AlloCiné : Qu’est ce qui vous a donné envie de faire un film sur ce sujet ?
Yan England, réalisateur et scénariste : L’inspiration de 1:54, à la base, vient de deux choses qui sont très perso. De part tout ce que je fais au Québec en tant que comédien et animateur à la télé, je suis très impliqué au niveau jeunesse. Dès l’âge de 8 ans, j’ai fait beaucoup d’émissions jeunesse, qui fait qu’il y a un lien qui s’est créé entre ce public et moi. Les gens communiquent beaucoup avec moi via les réseaux sociaux, pour des questions, pour des témoignages, des conférences. Je suis très impliqué au niveau scolaire aussi. Et ça ne fait pas très longtemps que j’ai quitté ce milieu.Je connais beaucoup ce milieu et je voulais raconter cette réalité, en toute humilité de rentrer dans cette authenticité d’un garçon qui est en terminale, qui essaye de devenir quelqu’un, qui veut s’en sortir.
L’autre côté très perso, c’est la course. Je suis un coureur du 800 mètres, je fais des compétitions. Je connais la compétition, je voulais rentrer dans ce milieu là, j’ai joint les deux. Je voulais en parler mais sans être moralisateur, sans donner de réponses, et ce n’est pas un documentaire. C’est vraiment un thriller psychologique, c’est ça que je voulais.
La dernière chose qui était l’inspiration pour moi, c’est le fait qu’on ne réalise pas souvent la portée des gestes, des paroles. Ca peut être parfois des gestes, qui selon nous, paraissent anodins, mais la personne qui les reçoit, ça ne l’est pas du tout. On n’est pas conscient de ça. Avec les médias sociaux maintenant, c’est d’actualité, les médias sociaux ont de très bons côtés pour plein de choses, mais ils ont aussi un côté très secret, qui enferme les gens et qui empêche les professeurs et les parents de connaître la réalité parfois de leur garçon, de leur fille, à cet âge là.
C’est une immersion dans ce monde-là, le plus authentique possible. On a tourné dans une vraie école, pendant les heures de cours. Les figurants que l’on voit dans le film, ce sont de vrais étudiants.
J’imagine que c’est en voyant Mommy que vous avez eu l'idée de faire appel à Antoine-Olivier Pilon ?
Non c’est avant Mommy. En tant qu’animateur, j’avais fait une interview avec Antoine pour une émission que j’animais. Déjà il y avait des idées pour ce film, mais quand je l’ai rencontré, il avait un côté timide. Il avait une timidité, mais en même temps, pour cette interview dans une émission jeunesse, il devait faire un saut à l’élastique de la plus haute plateforme en Amérique. Quand je l’ai vu se préparer à sauter, je me disais : c’est fou à quel point il y a deux choses qui se passent.
Antoine-Olivier Pilon : Yan, au Québec, c’est quelqu’un de très influent. Quand il m’a approché pour son premier long métrage après son passage aux Oscars [pour le court métrage Henry, Ndlr.], j’étais super flatté. J’ai lu le scénario qui m’a bouleversé. J’étais très indécis à vouloir embarquer ou non parce qu’il y avait certaines scènes avec lesquelles je n’étais pas forcément à l’aise. Je l’ai laissé en attente...
Yan England : Mais en fait ça montrait une très grande maturité de sa part. Il a voulu réfléchir pour voir s’il était prêt.
Antoine Olivier Pilon : Et puis, ça a été un peu comme College Boy [le clip d’Indochine, réalisé par Xavier Dolan, Ndlr.]. Il y avait des scènes avec lesquelles je n’étais pas du tout à l’aise, me faire battre, me faire pisser dessus… Mais je vois l’importance, la vérité de ces projets. Ce serait une erreur de ne pas vouloir s’embarquer là-dedans. Le projet de Yan était tellement vrai, avec un sujet important.
Est-ce que l'on peut dire que Mommy a changé ta vie?
C'est sûr que, socialement, dans la rue, tout le monde me reconnait avec ce film. Tout le monde ne me parle que de Mommy. Même professionnellement, c'est là que c'est venu faire un peu une différence car j'ai réussi un peu à me décatégoriser de ce que je faisais avant qui était souvent un personnage un peu réservé, comme dans 1:54. C'est là où je suis allé faire quelque chose d'autre. Je me suis permis d'aller en explosion, de montrer aux gens que je pouvais incarner autre chose et que j'étais prêt à le faire ausis, à relever des défis en travaillant.
Quels films as-tu tourné depuis Mommy ?
C'est 1:54 qui a majoritairement pris mon année, mais j'ai aussi tourné dans un film d'action qui vient de sortir à Montréal, Nitro Rush, qui est la suite de Nitro, avec Guillaume Lemay-Thivierge, très grande vedette au Québec. J'ai une petite apparition qui est toujours dans le registre du petit, caché, qui ne prend pas trop d'espace. Mon but, c'était de différencier de ce que j'avais fait dans Mommy.
As-tu été sollicité par des réalisateurs français ?
Oui, après Mommy. Il ne s'est rien passé parce que j'avais beaucoup de projets, entre autres 1:54 à Montréal, et j'ai eu des phases où j'avais essayé de faire trop de choses en même temps. Trop, c'est comme pas assez, tu n'as plus la même attention sur un projet. Ce qui fait que tu n'es plus à 100% partout. Le travail est alors moins précis. J'ai essayé d'aller un projet à la fois. Je ne suis pas pressé.
Y a-t-il des réalisateurs français qui te font rêver ?
Ma culture cinématographique française n'est vraiment pas à point, donc je ne pourrais pas dire. Mais il a des acteurs français qui me font rêver : Jean Dujardin, Vincent Cassel...
Est-ce que la notoriété est quelque chose qui te plait ? Est-ce que tu t'y habitues ?
Ca a ses avantages. Il y a des moments où c’est magique. Il y a des moments où c’est très flatteur, avantageux. Comme où il y a des moments où ça fait ch*** un peu, parce que tu as envie d’avoir ton espace, ta vie privée. Il faut essayer de garder une ligne entre les deux.
Es-tu resté en contact avec Xavier Dolan ?
Oui. Il est super occupé, ça va super fort, donc je ne vais pas trop le déranger.
La bande-annonce de 1:54