Après Rifkin's Festival, sorti en juillet 2022, Woody Allen sera de retour au cinéma avec Coup de chance, en salles le 27 septembre prochain.
Cette fois, le cinéaste a posé ses caméras à Paris avec un casting entièrement français : Lou de Laâge, Niels Schneider, Melvil Poupaud, Valérie Lemercier, Grégory Gadebois, Guillaume de Tonquédec et Elsa Zylberstein.
Allen nous raconte l'histoire de Fanny (Lou de Laâge) et Jean (Melvil Poupaud). Ces derniers ont tout du couple idéal : épanouis dans leur vie professionnelle, ils habitent un magnifique appartement dans les beaux quartiers de Paris et semblent amoureux comme au premier jour.
Mais lorsque Fanny croise, par hasard, Alain, ancien camarade de lycée, elle est aussitôt chavirée. Ils se revoient très vite et se rapprochent de plus en plus.
Coup de chance a été récemment projeté à la Mostra de Venise, sur laquelle plane un parfum de scandale suite à la sélection de Woody Allen, Luc Besson et Roman Polanski. En raison de leur implication dans des affaires d'agressions sexuelles (rappelons que Luc Besson a bénéficié d’un non-lieu judiciaire définitif suite aux accusations de viol de l'actrice Sand Van Roy), la venue de ces metteurs en scène au Festival a été très mal perçue par certaines associations, qui ont décidé de montrer leur désaccord en manifestant près des tapis rouges.
LA PROJECTION DE COUP DE CHANCE PERTURBÉE
Ainsi, comme l'indique le Huffington Post, la projection de Coup de chance a été perturbée. "Une vingtaine de personnes sont arrivées en groupe, scandant « agresseur » contre Woody Allen. Les manifestants se sont mis torse nu et ont levé leurs mains peintes en rouge devant le Palais du cinéma de Venise situé sur le Lido."
"Ils ont ensuite essayé de s’introduire sur le tapis rouge mais ont été repoussés par la sécurité. Le groupe est reparti en criant : « Le violeur n’est pas malade, c’est un enfant sain du patriarcat », un chant de manifestation féministe en Italie."
De son côté, la comédienne française Ariane Labed a également dénoncé la sélection de de Roman Polanski, Luc Besson et Woody Allen. Devant les photographes, elle a pris la pose en arborant un message explicite inscrit sur le torse : "Plus d'honneurs pour les abuseurs".
Les collectifs féministes Tapis rouge colère noire et Punto Froce ont aussi mené des actions de collage à Venise pour protester contre l'invitation de ces cinéastes.
"Par ces sélections à répétition, les festivals de cinéma continuent de tisser un réseau transversal d'alliances et de soutiens qui devrait s'appliquer aux victimes de violences sexistes et sexuelles et non pas aux cinéastes accusés de ces violences", a déclaré le collectif Tapis rouge colère noire.
Woody Allen, qui présentait donc son 50ème long-métrage, Coup de chance, dans ce climat tendu, a d'ailleurs évoqué sa possible retraite, à 87 ans. Interrogé par Variety, le réalisateur se pose la question.
WOODY ALLEN À LA RETRAITE ?
"Je me disais que c'était mon 50ème film et que je devais décider si je voulais en faire d'autres. J'ai pensé à deux choses. La première est qu'il est toujours très difficile de trouver de l'argent pour un film. Et est-ce que j'ai envie d'en passer par là ?", s'interroge le cinéaste.
"Faire le film est une chose, mais trouver l'argent pour le financer, vous savez, c'est fastidieux et ce n'est pas très glorieux. Cependant, si quelqu'un sort de l'ombre et dit : 'Je vais vous donner de l'argent pour faire votre film', ce sera un facteur qui influencera la réalisation d'une autre œuvre.
L'autre chose, c'est la direction vers laquelle vont les longs-métrages. Je n'aime pas l'idée - et je ne connais aucun réalisateur qui l'aime - de faire un film et de le retrouver deux semaines plus tard à la télévision ou en streaming", a confié Woody Allen.
"Nous ne vivons pas une grande époque culturelle. Il y a eu beaucoup de films merveilleux dans le passé, et on n'en voit plus beaucoup aujourd'hui. Lorsque je voulais aller au cinéma, il y avait trois ou quatre films que je mourais d'envie de voir", ajoute-t-il.
Nous ne vivons pas une grande époque culturelle. Il y a eu beaucoup de films merveilleux dans le passé, et on n'en voit plus beaucoup aujourd'hui.
"Chaque semaine, il y avait un film de Truffaut, de Fellini, d'Ingmar Bergman et de Kurosawa. Aujourd'hui, très peu de films européens sont diffusés aux États-Unis. Je pense que nous ne sommes pas dans une situation merveilleuse sur le plan culturel, et certainement pas dans le domaine du cinéma", déplore le réalisateur de Manhattan et Match Point.
LA CANCEL CULTURE
Woody Allen a également évoqué la "cancel culture", assurant ne pas être inquiet pour son œuvre malgré les accusations d'abus sexuels dénoncés par sa fille adoptive, Dylan Farrow. Le cinéaste a toujours démenti ces allégations, les qualifiant de "fausses et honteuses".
