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    Wicked : quel est le lien de ce film avec Le Magicien d'Oz ?
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Sorti aux États-Unis le 22 novembre, où il a rencontré un franc succès, "Wicked" arrive enfin dans nos salles. Et il est temps de faire les présentations avec cette adaptation du phénomène de Broadway.

    Ça parle de quoi ?

    Wicked suit le parcours des sorcières légendaires du monde d’Oz. Elphaba, une jeune femme incomprise à cause de la couleur inhabituelle de sa peau verte ne soupçonne même pas l’étendue de ses pouvoirs. À ses côtés, Glinda qui, aussi populaire que privilégiée, ne connaît pas encore la vraie nature de son cœur. Leur rencontre à l'Université de Shiz, dans le fantastique monde d'Oz, marque le début d’une amitié improbable mais profonde.

    Cependant, leur rapport avec Le Magicien d'Oz va mettre à mal cette amitié et voir leurs chemins s’éloigner. Tandis que Glinda, assoiffée de popularité, se laisse séduire par le pouvoir, la détermination d'Elphaba à rester fidèle à elle-même et à son entourage aura des conséquences aussi malheureuses qu’inattendues. Leurs aventures extraordinaires au pays d’Oz les mèneront finalement à accomplir leur destinée en devenant respectivement la Bonne et la Méchante Sorcière de l'Ouest.

    Wicked
    Wicked
    De Jon M. Chu
    Avec Cynthia Erivo, Ariana Grande, Jonathan Bailey
    Sortie le 4 décembre 2024
    Séances (828)

    C'est donc un prequel du Magicien d'Oz ?

    Tout à fait. Ou plutôt une réinvention, car il y a quelques nuances. Comme le livre homonyme de Gregory Maguire paru en 1996, la comédie musicale lancée à Broadway en 2003 et Londres en 2006 (où elle se joue encore aujourd'hui) nous offre un autre point de vue sur les événements du livre de L. Frank Baum et son adaptation portée par Judy Garland.

    La première partie du récit est bien un prequel du Magicien d'Oz, qui raconte la rencontre entre Glinda et Elphaba, et la manière dont cette dernière va devenir la Méchante Sorcière de l'Ouest. Et la seconde se passe en parallèle des aventures de Dorothy, qu'elle nous donne à voir sous un autre angle.

    Universal Pictures International France

    Dans la mesure où le long métrage sorti ce mercredi 4 décembre n'adapte que la première partie du spectacle, il peut être considéré comme un pur prequel. Mais n'a rien à voir avec celui mis en scène par Sam Raimi en 2013. On se doute que le succès de Wicked a incité Disney à s'engouffrer dans la brèche pour raconter sa propre origin story, mais son récit est différent de celui du show.

    Comment ça, un film en deux parties ?

    Oui. A l'instar de Dune, cet aspect était caché dans la promotion. Et seuls celles et ceux qui ont suivi l'actualité du projet et l'annonce d'un diptyque ne seront pas étonnés de voir la mention "Partie 1" apparaître avec le titre sur l'écran. Ou le "A suivre" final, qui nous invite à revenir après un entracte long d'une année, le 26 novembre 2025.

    Contrairement à certains livres qui ont été coupés en deux (oui, c'est bien de vous qu'on parle, Harry Potter 7 et Hunger Games 3), la division de Wicked a du sens dans la mesure où le spectacle musical est scindé en deux parties distinctes. "Même si ce n'était qu'un show, nous nous sommes rendus compte que le condenser ne l'aurait pas rendu crédible", nous explique le réalisateur Jon M. Chu (D'où l'on vient, Sexy Dance 3D), en plus de nous raconter sur chaque réplique et parole avec les créateurs du show pour s'assurer de leur importance dans l'histoire.

    Il y a des problèmes de logique, des choses que l'on se permet au théâtre et qui ne fonctionneraient pas auprès d'un public de cinéma

    "Je ne pense pas que cela fonctionnerait auprès d'un public de cinéma. Il y a des problèmes de logique, des choses que l'on se permet au théâtre, comme sur le fait de voyager d'un lieu à l'autre. Nous devions créer cela ici et cela passer par le fait de retirer tellement de chansons que ça n'aurait plus été Wicked, ou créer de la place. Et nous avons eu le sentiment que nous pouvions choisir cette seconde option."

    Des chansons ? C'est une comédie musicale ?

    Exactement. Le Wicked sorti au cinéma en cette fin d'année n'est pas tant l'adaptation du roman de Gregory Maguire que celle de sa transposition en spectacle musical, vite devenue un phénomène. Comme Jon M. Chu nous l'a expliqué, il a été décidé de rallonger le récit en faire deux films, au lieu de sacrifier des chansons.

    Celles-ci sont au nombre de onze, toutes reprises du show de Stephen Schwartz et Winnie Holzman (ce qui exclut le film de la course à l'Oscar de la Meilleure Chanson Originale), et chantées par le casting : de Jeff Goldblum à Michelle Yeoh, en passant par Peter Dinklage et Jonathan Bailey. Sans oublier les deux stars du long métrage, à savoir Ariana Grande (Glinda) et Cynthia Erivo (Elphaba).

