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    Clint Eastwood : c'est l'un de ses plus grands films... Et pourtant il a été difficile de produire ce chef-d'oeuvre à 4 Oscars
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Sommet de la carrière de Clint Eastwood couronné par 4 oscars, "Million Dollar Baby" est un drame porteur d'une charge émotive absolument dévastatrice. Tellement en fait que le studio Warner, trouvant son sujet trop déprimant, a hésité à le produire.

    Sorti en 1995, Sur la route de Madison est un des sommets de l'immense carrière de Clint Eastwood. Loin de l'image de dur à cuire qu'il a si souvent cultivée à l'écran, l'acteur - réalisateur fendait l'armure dans ce sublime mélodrame qui fit verser des torrents de larmes aux spectateurs. Dix ans plus tard, c'est un Clint Eastwood pleurant à chaudes larmes coulant sur les sillons de son visage buriné que l'on découvrait, dans un autre sommet absolu de sa carrière : Million Dollar Baby.

    Irrigué par l'énergie et une rage magnifique de son interprète principale, Hillary Swank, ce drame, d'une puissance émotionnelle absolument dévastatrice, fut couronné par quatre Oscars, dont celui du Meilleur film et de la Meilleure actrice. En France, c'est d'ailleurs le second plus gros succès de la carrière d'Eastwood, avec plus de 3,16 millions de spectateurs; un peu derrière Gran Torino et ses 3,4 millions.

    Et lorsqu'on parle d'une charge émotionnelle dévastatrice, on pèse presque nos mots. Disons-le : c'est même un film absolument déprimant, culminant dans un troisième acte où un Eastwood ravagé par la douleur trouve la force d'euthanasier Maggie Fitzgerald pour mettre un terme à ses souffrances.

    "Faut-il vraiment qu'elle meurt à la fin ?"

    Il n'y a pas que les spectateurs qui ont trouvé le film déprimant en fait. Ce fut le cas du studio Warner, qui hésita justement à donner le feu vert au film pour cette raison. Cela peut surprendre de prime abord. Warner a une collaboration de confiance de très longue date avec l'acteur - réalisateur, au point d'ailleurs que les propres bureaux de la société de production d'Eastwood, Malpaso, sont hébergés au sein-même des studios Warner.

    La réponse à cela fut apportée par Alan Horn, ancien PDG de Warner, qui accorda une interview au Hollywood Reporter en 2011, alors qu'il venait justement de quitter son poste. "Clint est venu me voir, à sa manière, c'est-à-dire discrètement. Il n'avait casté personne. J'ai lu [le script] et je me suis dit : "je ne le sens pas". J'ai pensé : "je ne sais pas si les femmes veulent voir une femme se battre".

    A sa décharge, il faut dire qu'à cette époque, un personnage féminin central pratiquant la boxe n'était pas exactement courant, même si une oeuvre comme Girlfight était déjà sortie quelques années auparavant. Et on était encore loin de la démocratisation du MMA auprès des femmes.

    Warner Bros.

    Avec la bénédiction de Horn, Eastwood est alors reparti avec son script sous les bras, pour démarcher d'autres studios. Il a fini par faire un deal avec Lakeshore Entertainment, qui accepta de coproduire le film à hauteur de 50% du budget, qui était alors de 30 millions $. Une enveloppe modeste, d'autant que Clint a aussi la réputation de tenir ses budgets et ses calendriers de tournage.

    Avec cet accord ficelé, limitant les risques, Warner fut plus enclin à coproduire le film. Mais Horn demanda à Eastwood s'il n'y avait pas moyen d'atténuer la brutalité du troisième acte du film, déprimant au possible.

    "J'ai dit [à Clint Eastwood] : "je ne dit pas non". Le film m'a tué. J'ai dit : "Est-ce qu'elle doit mourir à la fin ? Clint a dit : "J'en ai bien peur." J'ai dit : "Est-ce qu'elle doit vraiment se manger la langue ?" Il a dit : "C'est la voie que nous devons suivre". J'ai dit : "Doit-elle vraiment perdre le combat ?" Mais cela montre finalement que William Goldman [NDR : fameux scénariste deux fois oscarisé, pour Butch Cassidy et le Kid, et Les Hommes du président] avait raison : "à Hollywood, personne ne sait rien sur rien".

    On bénit donc Alan Horn d'avoir su écouter Clint malgré ses réticences compréhensibles au début. Vingt ans après sa sortie, l'impact de Million Dollar Baby reste toujours aussi foudroyant.

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