Entrée massivement dans les foyers américains dans les années 50 au point de vivre un véritable âge d'or, la télévision -et les séries qui ont largement irrigué le petit écran- provoqua une panique générale au sein des studios de cinéma, qui voyaient logiquement d'un très mauvais oeil cette nouvelle concurrence frontale.
Au point de les contraindre à déployer des trésors d'imagination pour regagner les spectateurs, à grands renforts d'innovations techniques et de films à la durée XXL. Un constat ancien qui reste encore d'actualité d'ailleurs, avec la concurrence féroce des plateformes de streaming.
Entre symbiose et rivalité
Les relations entre le cinéma et les séries sont un mélange fait de symbiose et de rivalité. Il existe quantité de films, souvent de grands succès en salle ou ancrés dans la pop culture, qui ont été adaptés en série : Karaté Kid, le film M.A.S.H., le film d'horreur culte L'Exorciste, Westworld, The Crow, Fargo...
L'inverse est tout aussi vrai : de nombreuses séries TV ont été adaptées pour le cinéma : La Famille Addams, 21 Jump Street, Charlie et ses drôles de dames, The Equalizer, Le Fugitif... Pour n'en citer qu'une minuscule poignée.
Ce qui est tout à fait étonnant, alors que les Oscars seront bientôt centenaires, c'est qu'il n'y a pour l'heure que sept oeuvres ayant remportés l'Oscar du Meilleur film qui ont été adaptées en série. Et, parmi elles, des oeuvres qu'on n'imaginait pas vraiment faire la bascule dans le format série TV. Car non, il ne sera pas ici question de la série du Seigneur des anneaux ! Voici trois exemples.
Casablanca
Couronné par trois Oscars et réalisé par le vétéran Michael Curtiz, Casablanca est un classique absolu du cinéma américain. Tellement d'ailleurs qu'il figure en seconde place dans le classement AFI (l'American Film Insitute) des plus grands films américains.
Cette histoire d'amour contrarié entre Humphrey Bogart et Ingrid Bergman sur fond de Seconde Guerre mondiale fut un véritable tremplin pour l'acteur, propulsé au rang de star internationale, même s'il avait déjà rencontré le succès en 1941 grâce à son rôle de détective dans le fabuleux Faucon maltais.
Casablanca fut ainsi le tout premier film couronné par l'Oscar du Meilleur film a être adapté en série TV. En 1955, elle sera dévoilée dans le cadre du programme baptisé Warner Bros. Presents. Dix épisodes d'une heure furent ainsi conçus, autour d'une intrigue qui voyait Rick Blaine, incarné par Bogart dans le film, poursuivre ses activités de gérant du Night Club dans les années 50, tout en étant mêlé à une intrigue d'espionnage en cette période de Guerre Froide.
Bogart ne reprenant pas de service (il décèdera d'ailleurs en 1957), c'est l'acteur Charles McGraw qui a repris son rôle, après le refus de Jack L. Warner, le patron du studio, d'engager Anthony Quinn. L'acteur Clarence Muse, que l'on a pu voir notamment chez Hitchcock, fut engagé pour incarner Sam, le fameux pianiste du Night Club de Rick.
27 ans après la diffusion du dernier épisode de cette série en avril 1956, la Warner commanda une nouvelle série Casablanca ! Il y a donc eu non pas une mais deux séries brodées autour du film. Diffusée sur la chaîne NBC en 1983, il s'agissait en fait de cinq épisodes d'une intrigue se déroulant toujours durant la Seconde Guerre mondiale, mais pensée comme un Prequel, puisqu'elle se déroulait un an avant les événements décrits dans le film de Curtiz.
Une vraie curiosité, d'autant que le casting était plutôt étonnant. C'est David Soul, inoubliable Hutch dans la série Starsky & Hutch et décédé le 4 janvier 2024, qui reprend le rôle de Rick Blaine. il est épaulé par Hector Helizondo, Ray Liotta et Scatman Crothers, qui incarne le pianiste Sam.
A quoi ça ressemble ? Voici le générique de cette série, sur l'air de la fameuse chanson du film, As Time Goes by...
Dans la chaleur de la nuit
Réalisé par le regretté Norman Jewison décédé le 20 janvier dernier à l'âge très vénérable de 97 ans, Dans la chaleur de la nuit, sorti en 1967, est un classique du cinéma américain. C'est en abordant la question de la discrimination raciale à une époque où elle est encore monnaie courante que le cinéaste obtient la reconnaissance de ses pairs.
Ce polar, porté par Sidney Poitier, fut couronné par cinq Oscars dont ceux du Meilleur film et du Meilleur acteur pour Rod Steiger, qui incarne dans le film un shérif local bigot, contraint de travailler avec Poitier pour élucider un meurtre dans une petite ville raciste du Mississippi.
Le succès du film fut tel que deux suites sont sorties, toujours avec Sidney Poitier reprenant son rôle du lieutenant de police Virgil Tibbs : Appelez-moi Monsieur Tibbs ! en 1970 et L'Organisation en 1971.
En 1988, la chaîne NBC passa commande d'une série adaptée du film de Norman Jewison. Dans cette série créée par John Ball, Howard E. Rollins Jr, qui fut l'extraordinaire tête d'affiche du Ragtime de Milos Forman, reprenait le rôle de Sidney Poitier. Tandis que Caroll O'Connor endossait celui tenu au cinéma par Rod Steiger. Une prestation qui fut d'ailleurs saluée par un Emmy Award.
Des sept oeuvres ayant remporté l'Oscar du Meilleur film adaptées en série, Dans la chaleur de la nuit est celle qui dura le plus longtemps. Très longtemps même : de 1988 à 1995, sur sept saisons, alignant 144 épisodes. Les cinq premières saisons furent diffusées sur la chaîne NBC, et les deux dernières sur le réseau CBS.
De nombreux acteurs et actrices sont venus jouer les guests au gré des épisodes, et pas des moindres : Walton Goggins, Mariska Hargitay, Peter Fonda, Tippi Hedren, George C. Scott, et même O.J. Simpson.
Voici le générique d'ouverture de la série...
Collision
Deux voleurs de voitures. Un serrurier mexicain. Deux inspecteurs de police. Une femme au foyer et son mari, district attorney. Tous vivent à Los Angeles et ne se connaissent pas. Dans les prochaines 36 heures, leurs destins vont se croiser...
Tel était le pitch du film Collision de Paul Haggis, sorti en 2005 chez nous. Porté par un casting plutôt solide (Don Cheadle, Sandra Bullock, Matt Dillon, Thandiwe Newton notamment), le film fut couronné par trois Oscars : Meilleur scénario original, Meilleur montage, et surtout, Meilleur film. Sans oublier une quarantaine de prix internationaux. C'est dire la consécration pour Haggis, qui signait là son premier film en tant que réalisateur.
Une série adaptée du film fut donc mise en chantier, sous la plume de Glen Mazzara qui avait signé le scénario de plusieurs épisodes sur six saisons de The Shield, et qui sera quelques années plus tard à la barre de The Walking Dead.
Diffusée en octobre 2008 sur la chaîne Starz et composée de 13 épisodes, son succès d'audience fut suffisamment au rendez-vous pour que la chaîne passe commande d'une seconde saison en février 2009.
En revoici le générique...
Comme le film, la série se déroule à Los Angeles et raconte une série d'histoires entremêlées autour de personnages dont les chemins finiront par se croiser. L'une des têtes d'affiche de la série était Dennis Hopper, qui incarne dedans un producteur de musique que les excès ont usé, cédant parfois à de violents accès de folie.