Attention, cet article contient des spoilers sur la saison 1 de 13 Reasons Why, et notamment le dernier épisode.
Avec 13 Reasons Why, Brian Yorkey et son équipe voulaient faire une série qui marque les esprits. En adaptant un best-seller signé Jay Asher, ils se sont attaqué à des thématiques difficiles telles que le harcèlement scolaire, le viol… et le suicide. Après 12 épisodes qui n’ont fait que monter crescendo, le dernier révèle enfin la scène que l’on redoutait.
En effet, après avoir "donné une dernière chance à la vie", Hannah décide de mettre fin à ses jours. En se taillant les veines, assise dans une baignoire remplie à ras bord. La scène est dure, insoutenable et d’une puissance rare. Impossible de ne pas détourner le regard face à la douleur de l’héroïne campée avec brio par Katherine Langford. Cette scène a naturellement suscité des débats, sur la nécessité et les dangers de montrer un suicide à l’écran. Peu de séries l’ont fait, encore moins des programmes à destination des adolescents et jeunes adultes. Aux Etats-Unis, des organisations, telles que la Fondation pour la Prévention du Suicide, se sont appuyées sur des études pour dire "que le nombre de suicides augmentaient lorsque l’histoire décrit de manière explicite la méthode, utilise des images crues et spectaculaires […] ou rend la mort attirante".
13 Reasons Why, la série qui a permis à des fans du monde entier de parler pour la première fois du harcèlement scolaire qu’ils ont pu subir, a-t-elle fait un faux pas en nous montrant cette scène ? Rappelons que dans le livre, Hannah se donne la mort en avalant des pilules.
La série est-elle allée trop loin ?
L’un des scénaristes de la série, Nic Sheff, a choisi de se défendre et de répondre précisément à ces critiques dans une lettre ouverte publiée sur Vanity Fair. Un témoignage fort que nous avons retranscrit en partie :
"Ces controverses m’ont vraiment étonné. Dès le début, j’étais certain que nous devions décrire son suicide avec le plus de détails possibles. Je me suis même battu pour ça, en prenant pour exemple ma propre tentative. […] C’était pour moi l’occasion rêvée de montrer comment se déroule un suicide, de mettre fin au mythe de la mort tranquille, de mettre les spectateurs face à la réalité, quand vous décidez de sauter d’un bâtiment en feu pour vivre quelque chose de bien pire. […] La chose la plus irresponsable pour moi, aurait été de ne pas montrer du tout sa mort. Aux alcooliques anonymes, on appelle ça "rejouer la scène" : il s’agit de les encourager à revivre dans les détails les événements qui se sont déroulés après leur rechute. C’est pareil avec le suicide. Rejouer la scène, c’est se rendre compte que le suicide n’est pas un soulagement, c’est les cris, l’agonie et l’horreur. […] Donc je soutiens à 100% ce que nous avons fait. Je sais que c’est le bon choix, parce que ma vie a été sauvée lorsque j’ai compris toute l’horreur du suicide".
Que faut-il montrer à la télévision ?
Pour tenter de comprendre l’impact de cette scène sur les spectateurs, AlloCiné a interrogé le psychologue Jonathan Lachal, auteur de l’ouvrage Ados & Suicide : en parler et se parler. L’occasion de s’interroger sur le rôle que peuvent jouer les séries télé et les médias de manière générale sur un sujet tel que le suicide :
"L'OMS avait fait une brochure il y a quelques années adressée aux médias. Il est en effet explicitement dit de ne pas décrire la méthode du suicide, de ne pas présenter le suicide comme une réponse compréhensible à quelque chose, ne pas mettre en scène ou le présenter de manière simpliste, prendre en considération l'impact sur les proches... [...] Mais cette série est une fiction, et doit être considérée comme une fiction à mon sens. Les enfants, dès leur plus jeune âge (à partir de 3-4 ans), font très bien la différence entre la réalité et les histoires qu'ils mettent en scène dans leurs jeux quotidiens. Les jeunes sont de plus en plus exposés à la violence virtuelle (cinéma, jeux vidéo, et maintenant internet), et on ne constate pas d'explosion de la violence. Seulement quelques histoires, certes dramatiques, mais isolées."
"Certains en parlent, en font des séries, et quoi qu'on fasse on ne pourra pas complètement empêcher cela. Le meilleur moyen de faire, je pense, est d'accompagner cela. Ne pas laisser les jeunes seuls avec ces images. Les aider à mettre de mots sur les actes. Complexifier ce qui est simplifié dans les images. C'est le rôle de tous ceux qui sont avec les adolescents au quotidien : les parents bien sûr, mais aussi les équipes éducatives, pédagogiques, les médias adressés aux jeunes...".
13 Reasons Why remplit ce rôle dans ce sens. Même s’il s’agit d’un élément de fiction, la série - malgré ses défauts - appelle à la discussion. Et c’est déjà un bon point.
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