    Universal Pictures International France

    Des chansons qui, et c'est assez rare pour qu'on le souligne, ont été traduites dans la version française du film. Ce qui peut étonner, dans la mesure où Wicked n'a jamais été joué sur scène dans l'Hexagone.

    Parmi les titres présents dans le long métrage et sa bande-originale déjà disponible à la vente (en version anglaise uniquement), on retrouve notamment les tubes "Popular" et - surtout - "Defying Gravity", qui ont grandement contribué au succès de Wicked. Qui, avec plus de 65 millions de spectateurs dans le monde, a vite gagné ses galons de "phénomène".

    Un phénomène ? Pourquoi ?

    Il y a un signe qui ne trompe pas : lorsqu'un spectacle devient l'objet d'une blague ou d'une référence qu'il n'est pas nécessaire d'expliciter dans des films et séries aux États-Unis, c'est que son succès dépasse les limites de Broadway. Il y a peu de temps, réussir à obtenir une place pour voir "Hamilton" le soir-même était par exemple synonyme de grande réussite sociale et de bras long.

    Quelques années auparavant, c'est Wicked qui apparaissait régulièrement sur le petit écran : dans Brothers & Sisters ou Ugly Betty (où l'héroïne disait se reconnaître en Elphaba, outsider comme elle), au travers de blagues dans Les Simpson, South Park, New Girl et Les Griffin, ou le temps de reprises dans Glee (évidemment !).

    "Popular" est quant à elle dans la bande-originale de Bienvenue à Zombieland, alors que "Defying Gravity" aurait, selon bon nombre d'experts, influencé "Libérée, délivrée", le tube de La Reine des Neiges : les deux titres ont en commun des thèmes (l'émancipation notamment) et un style de chant, ainsi que leur interprète. Car Idina Menzel, qui incarne Elsa lorsque celle-ci chante dans le classique de Disney, a été Elphaba sur la scène de Broadway.

    Mais la musique n'est pas la seule explication de ce succès monstre : "Nous avons toujours dit que c'était grâce aux filles, à la relation entre ces deux femmes", nous dit Jon M. Chu. "Il y a eu une longue lignée de Glinda et d'Elphaba, chacune d'entre elles ayant eu sa propre vision des choses. Et il y a évidemment la musique de Stephen Schwartz."

    "Quand vous regardez ce que Winnie Holzman et Stephen Schwartz ont écrit, c'est étrangement prophétique. C'est une histoire intemporelle qui parle de s'élever face au contrôle d'un leader. C'est quelque chose qui est fait pour toutes les générations : à un moment donné, chacune d'entre elles doit se lever pour décider qui elle est. C'est quelque chose qui reste en vous, et ce qui est génial, ce que nous avons ces chansons pop et amusantes, mais qu'il y a ce cœur au milieu."

    Une histoire intemporelle qui parle de s'élever face au contrôle d'un leader

    "Personne n'est vraiment bon ou mauvais à Oz, c'est le twist apporté par Gregory Maguire", ajoute Jeff Goldblum, qui incarne le Magicien. "C'est beaucoup plus nuancé, comme dans ce western que j'aime beaucoup : L'Homme qui tua Liberty Valance. On découvre quelque chose de différent sous un autre angle, et cela a frappé le public avant même que la musique ne les séduise."

    "Nous ne voulions surtout pas nous rater, car il y a des millions de fans. Pas seulement à New York, mais à Londres et dans le reste du monde", complète Michelle Yeoh, interprète de Mme Morrible, qui a découvert le spectacle après avoir été engagée par son metteur en scène de Crazy Rich Asians. "Et j'ai vite compris pour quelles raisons Wicked plaisait à toutes ces tranches d'âges, aux femmes mais aussi aux hommes."

    "L'histoire qui est racontée et les nuances qui sont développées sont des choses auxquelles nous pouvons très bien nous identifier : le fait d'être maltraité, incompris, ostracisé parce que vous avez l'air différent, que vous sonnez différemment, que votre couleur est différente. Lorsque vous regardez Wicked, vous réalisez que c'est toujours pertinent par rapport aux problèmes auxquels nous devons faire face. Et l'époque a permis de le faire avec un casting qui contient de la diversité et de l'inclusivité."

    Universal Pictures International France

    "Gregory Maguire a mis dans Wicked de grandes questions politiques et culturelles intéressantes, autour de la diabolisation des autres, de la prise de pouvoir et de la façon dont celui-ci peut corrompre", conclut Jeff Goldblum. "Sur la cruauté envers les animaux qui, du siècle dernier à aujourd'hui est toujours une question vitale et urgente qui nécessite de se poser des questions morales."

    Comme Dorothy dans Le Magicien d'Oz, vous risquez donc d'être happés par un tourbillon lorsque les premières notes de la bande-son de Wicked retentiront dans votre cinéma. Mais vous savez maintenant pourquoi vous ferez face à un phénomène dont vous pourriez très bien devenir l'un des nouveaux fans. Auquel cas, bienvenue au club !

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Londres le 19 novembre 2024

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