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    Rencontre avec le démon "Hellboy" !

    Il est grand, il est rouge, il a un sens de l'humour bien particulier et il apprécie toujours un bon petit cigare après la chasse aux monstres. Lui c'est "Hellboy" et il débarque dans les salles américaines. Rencontre avec son interprète Ron Perlman...

    Prague. Juillet 2003. Un entrepôt anodin à l'écart de la ville. Devant le bâtiment, quelques dizaines de caravanes désertes. Passé les portes, le visiteur se retrouve plongé dans une inquiétante crypte gothique. Ici, quelques ossements jonchent le sol. Là, un cercueil délabré laisse pendre des restes humains. Un peu plus loin, des techniciens s'affairent pour préparer un plan délicat sous le regard du réalisateur Guillermo Del Toro, alors que trois cascadeurs enfilent avec bonne humeur de monstrueux costumes tentaculaires. Sur le sol, une queue rouge attend son porteur aux côtés d'un énorme poing imitation-pierre... Bienvenue dans le petit monde de Hellboy ! Hellboy, justement, nous sommes invités à le rencontrer dans sa caravane, ou du moins son interprète Ron Perlman, héros de cette adaptation d'un comic-book culte sortie ce 11 août. Et là surprise : encore maquillé, allongé dans une chaise longue, le sourire aux lèvres et une bouteille de boisson énergétique en main, le colosse nous accueille avec classe et gentillesse... Interviewer un démon, une première !

    AlloCiné : Qu'est-ce qui vous a attiré dans ce projet atypique ?

    Ron Perlman : L'enthousiasme du réalisateur Guillermo Del Toro. Il m'en avait parlé la première fois il y a cinq ans et j'y avais jeté un coup d'oeil. Je m'étais fait la remarque que Mike Mignola avait créé un monde surprenant, un univers visuellement très théâtral. Sa façon de dessiner Hellboy est unique : c'est d'une beauté incroyable, surprenante, trompeuse. Le côté tragique naît de la dialectique de ce personnage. De surcroît, l'adaptation de Guillermo est l'un des meilleurs scénarios que j'aie pu lire : les personnages sont très bien développés, et les transitions de scène en scène ont été réalisées très intelligemment, tout comme la façon de conter l'histoire.

    Vous n'en êtes pas à votre première collaboration avec Guillermo del Toro...

    Guillermo et moi partageons une espèce de relation "mari et femme". Nous avons douze ans de vie commune derrière nous ! J'ai tourné dans son premier long métrage, Cronos, et c'était la première fois que je mettais les pieds au Mexique. Ensuite, il m'a offert un rôle dans son quatrième, Blade 2, et son cinquième film. Ça fait trois films sur cinq ! Nous nous connaissons bien. Il sait qu'il peut tout me dire sans avoir peur de me vexer, même si c'est quelque chose de très vexant . C'est entièrement réciproque. Nous sommes compadres ! Avant même que ne commence notre collaboration entre acteur et réalisateur... Quoi de plus fantastique que de partager une vraie complicité dans le travail, à un tel point que je peux même finir ses phrases... Je comprends où il veut aller car je le comprends lui.

    Depuis "Cronos", quel regard portez-vous sur son travail justement ?

    Il se perfectionne en tant que réalisateur et je ne suis que le simple reflet de son évolution, de son premier petit film Cronos -qu'il a tourné en 1992-, à son travail sur de grosses productions bourrées d'effets spéciaux et de pyrotechnie. C'est un privilège d'être témoin d'une telle évolution : celle d'un brillant cinéaste qui a su peaufiner son art, ainsi que se renouveler et s'adapter à chaque nouveau projet. Un de ses grands talents consiste à anticiper tout type de problème que peut engendrer le tournage d'un film et aussi à manoeuvrer habilement pour les contourner ou les résoudre.

    Quelle a été votre approche pour interpréter Hellboy ?

