Décédé en 1973, soit cinq ans avant que le long métrage animé de Ralph Bakshi ne débarque au cinéma, J.R.R. Tolkien n'a jamais vu une seule adaptation du Seigneur des Anneaux aboutir de son vivant.
Connaissant son tempérament pointilleux, son sens de la précision et l'extrême importance qu'il accordait à l'univers qu'il avait bâti, on peut d'ailleurs se demander comment il aurait réagi en découvrant le film d'animation de 1978, la trilogie de Peter Jackson, ou bien la série Amazon de 2022.
Bien qu'on ne puisse que spéculer sur les réactions qui auraient été les siennes face aux adaptations successives de son oeuvre, on sait néanmoins très précisément comment il a reçu la première tentative d'adaptation du Seigneur des Anneaux au cinéma.
En effet, en 1958, ayant obtenu l'accord de l'écrivain britannique, l'agent Forrest J. Ackerman avait confié au scénariste Morton Grady Zimmerman la première version d'un script, en vue de transformer les aventures de Frodon en un film d'animation de trois heures.
Ainsi que l'a récemment rappelé un article de Collider, Tolkien avait pris le temps de lire attentivement le scénario une fois celui-ci terminé, et avait longuement exposé son appréciation à travers plusieurs lettres extrêmement détaillées.
L'avis de Tolkien
Le moins que l'on puisse dire en parcourant ses écrits, c'est que l'auteur n'y est pas allé de main morte pour exprimer sa déception (voire son exaspération) pour le script :
"Je dirais que Zimmerman, [l'auteur du script], est incapable d'extraire ou d'adapter les "mots parlés" du livre. Il est empressé, insensible et impertinent", écrivait-il ainsi dans l'une de ses lettres, avant de poursuivre ainsi :
"Il ne lit pas. Il me semble évident qu'il a survolé Le Seigneur des Anneaux à vive allure, et qu'il a ensuite construit [son script] à partir de souvenirs partiellement confus, avec un minimum de références à l'original. (...) Je suis très mécontent de l'extrême sottise et de l'incompétence de Z[immerman], ainsi que de son manque de respect total pour l'original."
De l'agacement et du ressentiment
Dans un autre courrier beaucoup plus long où Tolkien prenait le temps de d'éplucher le scénario de Zimmerman page par page afin de détailler tous les éléments qui ne lui convenaient pas, il précisait également la nature de son mécontentement :
"Si [Zimmerman] et/ou d'autres [lisent mon commentaire], ils pourraient se trouver irrités ou offensés par le ton de mes critiques", déclarait-il.
"Si c'est le cas, je suis désolé (bien que je ne sois pas surpris). Mais je leur demanderai de fournir un effort d'imagination suffisant pour comprendre l'agacement (et parfois le ressentiment) d'un auteur qui trouve - au fur et à mesure de sa lecture - que son travail semble avoir été traité avec négligence de manière générale, parfois de manière irréfléchie, et sans le moindre signe évident de reconnaissance pour ce dont il s'agit."
Tolkien énumérait ensuite les nombreux détails qui ne fonctionnaient pas dans le scénario, évoquant par exemple le fait que les Orques se retrouvaient dotés de becs et de plumes, que le Balrog parlait et riait, ou encore que la Lothlorien se retrouvait transformée en château féérique, et les Elfes en petites fées.
Tolkien se serait-il montré aussi sévère avec la trilogie de Peter Jackson, récompensée par 11 Oscars et rangée parmi les meilleurs longs métrages de tous les temps par les spectateurs d'AlloCiné ?
(Re)découvrez tous les détails cachés dans "La Communauté de l'Anneau"...