ce que vous commencez à réfléchir à la fin ?
Lionel Olenga : "Tuer son héros..." Nous l'avons déjà fait... dans l'épisode "La Mort de Kader Cherif"... trois ou quatre fois même! (sourire) Plus sérieusement, Stéphane Drouet et moi avons souvent discuté de ce qui serait pour nous le meilleur dernier épisode possible... Sans rien dévoiler, je peux vous dire que nous en avons une idée très précise. Ce serait d'ailleurs une très jolie fin, dans la droite lignée de ce qu'est la série...
AlloCiné : Chérif fait partie des séries les plus populaires de France 2, comment gère-t-on cette pression ?
Lionel Olenga : D'abord, nous nous disons que nous avons beaucoup de chance.
Avoir réussi à développer une aussi jolie relation avec le public, c'est vraiment précieux. Bien sûr il y a la peur de décevoir, et en même temps, ça nous permet chaque année de tenter des petites choses, de pousser un peu plus loin le bouchon... Cette connivence que nous avons avec notre public, nous l'avons également avec France 2, ce qui nous permet de travailler main dans la main.
Nous essayons chaque année de donner le meilleur, à tous les postes. J'ai pu apprécier encore plus cette saison à quel point l'équipe est top et s'implique dans le processus de fabrication de la série. Après, il ne faut jamais perdre de vue qu'on remet les compteurs à zéro chaque année et qu'on espère que le public nous suivra une fois encore...
J'ai pu apprécier encore plus cette saison à quel point l'équipe est top et s'implique dans le processus de fabrication de la série.
AlloCiné : Chérif est « la série qui aime les séries », ce qui lui donne ce statut méta un peu particulier, qui a construit son plébiscite, en célébrant aussi bien des figures classiques (de Magnum à Simon Templar) que récente (The Mentalist, Mr Robot). Comment arrive-t-on à se renouveler après autant d’épisodes et comment évite-t-on de tomber dans un travers où les références deviennent artificielles ?
Lionel Olenga : ...En faisant en sorte que les références soient intégrées aux intrigues... Les scénaristes de Cherif aiment les séries et se prêtent au jeu. Après, malheureusement, il arrive que nous ayons une référence, mais que nous ne la gardions pas, justement pour éviter un côté catalogue qui ne servirait pas l'histoire.
AlloCiné : Chérif est un formula show, vous vous servez du format aussi bien comme un exercice de style (la mise en abîme dans le 6x03 ; la maison hantée dans le 6x04) ou pour aborder un fait de société (le harcèlement dans le 6x05). Que répondez-vous aux reproches que l’on fait couramment à ce style de séries d’être « un peu toujours la même chose » et qui sont souvent peu célébrées par la critique alors que le public répond présent ?
Lionel Olenga : Concernant le "c'est toujours un peu la même chose", c'est un peu le principe d'un procedural à épisodes bouclés. Dès le départ, nous voulions une série grand public qui s'amuse avec les téléspectateurs... On ne s'y prend pas trop au sérieux, et en même temps, les affaires que nos policiers traitent sont sérieuses. Quand nous avons développé Cherif, en 2011/2012, ce n'était pas un pari si évident que cela. C'était une vraie proposition, qui assumait "le changement dans la continuité", à savoir : une recette connue avec des petits pas de côté.
Les saisons et le succès venant, nous avons pu pousser le concept de la série qui aime les séries de plus en plus loin, mais tout en restant fidèle à la proposition de départ.