De quoi ça parle ? Le 3 juin 2017, Reality Winner, vingt-cinq ans, est interrogée par deux agents du FBI à son domicile. Cette conversation d’apparence banale parfois surréaliste, dont chaque dialogue est tiré de l’authentique transcription de l’interrogatoire, brosse le portrait complexe d’une milléniale américaine, vétérane de l’US Air Force, professeure de yoga, qui aime les animaux, les voyages et partager des photos sur les réseaux sociaux. Pourquoi le FBI s’intéresse-t-il à elle ? Qui est vraiment Reality ?
Une histoire vraie et une pièce
Reality est le premier long métrage réalisé par Tina Satter, à qui l'on doit plusieurs pièces de théâtre. Le thriller, inspiré par l’histoire vraie de Reality Winner, ex-lanceuse d’alerte et ex-salariée d’un sous-traitant de la NSA (National Security Agency), est aussi l'adaptation d'une pièce que la cinéaste avait mise en scène à Broadway, Is This A Room, en 2021. On y retrouve d’ailleurs les mêmes bégaiements, quintes de toux, malaises dans les échanges et moments censurés que dans le procès-verbal découvert par Tina Satter en 2017 :
"Dès que j’ai lu ce document, je me suis dit qu’il y avait là matière pour un film. D’un côté, c’est un document administratif du FBI, mais de l’autre, il s’en dégage une force étonnante. Il raconte le parcours de Reality et évoque ce moment qui a bouleversé sa vie. C’est un document fascinant parce qu’il révèle, littéralement, la manière dont les personnes concernées par cette affaire cherchent à communiquer. Je me suis dit que le film serait d’autant plus fort qu’on tenterait de restituer la réalité de ce qui s’est passé", confie la réalisatrice.
Qu'est devenue Reality Winner ?
Suite à son interrogatoire et son arrestation par le FBI, Reality Winner est incarcérée en juin 2017. L'année suivante, elle écope d'une peine de cinq ans de prison ferme pour "obtention de documents classifiés à partir d'une installation du gouvernement et transmission à un organe de presse" (au site The Intercept), devenant la première personne condamnée en application de l'Espionage Act sous l'ère Trump. Reality est finalement libérée en juin 2021 pour bonne conduite, après avoir passé plus de quatre ans derrière les barreaux.
Qui pour le rôle-titre ?
Sydney Sweeney, vue dans les séries à succès The White Lotus, Euphoria et The Handmaid’s Tale, incarne Reality Winner, cette jeune femme qui se tient constamment sur ses gardes tout au long de l’interrogatoire musclé. La comédienne précise : "À mes yeux, Reality Winner est emblématique de la jeunesse américaine de 2017 et se révèle comme une somme de contradictions, à la fois physiquement et à travers ses actes". La réalisatrice poursuit :
"Sur le plan émotionnel, Sydney avait le sentiment de comprendre Reality – et j’ai vraiment senti qu’elle la comprenait, en effet. Elle s’était totalement investie dans le personnage. En découvrant le scénario, j’ai été fascinée par son étrangeté, sa drôlerie et son côté très sombre. Reality est pétrie de toutes sortes de contradictions intéressantes qui déjouent les préjugés qu’on peut avoir sur l’identité féminine, les anciens membres de l’armée et la génération Y."
Pour se préparer au rôle, Sydney Sweeney s’est plongée dans le procès-verbal, a étudié les intonations de Reality Winner et s’est entretenue avec celle-ci via Zoom et SMS.
Josh Hamilton est l’agent Garrick
Josh Hamilton, qui campe l’agent Garrick pilotant l’interrogatoire, avait vu la pièce de Tina Satter lorsqu’il s’est vu proposer le rôle. Il s’est préparé en étudiant des vidéos d’interrogatoires et en cherchant à mémoriser le moindre bégaiement, la moindre quinte de toux et la moindre hésitation du texte d’origine. L'acteur se rappelle :
"On n’a pas souvent, voire jamais, l’occasion de travailler une langue comme celle-ci. Il s’agit parfois d’une sorte de charabia ingénieux qu’aucun scénariste ne pourrait inventer. Et ces apartés en apparence inoffensifs étaient en réalité de redoutables techniques d’interrogatoire destinées à manipuler la personne interrogée."
Les sorties cinéma du 16 août : Les As de la jungle 2, Reality, La Bête Dans La Jungle...
Visée idéologique
Tina Satter est restée en contact avec les proches de la véritable Reality Winner pendant l’écriture de la pièce et du film. Depuis la sortie de prison de l'ex-lanceuse d'alerte en 2021, celle-ci et la réalisatrice communiquent régulièrement par Zoom : "Reality, sa mère Billie Winner-Davis et sa soeur Brittany Winner m’ont toujours encouragée dans ma démarche artistique dès le départ. Je leur dois énormément."
"Et comme l’intelligence et l’humour de Reality ressortent du procès-verbal – tout comme ses failles profondément humaines –, ma volonté de rester fidèle à ce portrait de Reality les a touchées et leur a plu. On pénètre dans la pièce d’un appartement, un samedi après-midi, dans l’Amérique de 2017. Je souhaite que le public découvre cette histoire car c’est passionnant de voir comment fonctionne le gouvernement."