    Chaque rôle requiert une approche complètement différente. Lors de ma carrière, je me suis vu offrir des rôles qui exigeaient des transformations. Or, il s'agissait en principe plus d'une transformation sur le plan physique que sur le plan humain. Et Hellboy est sans doute mon rôle le plus humain à ce jour. Je crois même que j'interprète quelqu'un qui me ressemble énormément, même si je suis caché sous quatre heures de maquillage. Je m'identifie à la vision du monde de cette créature, ainsi qu'à sa façon de survivre. Dès le départ, Guillermo m'a bien fait comprendre qu'il me voulait moi et non une interprétation, ce qui est en quelque sorte source de liberté. Peu importe ma façon de réagir, elle correspondra parfaitement aux réactions de mon personnage. Il y a évidemment des détails qui demandent de sortir des sentiers battus. Mais, en règle générale, ce personnage n'exige aucune transformation, hormis la transformation physique.

    Justement, quelle a été votre réaction la première fois que vous vous êtes vu en costume et entièrement maquillé ?

    Phénoménale ! Le premier jour, une fois costumé et maquillé -ce qui a pris neuf heures-, nous avons tourné un bout d'essai. Le directeur-photo Guillermo Navarro a amené ses caméras et toute son équipe de Prague au studio de Rick Baker à Burbank, et a filmé pendant deux heures. Puis, le lendemain, nous l'avons tous visionné. Le tout premier plan était de quelqu'un en train de me dire que j'avais mal garé ma voiture. Je me disais alors "Qu'est-ce que cela a à voir avec le film ?" Et pourtant, la tête que je faisais traduisait parfaitement ce que je ressentais : mes neuf heures de maquillage ne masquaient en rien mes réactions et mes expressions ! Dès que j'ai vu ça, je me suis dit que je n'avais aucun ajustement à faire : tout ce que je ressens ou pense transparaît au travers de ce maquillage.

    Encore aujourd'hui, je ne comprends pas comment cela est possible. Il s'agit d'un objet inerte, et pourtant, d'une façon ou d'une autre, ce dernier arrive à calquer les mouvements et les expressions d'un être humain. Que Dieu bénisse Rick Baker et tous ceux qui ont su innover dans ce domaine et qui ont su apporter une nouvelle dimension à l'art du maquillage transformationnel... Je n'avais encore jamais vu un maquillage aussi "réceptif" à mes mouvements. Et pourtant, j'avais déjà travaillé avec Rick puisqu'il avait créé mon costume de la Bête dans la série télé La Belle et la bête. Le maquillage était très réussi. Et, pourtant, quand je regarde cette série presque quinze ans plus tard, c'est à se demander si je savais jouer à l'époque, tellement cela paraît ridicule aujourd'hui ! Mon costume de Hellboy est tellement réaliste, il a tellement de petits détails. C'est magnifique, sexy et très efficace. On voit presque le sang qui coule dans les veines ! La première fois que je l'ai vu, je savais que je n'aurais jamais à me soucier du résultat. C'est formidable.

    Et la réaction de vos partenaires ? Donner la réplique à un démon, comme le fait de l'interviewer d'ailleurs, doit être assez étrange...

    J'ai une bonne anecdote à vous raconter. Nous tournions une scène se déroulant dans le métro, avec 165 figurants, tous habillés pour l'hiver à New York. Et, pendant deux semaines, leur rôle consistait à courir dans tous les sens en criant parce qu'il y a deux démons en plein combat dans le métro. Ils se donnaient à fond. Toute la journée, les filles, surtout, n'arrêtaient pas de me reluquer : "Wow ! Quel beau mâle, si musclé, rouge et sexy !" Un soir, après une journée de tournage, Guillermo m'a fait venir sur le plateau une fois que j'avais enlevé tout mon maquillage. Il voulait que je regarde ma doublure pour être sûr que nos mouvements coïncidaient bien. C'est alors que j'ai lu la déception sur les visages des figurants en voyant sans maquillage : "Bon Dieu ! Ce n'est qu'un vieux en survêtement !" (rires) Je suis donc ravi de porter ce genre de costume ! Je crois que c'est en partie pour ça que nous sommes acteurs : ça nous permet de nous défaire de temps à autre de notre médiocrité pour incarner un personnage plus parfait.

