Il y a presque quelque chose d'étrange à écrire à propos de Life is Strange 2, à l'heure où son modèle d'inspiration, le studio Telltale Games, qui a largement suscité la vague des jeux narratifs séquencés en épisodes, est en situation de quasi faillite depuis la fin septembre…
Quoi qu'il en soit, une petite séquence flashback s'impose, en forme de douce piqûre de rappel, pour ceux et celles qui ne connaissent pas encore la licence. Sorti entre les mois de janvier et octobre 2015 sous la forme de cinq épisodes, Life is Strange, développé par le talentueux studio parisien Dontnod, fut un des plus beaux jeux de l'année. Bénéficiant d'une direction artistique inspirée, Life is Strange relatait l'émouvante histoire de Max Caulfield, une adolescente se découvrant le pouvoir de remonter et manipuler le temps, et celle de son amie d'enfance Chloé Price, unies pour le meilleur comme pour le pire. Superbe méditation sur le temps qui passe et même sur l'appréhension de la mort et le travail de deuil, magnifique chronique douce - amère des années lycées, Life is Strange était un titre remarquablement écrit, dont le ton mélancolique et nostalgique était renforcé par une fantastique bande-son en partie composée par Jonathan Morali, avec son groupe Syd Matters. Gros succès Critique et public, Dontnod a incontestablement frappé fort avec ce titre.
Trois ans après, la même équipe revient, toujours rangée derrière la bannière du tandem Raoul Barbet et Michel Koch, qui étaient déjà les Co-Creative Directors sur le premier jeu. La pression est évidemment là, tant cette seconde saison de Life is Strange cristallise de grosses attentes auprès de la communauté de fans. Déjà, en guise de hors-d'oeuvre et histoire de permettre aux fans de la licence de prendre leur mal en patience, plutôt intelligemment d'ailleurs, Dontnod nous a gratifié fin juin d'un petit Spin Off, Les Aventures extraordinaires de Captain Spirit, centré sur un attachant gamin de 9 ans. Une aventure, certes courte mais voulue comme telle, et surtout 100 % gratuite, qui était une jolie introduction à l'univers de Life is Strange 2.
Un American Way of Life contrarié
Le 27 septembre dernier était in fine le coup d'envoi du premier chapitre -sur une série de cinq- de Life is Strange 2. Cette fois-ci, exit l'univers de Max Caulfield et de la petite ville d'Arcadia Bay. Place aux (més)aventures de deux frères d'origine mexicaine et naturalisés américains vivant à Seattle. D'abord l'aîné, Sean Diaz, 16 ans, et son petit frère Daniel, 9 ans. Leur mère ayant quitté le foyer familial, ils vivent désormais avec un père aimant et travaillant dur, venu lui aussi chercher sa part de rêve de l'American Way of Life, en caressant encore l'espoir de refaire, un jour, in fine, le chemin inverse et rentrer au pays, dans sa ville natale du nom de Puerto Lobos. De manière assez intéressante d'ailleurs, et bien que l'on imagine que les créateurs du jeu ne sont pas forcément venus avec un agenda politique -un thème qui fait plutôt office de repoussoir dans l'industrie vidéoludique-, le vécu de cette cellule familiale mexicaine immigrée, que l'on devine en observant divers éléments dans l'environnement sans compter les dialogues; une famille intégrée dans le Melting Pot américain et en même temps victime du racisme ordinaire envers les latinos, colle de manière troublante avec l'actuelle politique américaine menée par Trump envers son voisin mexicain...
Alors que Daniel a encore des rêves plein la tête et la naïveté de son âge, il idolâtre son aîné qui, lui, a des préoccupations d'adolescent, entre amourette lycéenne et soirée entre amis d'école, où, comme de bien entendu, chacun challenge son camarade par textos interposés pour déterminer qui d'entre eux se chargera de ramener les substances illicites et autres breuvages interdits aux mineurs. Le point de rupture survient à la suite d'un enchaînement dramatique d'événements, dont nous tairons la nature pour ne pas spoiler. Toujours est-il que la situation se complique avec l'apparition d'un nouveau pouvoir fascinant, qui aura logiquement de grandes conséquences sur les deux frères.
Jeté sur les routes et fuyant la Police, presque sans un sou en poche, Sean & Daniel entament un périple au long cours, dont les premières embûches ne tardent d'ailleurs pas à voir le jour lors d'une halte dans une station de service. La relation entre les deux frères et surtout son évolution sont au coeur du récit de ce premier épisode très bien écrit, et souvent touchant. Si Sean l'aîné est un modèle à suivre pour son petit frère, il a aussi une grande influence sur lui, en bien comme en mal. Voler ou pas à l'étalage, le rassurer pour qu'il puisse dormir à la belle étoile ou au contraire le mettre face à la réalité, même si Sean cherche toujours à préserver autant que possible son frère de la brutalité de la situation… Rien n'est jamais blanc ou noir, mais toujours en nuances de gris, dans les choix effectués par le joueur, qui posent d'ailleurs parfois de vrais dilemmes moraux. On retrouve toujours cette notion de choix et conséquences au coeur du jeu, même si la portée de certains choix effectués dans cet épisode ne pourra se mesurer qu'au terme du 5e épisode.
Adoptant un Character Design sans doute un peu plus fin que les personnages de la première saison, Life is Strange 2 quitte aussi les tons nettement plus pastels et chauds de la première saison pour des nuances plus froides, mais pas moins réussies. En clair, si vous avez aimé la patte visuelle de Life is Strange, celle de sa suite devrait logiquement vous séduire, d'autant que le titre est toujours baigné, comme dans la première saison, par une musique signée par Jonathan Morali. Cela dit, et quoique de qualité, la BO nous a semblée un peu en retrait, disons plus discrète, qu'auparavant. Quoi qu'il en soit, rien qui ne vienne gâcher cette première expérience de jeu passée sur Life is Strange 2, dont on attend déjà avec une pointe d'impatience les épisodes suivants. A suivre donc. De près, forcément.
Ci-dessous, la bande-annonce de lancement de "Life is Strange 2"...