Robert Langdon, épisode 3
Ron Howard : Inferno proposait plusieurs challenges intéressants. L’idée de "crise" éloigne le film de la religion, il y a donc une vraie modernité dans cette intrigue. Ca parle de surpopulation, de terrorisme, des relations dans le monde moderne, des génies face à la crise et pas seulement Robert Langdon mais aussi les personnages de Sienna Brooks (Felicity Jones) et Bertrand Zobrist (Ben Foster). C’est un film plus humaniste, plus moderne, plus tendu aussi. Quand le compositeur Hans Zimmer a vu le film fini, il m’a dit "Ron, tu as fait un thriller très différent. C’est plus moderne, plus rythmé, plus effrayant que les deux précédents films". Et il a fait en sorte de refléter ça dans sa partition.
Felicity Jones : J’ai découvert Robert Langdon à travers les films. Quand Da Vinci Code est sorti, c’était l’événement-cinéma de l’année. Et c’est là que j’ai fait la connaissance du personnage. C’est en préparant Inferno que je me suis plongée dans les romans, et j’ai pu m’imprégner de tous les petits indices et éléments que Dan Brown donne sur les personnages pour développer mon rôle. Robert Langdon et Sienna Brooks se rapprochent facilement car ils se reconnaissent en quelque sorte. On sent qu’ils ont tous deux grandi un peu dans leur coin, dans leurs énigmes et leur monde un peu intello, en attendant de faire partie un jour de quelque chose de plus grand qu’eux. Ils se reconnaissent chacun dans l’autre.
Tournage au musée
Omar Sy : C’est quelque chose d’assez exceptionnel de pouvoir tourner au cœur de Venise ou directement dans le Palais des 500 à Florence. Tous ces endroits étaient nos terrains de jeu. Et les moments d’attente inhérents à un tournage, où on ne sait pas trop quoi faire, on les passait dans des endroits somptueux. Les moments d’attente du tournage ont été délicieux, au milieu des œuvres d’art à regarder, découvrir et apprendre. Et effectivement sans faire la queue mais surtout juste pour nous. C’est quand même assez exceptionnel, et ça n’arrive qu’une fois dans une vie.
Ron Howard : C’est un vrai bonus. C’est une expérience incroyable de pouvoir accéder à ces endroits. Pour Tom hanks, Brian Grazer et moi-même, c’est toujours la même émotion. Ces histoires sont assez uniques, et cela explique leur succès. Les romans ne sont pas comme les autres romans, et les films que nous en tirons ne sont pas comme les autres films du même genre. C’est un vrai défi créatif mais c’est aussi la possibilité d’avoir un accès privilégié et unique à des lieux incroyables.
Felicity Jones : Pouvoir courir et tourner des scènes d’action dans ces lieux est vraiment cool ! Normalement, en tant que touristes, on doit être dans une attitude silencieuse et respectueuse. Là, c’était vraiment différent. Et puis comme vous le disiez, on ne fait pas la queue ! (Rires) On a un accès direct et privilégié à toutes ces œuvres d’art.
Ron Howard : Il y a une scène très drôle où Felicity a pu prendre un vrai passage secret ! La plupart du temps, sur ce genre de films, vous devez construire votre propre passage secret et imaginer un décor logique pour le matérialiser. Là, c’est un vrai passage secret, et Felicity était comme une enfant face à cette porte dérobée qui s’ouvrait véritablement ! (Rires)
Omar Sy et Tom Hanks sont dans un train...
Omar Sy : C’était assez exceptionnel comme scène à jouer. Il faut constamment rester dans son personnage, et oublier qu’on a en face des acteurs qu’on admire, que ce soit Tom ou Felicity. Il fallait faire en sorte de ne pas être dans une position de public et rester dans le personnage. La scène dans le train était un moment particulier du tournage, que j’ai beaucoup aimé. Nous l’avons tournée dans un véritable train en mouvement, car nous faisions vraiment le trajet entre Venise et Florence. La scène était rythmée par les tunnels, donc à chaque tunnel, nous la recommencions. Tout ça se faisait en équipe réduite, et j’avais l’impression de tourner un court métrage ! Et je trouvais ça très cool de faire un court métrage avec Ron Howard derrière la caméra et Tom Hanks et Felicity comme partenaires. Cela m’a aidé à être un peu plus relax et cool, et je garde un bon souvenir de cette scène.
