Clint Eastwood a grandi en admirant un acteur, mais qui n'était pas du tout un héros de western, et plutôt spécialisé dans le genre policier. Dans l'ouvrage Clint Eastwood: Interviews, paru en 1999 et relu par Robert E. Kapsis et Kathie Coblentz, il est demandé à Eastwood : "lorsque vous étiez jeune, étiez-vous fan de John Wayne ?" et sa réponse est bien différente de ce que l'on pourrait imaginer :
Plus jeune, j'aimais certains des films de [John Wayne], mais je n'ai jamais été fan que d'un acteur : James Cagney.
Qui était James Cagney ?
Décédé en 1986, James Cagney est sans doute inconnu du grand public mais durant les années 1930, c'était une grande star du cinéma, au jeu d'un naturel déconcertant et d'une modernité surprenante encore aujourd'hui. A l'époque, tout le monde connaissait son visage, rendu célèbre par un certain nombre de films de gangsters dont il était la vedette, parmi lesquels Smart Money, Le Bataillon des sans-amour et L'Ennemi public.
Ce dernier film est notamment resté dans les mémoires pour la scène dans laquelle il écrase un pamplemousse sur le visage de sa collègue actrice. Une séquence dont Clint Eastwood se souvient évidemment :
"Il ne joue absolument pas comme moi. Quand j'ai commencé en tant qu'acteur, les secrétaires m'appelaient Coop, car elles trouvaient que je ressemblais à Gary Cooper (...). Mais Cagney... J'ai toujours aimé son style et son énergie. Il était intrépide. Pour parler de son action la plus fameuse, écraser un pamplemousse dans le visage des gens, ils n'avaient pas peur de faire des choses choquantes. [Aujourd'hui], beaucoup d'acteurs sont enfermés dans leur image."
La légende de Cagney et du pamplemousse n'est pas celle que l'on croit
Après toutes les images choquantes que le cinéma a pu nous fournir en plus d'un siècle d'existence, on a du mal à imaginer la violence de cette séquence pour le public de 1931. Cagney écrasant ce pamplemousse sur le visage de Mae Clarke dans L'Ennemi public.
Beaucoup de légendes entourent cette séquence, qui aurait été une impro de Cagney sur le plateau. Mais dans son autobiographie, Clarke donne une toute autre version : c'était une idée de Cagney et du réalisateur William A. Wellman pour surprendre l'équipe du tournage.
"Je ne voulais pas le faire, mais tout ce que j'avais fait aurait été réduit à néant si j'avais refusé. Ils n'avaient pas le droit de le mettre dans le film sans ma permission, je n'avais pas donné mon accord."
Cagney traine toujours aujourd'hui cette image d'acteur à la Joe Pesci, nerveux et dont les colères peuvent partir au quart de tour comme dans L'Enfer est à lui, mais il a tourné bien plus que des films de gangsters, et des titres qui révèlent sa formidable palette d'acteur, comme Les Anges aux figures sales, La Glorieuse parade, Les Fantastiques années vingt ou Les Pièges de la passion.