Avec ses six saisons au compteur et un plébiscite public toujours intact, Chérif fait parti des vétérans de France Télévision. Une longévité qui s’explique par la sympathie que dégage son personnage principal et la complicité qui l’unit aux spectateurs. Lionel Olenga et ses auteurs ont fait le pari d’un flic méta, citant ouvertement des séries pour résoudre ses enquêtes (ou avancer des théories), partageant ainsi une même culture et des références que tout le monde ou presque peut comprendre. 10 ans plus tôt et une sériephilie encore très frileuse, la série aurait été presque anachronique. Aujourd’hui, le phénomène série est intégré au paysage télévisuel français, Chérif est un parfait produit de son époque.
Survivre à un (nouveau) départ
La cinquième saison devait surmonter un périlleux challenge : le départ de l’actrice Carole Bianic et la construction d’un nouveau tandem. Pas facile de tout reprendre à zéro et obliger le spectateur à changer ses habitudes dans un format qui privilégie la récurrence et la répétition. L’une des questions de cette sixième saison sera donc de savoir si la série peut survivre à la disparition de son couple vedette ?
De survivre, il sera question dès le premier épisode. Outre la menace qui pèse sur Chérif et ses proches suite à l’évasion de Christelle en fin de saison dernière, l’intrigue exploite la thématique de l’union entre un auteur et sa création. Quand faut-il savoir lâcher prise et faire mourir son héros ? Se dessine l’idée de la fatigue de l’auteur. Également à l’étude sur la quatrième saison du Bureau des Légendes, l’endurance des héros (donc des séries, donc des auteurs) est une chose un peu nouvelle dans le paysage hexagonal. Il y a les séries à rallonge sur qui le temps défile sans laisser de traces (à peine le vieillissement des acteurs) et leurs autres, qui entendent illustrer les cicatrices des histoires passées (Engrenages, dont la septième saison arrive prochainement sur Canal +, en plus des séries citées).
Cette sixième saison entend montrer toute sa versatilité, jouer avec les genres (la mise en abîme, la maison hantée) comme avec les thèmes (l'homophobie, le cyber-harcèlement). C'est la force des formula shows (séries où chaque épisode constitue une enquête) que de pouvoir assumer légèreté et drame au sein d'une même saison sans souffrir de rupture de ton. Et à ce petit jeu, Chérif se montre particulièrement inspiré, manipulant le drame et la comédie avec un sens aiguë de l'équilibre et du dosage.
Les clés du succès
Quelles sont les raisons du succès et le secret de cette longévité ? Il y a bien sûr la sympathie immédiate de Chérif (et le charisme d'Abdelhafid Metalsi). Auquel on peut ajouter la mécanique policière toujours efficace et twistée par les références complices ; la dynamique du duo, passé (avec Carole Bianic) ou présent (Aurore Erguy) qui rythme l’épisode au fil de leurs échanges. Enfin, il y a les personnages secondaires, ceux qui sont le plus souvent au second plan mais qui constituent le paysage. Des personnages que l’on voit au début mais que l’on ne regarde pas. Et pourtant ils constituent la famille de la série, la béquille sur laquelle se reposer pour éviter le burn out.
Pour Lionel Olenga, « un bon épisode de Chérif, c’est lorsque le pro mélange le perso », à savoir, le juste équilibre entre l’aspect ludique ou dramatique d’une enquête et le traitement au long cours d’intrigues plus intimes. Un rapport à nouveau efficace dans cette sixième saison où chaque personnage se voit doter d’un arc narratif personnel : l’avenir professionnel de Baudemont (François Bureloup), familiale de Dejax (Vincent Primault) ou les relations polices et journalisme pour Doucet (Greg Germain). Des intrigues secondaires mais qui permettent à la série de justifier sa longévité autrement que par l’accumulation d’enquêtes et/ou drames extraordinaires. C’est aussi ce qui permet de tisser un lien fort entre l’oeuvre et son public, de justifier à la fois la longévité et le succès. Comprendre que l’on vient à Chérif pour le personnage principal (qui englobe l’aspect policier + méta) mais que l’on reste pour les autres, parce qu’ils incarnent une facette plus soap ou plus sitcom. Chérif est la série qui aime les séries, toutes les séries.