ATTENTION - L'article ci-dessous contient des spoilers, puisqu'il revient sur ce qui est peut-être la plus grosse surprise que nous réserve "Alien : Romulus". Veuillez donc passer votre chemin si vous ne l'avez pas encore vu.
Lorsqu'il a été annoncé que l'intrigue de Romulus se déroulerait entre celle des deux premiers opus de la saga de science-fiction, beaucoup se sont demandés si, malgré la promesse de nous présenter de nouveaux personnages, le film n'allait pas révéler qu'Ellen Ripley (Sigourney Weaver) s'était en fait réveillée une fois pendant les 57 ans qui séparent Alien d'Aliens, pour en découdre avec le Xénomorphe.
En utilisant la technologie permettant de rajeunir Luke Skywalker dans la série The Mandalorian. Mais non. Pas plus que l'héroïne n'est sa fille, comme dans le jeu Alien : Isolation, qui se déroule quelques années avant Romulus, et qui a inspiré Fede Alvarez d'une autre façon. Il y a pourtant un retour surprise au programme, en plus de ceux des Xénomorphes et autres Facehuggers.
Dans la station Renaissance où se déroule la majeure partie du film (et dont Romulus est le nom de l'une des zones), les héros découvrent les restes d'un androïde, qu'ils décident de relancer pour permettre au leur (Andy, joué par David Jonsson) d'obtenir les autorisations nécessaires et ouvrir certaines portes.
Quelle n'est alors pas la surprise, pour le public, de découvrir que ledit androïde possède les traits de… Ian Holm. Alias Ash dans le premier Alien. Il ne s'agit pas du même personnage, détruit avec le Nostromo à la fin du film de Ridley Scott, et la version de Romulus s'appelle Rook. Mais elle soulève deux questions : comment a-t-on ressuscité l'acteur mort en 2020 en lui redonnant ses traits de 1979 ? Et pourquoi est-il de retour ?
Comment a-t-on créé Rook ?
Répondre à cette première question est assez simple. Le corps et le visage de Rook sont nés grâce à la magie de l'animatronique, à laquelle celle des trucages numériques s'est ajoutée en post-production pour corriger quelques imperfections (dans le mouvements des yeux et de la bouche) et tenter de rendre l'illusion la plus parfaite possible.
Même si, dans le cas présent, la fameuse "uncanny valley", théorie selon laquelle plus un androïde est similaire à un être humain, plus ses imperfections nous paraissent monstrueuses, participe au côté dérangeant du personnage, plus à même de sacrifier des humains qu'un Xénomorphe, pour la gloire de Weyland-Yutani.
Pour ce qui est de la voix, c'est un dénommé Daniel Betts, comédien britannique, qui a "incarné" Rook sur le plateau : ses mouvements du visages ont permis ceux de la version animatronique de Ian Holm, avant qu'une IA couplée à de la modélisation informatique ne lui permette d'avoir le timbre de l'acteur du Seigneur des Anneaux.
Ce qui ne manque pas d'ironie, quand on sait à quel point l'intelligence artificielle n'a jamais souri aux héros de la saga (sauf dans Résurrection). Mais passons.
Pourquoi a-t-on fait revivre Ian Holm ?
C'est une question qui va bien au-delà de la technique, puisqu'elle nous envoie dans le domaine de l'éthique. Auquel Rogue One et The Flash ont été confrontés, en ressuscitant Peter Cushing et Christopher Reeve, alors que Robin Williams l'avait anticipé en obtenant de ne jamais pouvoir être recréé numériquement après son décès.
Dans une interview donnée au Los Angeles Times, Fede Alvarez l'assure : "Nous l'avons fait avec beaucoup de respect et toujours avec l'autorisation de sa famille [remerciée au générique], de ses enfants et de sa veuve, qui a dit 'Nous aimerions revoir son portrait."
Le réalisateur ne cherche pourtant pas à faire entrer le loup dans la bergerie (ou le Xénomorphe dans le Nostromo), et il n'est pas convaincu que l'intelligence artificielle puisse remplacer les acteurs : "C'est bien plus cher de le faire comme nous l'avons fait - juste embaucher un comédien est bien moins coûteux. Le faire ainsi demande une équipe de beaucoup de personnes ainsi que beaucoup d'étapes pour y parvenir, ce ne sera jamais très pratique."
Je trouvais injuste que Lance Henriksen soit apparu plusieurs fois, tout comme Michael Fassbender. Et je trouvais fou que Ian Holm ne soit jamais revenu
Mais alors pourquoi s'être embêté, alors que Lance Henriksen (Bishop dans Aliens et Alien 3) est encore en vie ? Ou que David Jonsson aurait pu incarner un second androïde dans le même film, comme Michael Fassbender dans Covenant ? Car "c'est celui qui n'est jamais réapparu (…) Nous trouvions fascinant [que l'androïde] soit Ian Holm."
"Dans un souci d'équité", précise-t-il à Variety. "Je trouvais injuste que Lance Henriksen soit apparu plusieurs fois, tout comme Michael Fassbender. Et je trouvais fou que Ian Holm ne soit jamais revenu." Jusqu'à aujourd'hui donc, et ce choix qui appuie un peu plus l'hommage au film de Ridley Scott, qui a validé cette idée.
Avec une nuance de taille, nécessaire : "En parlant avec Ridley, nous nous sommes mis d'accord sur l'idée qu'il n'ait que l'apparence de Ian Holm - ce qui est différent d'être Ian Holm, ou même Ash. Nous n'aurions jamais osé le reproduire, car la technologie ne permet pas de reproduire le talent d'un acteur."
La technologie ne permet pas de reproduire le talent d'un acteur
"Elle ne pourra jamais capturer les nuances de la performance de quelqu'un, ni ses choix. Donc nous avons conçu un autre personnage, qui partage la même apparence." D'où le film qu'il s'appelle Rook et non Ash, ce qui permet aussi à Fede Alvarez et à son équipe de rendre hommage à un autre androïde de la saga.
En français, "rook" signifie "tour". C'est donc aller dans le sens d'Aliens en restant dans le domaine des échecs, puisque "bishop" (non du personnage synthétique chez James Cameron) désigne le fou.