    Guillermo Del Toro a toujours souhaité vous imposer dans le rôle de Hellboy... De votre côté, qu'est-ce qui vous a séduit dans ce personnage ?

    Ce qui m'a le plus passionné chez Hellboy, c'est qu'il n'est que contradictions : il est né pour servir les Enfers et a été invoqué sur Terre pour être l'instrument du Mal, puis il est kidnappé au moment de sa naissance par le professeur Broom (John Hurt), dont la vie tout entière n'est centrée que sur la quête de la victoire du Bien sur le Mal. Ce dernier l'a élevé et éduqué selon ces valeurs. Mais, son éducation ne lui suffit pas pour refouler complètement ses instincts primitifs, et vous avez donc là une créature qui fait constamment appel aux valeurs que lui a inculqué le professeur afin d'étouffer ses instincts. Il est dévoré sans cesse par ce conflit intérieur.

    Par ailleurs, c'est un type ordinaire qui aime la vie et les gens. Pourtant, son apparence de monstre le contraint à vivre en reclus, 2 km sous terre dans une pièce tapissée de plomb. Voilà donc une autre source de contradiction : il est exclu d'un monde qu'il affectionne. Toutefois, il ne s'apitoie pas sur son sort et il a même beaucoup d'humour. C'est un farceur : il aime taquiner et se jouer des gens autour de lui, notamment ses collègues du FBI. C'est vraiment un joyeux luron. Il adore la pizza et la bière. Son lit est l'arrière d'un pick-up. Il a vingt-quatre télévisions sur lesquelles il regarde tout ce qu'il passe, de dessins animés à des films des Marx Brothers, en passant par Les Trois Stooges et Orson Welles. Il est le célibataire par excellence ! Un vrai mec. Mais, il reste un être complexe, qui, je n'en doute pas, a ses moments de déprime. Mais, il ne se laisse jamais abattre... L'intrigue du film, et en particulier le dénouement que nous sommes actuellement en train de tourner, raconte cette mise à l'épreuve de Hellboy. Va-t-il succomber à son instinct de démon ou va-t-il puiser dans son for intérieur et écouter sa conscience lorsqu'il se trouve confronter à des choix ?... C'était pas mal comme réponse ça, non ? (rires)

    Et il est clairement différent des autres super-héros...

    Ils sont tellement sérieux, droits et bons, voire presque ennuyeux ! À côté de ça, Hellboy est un lascar qui fume le cigare, boit de la bière, mange des pizzas. C'est son crochet droit qui fait de lui un super héros, car sa main droite est faite d'une pierre d'une dureté inimaginable. Il ne vole pas ; il ne prend pas la pause classique pour dire : "Bonjour, je m'appelle Hellboy !" C'est quelqu'un de tordu, qui possède cependant une façon extraordinaire d'affronter et de supporter les épreuves de la vie, ainsi qu'un fantastique sens de l'humour. Il s'amuse comme il peut, que cela ne plaise aux autres personnes ou non. Ça lui est égal. C'est le genre de type avec qui l'on aimerait bien boire une bière. Ce qui le différencie principalement des autres super-héros est clairement cet humour : il est comique dans des situations où les autres super héros ne le sont jamais. Son expression préférée, qui sort directement de la plume de Mignola, est : "Et, merde !" ("Aw crap !"). C'est en principe ce qu'il dit lorsqu'il se retrouve face à un monstre gigantesque qu'il va devoir tuer ! Tout autre super héros normal serait déjà en train de voler autour du démon ou en train de sortir son lasso tandis que lui se dira : "Bon, courage. Respire, tu vas en avoir besoin..." Il ressemble quelque peu à John Wayne, sauf qu'en plus, il est baraqué, rouge et mignon tout plein ! (rires)

    Propos recueillis par Yoann Sardet et traduits par Camille Joubert

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