Partir aux Etats-Unis et tourner avec Tim Burton. Un rêve de comédien devenu réalité pour Marion Cotillard, qui a participé à l'aventure Big fish, nouveau long-métrage du cinéaste en salles le 3 mars prochain. AlloCiné a rencontré la jeune femme à l'occasion de la sortie du film, émouvante fable sur les valeurs familiales qui voit Burton renouer de belle manière avec sa veine onirique. L'occasion pour elle de revenir avec passion sur une expérience inoubliable, qui a vu le jour lors d'un casting en tête à tête avec le maître, pour se poursuivre quelques semaines plus tard sur un plateau d'Alabama...
AlloCiné : Comment une actrice française se retrouve-t-elle à l'affiche d'un film de Tim Burton ?
Marion Cotillard : Ils cherchaient une actrice française pour incarner le personnage de Joséphine. Tim Burton est venu à Paris rencontrer plusieurs jeunes femmes. Venir sur place rencontrer les actrices, c'est déjà une chose assez rare chez les Américains. J'ai parlé vingt minutes avec lui, ça s'est plutôt bien passé. Ensuite, ils m'ont envoyé deux scènes et m'ont demandé de faire des essais, d'enregistrer ça sur cassette et de renvoyer le tout à Los Angeles.
A quel moment as-tu su que tu étais choisie ?
Marion Cotillard : Ca s'est passé en deux temps. Pour moi, à la mi-décembre 2002, Big fish, c'est déjà fini, j'ai lâché l'affaire ! Le casting s'est passé un mois avant et le tournage commençe début 2003, donc je n'y pense plus et je garde seulement en moi le fait d'avoir passé vingt minutes avec mon idole ! Un matin, mon agent me dit au téléphone qu'il a peut-être une bonne nouvelle à m'annoncer dans l'après-midi. Comme j'avais fait des essais quatre jours avant pour autre chose, je pensais que c'était ça. Et j'avais raison, c'était bien ça, sauf qu'avant de raccrocher, mon agent me dit : "Je te rappelle tout à l'heure pour la bonne nouvelle !"
Le soir, je suis dans la voiture qui me ramène chez moi, je suis en train de faire la promo de Taxi... (hésitation)... 12 ! (sourire) Mon agent me rappelle à nouveau et me dit qu'ils attendent la réponse du studio, que ce n'est pas ferme et définitif, mais que Tim Burton et le producteur Richard Zanuck veulent que je joue dans Big fish ! A ce moment-là, moi qui me dis toujours "N'explose de joie QUE quand tu peux exploser de joie !", j'essaie de me calmer. Mais le bouillonnement intérieur commence à se faire... très intense ! J'arrive chez moi, je monte les marches, et par-dessus le "on attend la réponse du studio", je ne peux pas m'empêcher de repenser à la phrase d'après qui disait que j'avais en fait été choisie PAR Tim Burton pour faire son film ! Alors, quand je suis arrivée chez moi, j'ai quand même eu une petite explosion de joie, je me suis dit : "Quand même, t'as le droit !". Il n'y avait pas de raison que le studio s'oppose au réalisateur et au producteur. Et j'ai eu la réponse définitive le lendemain à 9h30. Mon agent me sort : "Tu pars dans trois semaines en Alabama" ! Là, j'ai vraiment explosé !
Une fois le contrat signé, tu as dû travailler en amont sur ton personnage. Comment le définirais-tu ?
Marion Cotillard : Avant toute chose, Joséphine est une future maman qui accompagne son mari dans son dernier voyage vers son père. C'est un voyage très important, étant donné la difficulté de communication entre ce père et ce fils, qui va lui-même devenir papa. C'est un rôle tout en douceur, en recul. Elle est une accompagnatrice, un soutien...
Comment définirais-tu ta relation au jour le jour avec Tim Burton ?
Marion Cotillard : J'ai découvert Tim Burton avec Beetlejuice et je suis immédiatement devenue une immense fan. A l'époque, il faisait partie des trois réalisateurs qui étaient pour moi de vrais dieux du cinéma. Il m'a donné envie de faire ce métier, il cristallise mon rêve de cinéma de petite fille. J'appréhendais un peu de le rencontrer, mais c'est quelqu'un de très ouvert. Il m'a d'ailleurs laissé réécrire une scène. Lorsque je suis venue le voir en lui disant que j'avais des réserves sur la scène en question, je ne la ramenais pas ! Mais il a vu que j'avais raison et il a accepté le changement dans le script. Avec lui, c'était un tournage carré, mais vivant, humain. On a beaucoup parlé tous les deux. C'est un gros blagueur, mais super professionnel. Il aime autant la technique que l'humain, c'est assez fantastique. Franchement, même si je n'aime pas ce mot, c'était assez parfait.
Big fish n'était pas ce que l'on nomme une "machine hollywoodienne", c'était un film de Tim Burton, qui n'est pas un metteur en scène hollywoodien, mais un metteur en scène tout court, avec un univers vraiment particulier. Je n'ai jamais eu l'impression de faire partie d'une machine hollywoodienne. C'est vrai que les comédiens français qui ont tourné aux Etats-Unis sur d'énormes films décrivent un peu ça comme une machine à broyer, mais ça n'a jamais été le cas sur Big fish.
As-tu particulièrement sympathisé avec quelqu'un de l'équipe ?
Marion Cotillard : Je me suis bien entendu avec tout le monde, mais j'ai notamment adoré travailler avec Albert Finney. Pour moi, c'est l'un des héros de mon enfance. Annie, de John Huston, était mon film préféré quand j'étais petite. Un jour, on était sur le plateau, on parlait du film Chicago que je venais de voir, et plus précisément de Richard Gere et son numéro de claquettes. Albert Finney commence à me dire que lui aussi, on lui avait demandé d'apprendre à faire des claquettes pour un film, un film avec une petite orpheline. Là, j'ai pas pu m'empêcher de lui dire : "Mais je le connais par coeur ce film !" Il était trop mignon, il a senti que je n'avais jamais osé lui en parler et que je sautais sur l'occasion. Sinon, la personne avec qui j'ai eu le plus de rapports hors-tournage, c'était Steve Buscemi, on allait au resto le soir, on faisait parfois des tournées de bar, du bowling, on allait danser !
Au final, que retiens-tu de cette expérience ?
Marion Cotillard : Je suis arrivée dès le début de l'aventure, une bonne semaine avant le début des prises de vues, pour la préparation. Très vite j'ai sympathisé avec tout le monde, on a fait un dîner tous ensemble, les répétitions, le travail de lecture, les essais de costumes, les coiffures. L'intégration a été immédiate et le fait d'avoir suivi le tournage du premier au dernier jour a été une expérience formidable. Ce sont ces rapports humains que je retiens, la vraie simplicité qui existait sur ce tournage. Les gens avaient envie de se rencontrer, avaient un immense bonheur à raconter cette histoire.
Propos recueillis par Clément Cuyer
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