AlloCiné : La question la plus banale qui soit pour un journaliste dans le cinéma, c'est : "Qu'est-ce qui vous a attiré dans le projet ?" Mais avec vous, cette question prend un tout autre sens, sachant que vous êtes particulièrement rare sur grand écran...
Jodie Foster : C'est vrai que je suis assez rare à l'écran. Si je travaille de moins en moins, c'est simplement parce que j'attends un bon scénario, un scénario qui me touche, et parce que ma vie est déjà bien pleine. J'ai plein de choses à faire, j'ai deux enfants, ma vie a un vrai sens en dehors du cinéma. Alors, pour que je m'échappe complètement de ma vie quotidienne pour être obsédée par un film, il faut vraiment que ce soit quelque chose d'important pour moi, qui me touche personnellement. Ici, avec Flight plan, c'est surtout le personnage qui m'a touché. Une femme qui évolue beaucoup, qui commence le film en essayant de contenir ses émotions, de les freiner, de les intérioriser. Petit à petit, elle devient de plus en plus désespérée, en vient à blâmer les autres, à devenir hystérique, à avoir l'esprit confus et même à devenir folle. Et finalement, elle va aller jusqu'à s'assumer en tant qu'héroïne. C'est cela qui m'a intéressée dans Flight plan.
On ne vous avait pas vu en tête d'affiche depuis le "Panic room" de David Fincher. Ce qui est intéressant, c'est que "Panic room" et "Flight plan" présentent beaucoup de similitudes...
C'est vrai que Panic room et Flight plan sont tous les deux des thrillers, qui se déroulent dans des endroits assez étroits et dans lesquels j'ai une petite fille. Mais je pense quand même qu'ils sont assez différents. Bon, c'est vrai que je suis toujours attirée par les drames, les choses noires, dramatiques, mais je pense que, néanmoins, ces deux films sont différents. Le film de David Fincher est très visuel, sa caméra joue un personnage, elle est à part de l'action. Dans Flight plan, la caméra fait partie de mon expérience, c'est-à-dire qu'elle représente le profil de quelqu'un qui est désespérée, qui est en train de se désintégrer. C'est cela qui est intéressant dans ce film. Le fait que le film et mon personnage sont véritablement unis, que la perspective du film est unie.
Vous évoquiez l'image. Que cela soit avec David Fincher, Jean-Pierre Jeunet ou ici, pour "Flight plan", Robert Schwentke, il y a toujours un vrai travail de mise en scène, ce sont tous des virtuoses de l'image. Vous êtes attirée par ces réalisateurs très visuels ?
Oui. J'ai appris quelque chose, il y a quelques années, c'est que la chose qui me rend la plus malheureuse sur un plateau de tournage, ce sont les metteurs en scène que je ne respecte pas. Maintenant, j'ai décidé de ne faire des films qu'avec des metteurs en scène qui m'inspirent, que je respecte ! Parfois même, la raison de faire le film, et c'est le cas avec Panic room, c'est juste de rester derrière l'épaule du réalisateur et de dire : "Waouh, comment il a pu faire ça ?". De vraiment voir à travers son oeil à lui. David Fincher est vraiment quelqu'un que j'admire énormément. Donc, il faut que cela soit quelqu'un que je respecte, mais surtout quelqu'un que j'aime bien ! Parce que pendant des années, la chose qui m'a rendue la plus malade pendant les tournages, c'était les réalisateurs qui n'étaient pas gentils ! (rires) Pour Flight plan, il y a un grand travail d'acteur, et si je n'avais pas de metteur en scène qui soit comme un père avec moi, quelqu'un qui me soutienne, qui soit sensible, ça m'aurait rendu folle de devoir jouer quelque chose de si dur, d'aussi désespéré.
Mais qui sont ces réalisateurs qui n'étaient pas gentils avec vous ?
Et bien ça... Je ne vous le dirai jamais ! (rires)
Un thème qui revient également souvent dans vos films est celui de la famille, que cela soit avec "Le Petit homme", "Contact", "Panic room" ou "Flight plan"...
C'est vrai que le thème de la famille revient beaucoup dans mes films. En étant acteur, on s'intéresse à la psychologie, c'est la base du métier, et la psychologie a tout à voir avec la famille. Je m'intéresse beaucoup à ces histoires personnelles, ces histoire de familles.
Vous parliez du travail d'acteur. Dans une interview, vous disiez que, quelque part, ce métier resprésentait une torture . Est-ce que vous voyez toujours cela comme ça ?
(rires) C'est vrai que le métier d'acteur, c'est un peu de la torture, oui. Peut-être que c'est différent si vous faites des comédies, mais si vous faites des drames, je peux vous assurer que pendant le tournage, ce n'est pas comme si vous arriviez sur le plateau tout guilleret en vous exclamant : "Ah, j'adore ça, et ça aussi, et ça !" C'est plutôt à la fin de la journée que vous vous dites, quand vous êtes en train d'enlever le maquillage, que vous buvez un verre avec toute l'équipe : "Ah, oui, là, on a fait quelque chose !" Ca fait partie du métier d'essayer tout le temps d'étirer ses émotions. Et ce n'est pas drôle du tout ! (rires) C'est à la fin que c'est drôle !
Vous avez appris ce métier un peu sur le tas. A partir de quel moment vous-êtes vous véritablement sentie actrice ?
Quand j'étais jeune, je ne comprenais pas vraiment ce qu'était le métier d'acteur. Je pensais que c'était un peu un métier d'idiot. J'avais l'impression que la seule chose à faire était de lire des lignes que quelqu'un d'autre avait écrites, juste de les lire assez naturellement. C'est tout. Jusqu'à l'âge de douze ans, l'âge où j'ai rencontré Robert De Niro pour Taxi driver, c'était comme ça. Mais lorsque Robert a décidé de s'occuper de moi, de me prendre sous son aile, j'ai compris qu'être comédien était quelque chose de complètement différent. J'ai compris qu'il fallait construire un personnage. On ne m'avait jamais demandé ça quand j'étais jeune. On me donnait juste des indications très simples comme "Sois plus heureuse" ou "Parle plus vite" ! Donc, c'est vraiment en travaillant avec Robert De Niro que j'ai compris ce qu'était le métier d'acteur.
Une dernière question. Quel souvenir gardez-vous d'"Un long dimanche de fiancailles", qui vous a donné l'occasion de travailler en France avec Jean-Pierre Juenet ?
Ah ! J'ai adoré ce film. Pour moi, jouer dans ce film, c'était un régal, comme un dessert ! J'avais rencontré Jean-Pierre Jeunet pour lui dire, tout simplement, que j'avais envie de jouer dans l'un de ses films : "Peu importe le personnage, si vous faites un film, vous m'appelez, et si il y a personnage pour moi, j'adorerais le faire !" C'était génial de faire partie de ce tournage, de voir comment Jeunet travaillait, comment il voyait les choses derrière la caméra. C'est vraiment un visionnaire. Et puis il est sympa, aussi ! (rires) C'est génial de travailler avec quelqu'un de sympa !
Propos recueillis par Clément Cuyer et Yoann Sardet le 10 octobre