Ron Howard : Quand vous réalisez un thriller, vous faites en sorte d’impliquer le spectateur, de créer une tension… Et ma seule demande à Omar était de ne pas sourire ! (Rires) Impossible d’avoir peur quand il sourit ! Mais je l’ai choisi pour son charisme et sa présence. Pas seulement pour son sourire, mais pour ce qu’il dégage à l’écran. Son personnage arrive assez tard dans le film, et je voulais qu’il questionne le spectateur sur ses intentions et son implication dans cette histoire.
Plus de répliques, une "musique" différente
Omar Sy :J’étais vraiment stressé… Il y a un rythme sonore différent, que ce soit pour une intonation de colère ou une intonation sérieuse. Naturellement, on se place sur le rythme français mais une intonation française avec une réplique en anglais, ça ne marche pas. La confusion et la difficulté viennent de là, et il faut essayer de trouver ce rythme qui n’est pas naturel.
Ron Howard : J’ai travaillé avec beaucoup d’acteurs internationaux, pour qui l’anglais n’est pas une langue maternelle. C’est toujours très intéressant. Adapter les romans de Dan Brown m’a permis en tant qu’Américain d’élargir ma vision et ma compréhension du monde, et notamment ma connaissance du cinéma européen. J’ai beaucoup appris avec Omar. Il parle très bien anglais, mais parvenir à jouer en anglais est vraiment quelque chose de différent. Et il m’a fait prendre conscience que la musique des mots et des intonations n’est pas la même, et que cette musique signifie quelque chose de différent en fonction de la culture. Un moment de tension ne sera pas joué de la même façon en anglais et en français, et Omar me demandait de lui rappeler constamment cela sur le tournage. Omar a été très subtil à ce sujet, et il a veillé à traduire pas seulement les mots mais aussi l’intention d’une langue à l’autre. C’était très intéressant en tant que réalisateur.
De Bruder à Bouchard
Ron Howard : C’est moi qui ai demandé à Omar de trouver le nom de son personnage. Ce personnage condense à lui seul plusieurs aspects du roman et plusieurs personnages, et notamment le Christopher Bruder du livre. Dans la première version du scénario, il devait être allemand. Quand j’ai choisi Omar, nous avons continué à l’appeler Bruder mais nous avons pris conscience qu’il fallait un nom français. Et Omar nous a aidés à trouver le nom.
Omar Sy : Il fallait garder le "B" de Bruder pour ne pas trop nous éloigner du nom original. Et avec cette lettre "B", c’est Bouchard qui m’est venu car ça fait bien français et ça fonctionne. Et puis c’est un nom que j’aime bien ! (Rires)
Le porno de la compétence (en savoir plus sur cette notion)
Ron Howard : Je suis un maître-pornographe ! (Rires) C’est vrai que ma filmographie s’est dirigée vers cela. Mes professeurs de science doivent rire, car à l’école je n’étais pas très intéressé par tout cela. J’aime la notion de découverte, et la personnalité de celles et ceux qui pensent et agissent différemment. Je trouve cela fascinant. Avec ma société Imagine Entertainment, nous travaillons sur le programme Breakthrough pour National Geographic, des documentaires qui suivent des scientifiques qui repoussent les limites aujourd’hui et remporterons peut-être des Prix Nobel dans le futur. Toujours pour National Geographic, nous produisons une mini-série sur Albert Einstein et une mini-série entre fiction et documentaire sur la conquête de Mars. Tom Hanks partage avec nous cette fascination pour l’esprit, la découverte et l’innovation.
Inferno, Star Wars... Les femmes à Hollywood
Felicity Jones : Les choses commencent enfin à changer. Le public semble intéressé par le fait de suivre des personnages féminins. Après, il y a encore du travail. J’attends encore de voir une actrice de 60 ans à la tête d’une franchise ! (Rires) Mais les choses changent et j’ai beaucoup de chance que l’on me propose de tels personnages.
France (Da Vinci Code) ou Italie (Inferno) : qui sont les plus grossiers ?
Felicity Jones :Nous étions les pires, Omar et moi ! (Rires) Heureusement tout cela a été nettoyé au montage, car c’était terrible !
Ron Howard : Les équipes de cinéma sont grossières, c’est ainsi. Et en premier lieu les réalisateurs. Quel que soit le pays. Mais cela est inhérent à la pression d’un tournage avec des gens extrêmement impliqués, que ce soit devant ou derrière la caméra. Où que vous alliez, vous travaillez avec les meilleurs, et cette passion provoque inévitablement quelques écarts de langage.