Débarquée à la fin de l’année dernière aux Etats-Unis et en janvier suivant sur OCS en France, Counterpart est une série qui mêle des éléments classiques de science-fiction (option mondes parallèles) et d’espionnage (option géopolitique). L’idée de départ, selon le créateur et showrunner Justin Marks, est de proposer une variation des oeuvres paranoïaques se déroulant pendant la guerre froide où l’idée d’un mur opposant les deux camps seraient plus métaphysique que solide. Un peu comme si Fringe rencontrait Le Bureau des Légendes. Mêmes mondes miroirs, même traitement rigoureux et anti spectaculaire.
Counterpart est une série du câble américain très contemporaine. Elle en possède tous les tics : un rythme peu soutenu, une intrigue dense et complexe, un style tout en retenu. Le genre de spectacle qui brille par son intelligence et la sobriété de ses effets. Ce que l’on retrouvait dans les premières séries de HBO (Oz, Les Soprano,...) ou chez la concurrente AMC (Mad Men, Breaking Bad, Rubicon…). De la combustion lente mais très intense. Et une approche des genres très consciencieuse, très appliquée qui montre la réflexion de la démarche. Le concept des terres parallèles n’est pas un simple gimmick emprunté à la science-fiction mais un postulat qui permet de poser des enjeux géopolitiques très actuels dans un context intemporel. Se mélangent les grands classiques de l’espionnage (L’espion qui venait du froid, Un crime dans la tête) et une vision du terrorisme synchrone avec notre époque.
Aux nombreuses zone d’ombres qu’elle devra éclaircir (qui est la direction ? que veut-elle réellement ?) et qui apporte un côté ludique à cet ensemble très sérieux, ce sont bien les personnages qui motivent l’investissement. C’est particulièrement visible avec les arcs narratifs autour du couple Howard/Emily, qui seront l’un des enjeux principaux de la seconde saison. J.K. Simmons et Olivia Williams leur apportent toutes les nuances nécessaires pour faire vivre les différentes versions de leur personnage. Loin de l’exercice de style ostentatoire, leur composition évoque une mise en abîme du métier d’acteur, tout en variation, en reflet, en glissement progressif d’un rôle à l’autre où tout finit un peu par se mélanger.
La première saison laissait deux mondes blessés s’observer dans une situation diplomatique compliquée. Un rapport tendu qui encourage les réactions paranoïaques dans des dispositifs exceptionnels. Mais ce que l’on retient peut-être davantage, c’est la scène plus intime d’un homme dur qui révèle sa vulnérabilité alors qu’il ouvre un livre ; et d’un réveil inattendu. A l’image d’une série qui évoque aussi bien les schémas narratifs complexes de l’espionnage géopolitique et les grandes tragédies.