Comme le souligne Mediapart, le cinéaste les impute "à un divorce houleux doublé d'une bataille judiciaire pour la garde des enfants, et accuse Mia Farrow d'avoir manipulé leur fille adoptive pour qu'elle le mette en cause."
Même s'il n'y a pas eu de poursuites judiciaires à son encontre, le réalisateur a subi de plein fouet le mouvement MeToo, une grand partie d'Hollywood lui tournant le dos. "De célèbres acteurs et actrices ont publiquement regretté d'avoir travaillé avec lui", rappelle Mediapart.
"La situation a été examinée par deux organismes importants, deux organismes d'enquête importants. Et tous deux, après de longues enquêtes détaillées, ont conclu que ces accusations n'étaient pas fondées.
Le fait que cela perdure me fait toujours penser que peut-être les gens aiment l'idée que cela perdure. Peut-être qu'il y a quelque chose d'attrayant pour les gens. Mais pourquoi ?", s'interroge Woody Allen au micro de Variety.
"Je ne sais pas ce que l'on peut faire à part mener une enquête, ce qu'ils ont fait de manière très méticuleuse. L'une a duré moins d'un an, l'autre plusieurs mois. Ils ont parlé à toutes les personnes concernées et, vous savez, les deux enquêtes sont arrivées exactement à la même conclusion."
Je trouve tout ça tellement idiot. Je n'y pense même pas. Je ne sais pas ce que ça signifie d'être canceled.
Le réalisateur développe également sa pensée au sujet de la "cancel culture." "Je trouve tout ça tellement idiot. Je n'y pense même pas. Je ne sais pas ce que ça signifie d'être "canceled" [annulé]. Je sais qu'au fil des années, tout est resté pareil pour moi. Je fais mes films. Ce qui a changé, c'est la manière dont on présente les longs-métrages", explique-t-il.
"Je travaille et c’est toujours la même routine en ce qui me concerne. J'écris le scénario, je récolte les fonds, je fais le film, je le tourne, je le monte, il sort. La différence ne vient pas de la "cancel culture". La différence réside dans la manière dont les gens présentent mes films désormais. Là est le grand changement", précise le cinéaste.
LE MOUVEMENT METOO
Woody Allen a également parlé du mouvement MeToo, déclarant le soutenir, même s'il va parfois trop loin selon lui : "Si un mouvement apporte quelque chose de positif, pour les femmes en l'occurrence, c'est une bonne chose. Quand ça devient n'importe quoi, c’est juste idiot. Parfois, c'est justifié et très bénéfique pour les femmes, et tant mieux. Mais parfois, je lis des affaires dans le journal qui me paraissent ubuesques et je trouve ça idiot."
Si un mouvement apporte quelque chose de positif, pour les femmes en l'occurrence, c'est une bonne chose. Quand ça devient n'importe quoi, c’est juste idiot.
Le réalisateur rappelle ensuite que sur les 50 films qu'il a réalisés, aucune femme n'a émis de plainte à son encontre. "Je le dis depuis quelques années et ça a choqué. Mais la vérité, c'est la vérité. J'ai réalisé 50 films. J'ai toujours eu de très bons rôles pour les femmes, j'ai toujours eu des femmes dans mes équipes, je les ai toujours payées exactement le même montant que mes acteurs hommes. J'ai travaillé avec des centaines d'actrices et je n'ai jamais eu une seule plainte à aucun moment."
"Pas une seule n’a dit : 'En travaillant avec lui, il était méchant ou il me harcelait.' Cela n’a tout simplement jamais été un problème. Mes monteuses sont des femmes. Cela ne me pose aucun problème. Cela ne m’a jamais vraiment préoccupé. J'embauche qui je pense être bon pour le rôle. Comme je l’ai dit, j’ai travaillé avec des centaines d’actrices, connues ou inconnues. Personne ne s’est jamais plaint et il n’y a rien à redire", estime Woody Allen.
J'ai réalisé 50 films. J'ai toujours eu de très bons rôles pour les femmes, j'ai toujours eu des femmes dans mes équipes, je les ai toujours payées exactement le même montant que mes acteurs hommes. J'ai travaillé avec des centaines d'actrices et je n'ai jamais eu une seule plainte à aucun moment.
À notre micro, la comédienne Lou de Laâge, rôle principal de son nouveau long-métrage, avait évoqué sa collaboration avec le metteur en scène :
"C'est un des tournages les plus, doux, simples et bienveillants que j'ai fait. C'était une petite bulle magique. Je ne suis pas la seule à le penser, je peux le dire aussi pour mes partenaires et toute l'équipe. Ça fait partie des tournages qui laissent des traces, je m'en souviendrai", avait-elle affirmé en décembre 2022.
Coup de chance sera-t-il le 50ème et dernier film de la carrière de Woody Allen ? L'avenir nous le dira. Le long-métrage sortira en salles le 27 septembre.