De quoi ça parle ? Khédidja travaille pour une famille parisienne aisée qui lui propose de s'occuper des enfants le temps d’un été en Corse. L'opportunité pour elle de retourner avec ses filles, Jessica et Farah, sur cette île qu'elles ont quittée quinze ans plus tôt dans des circonstances tragiques.
Alors que Khédidja se débat avec ses souvenirs, les deux adolescentes se laissent aller à toutes les tentations estivales : rencontres inattendues, 400 coups, premières expériences amoureuses. Ce voyage sera l'occasion pour elles de découvrir une partie cachée de leur histoire.
Le casting des jeunes comédiennes
Pour trouver les jeunes interprètes de son film, Catherine Corsini voulait effectuer un casting sauvage. Elle recherchait des visages inconnus au cinéma. "Nous avons collé des affiches partout, mais nous avons eu beaucoup de mal à faire venir les jeunes filles", raconte-t-elle. Elle a finalement rencontré des actrices et leur a fait faire des essais. C’est ainsi qu'elle a découvert Esther Gohourou, qui avait déjà tourné dans Mignonnes de Maimouna Doucouré.
Quant à Suzy Bemba, elle s’est d’abord présentée pour jouer la sœur de Khédidja avant de se voir proposer le rôle de Jessica. "J’ai vu qu’elle était très bonne actrice et lui ai proposé de remplacer une autre jeune fille non professionnelle, qui m’avait d’abord plu pour le rôle de Jessica, mais dont les toutes premières répétitions ne se sont, hélas, pas révélées suffisamment convaincantes pour ce rôle difficile, où il y avait plein d’émotions et d’états différents à jouer", se souvient la cinéaste. Enfin, Lomane de Dietrich a été choisie pour sa décontraction, son aplomb et son naturel singulier.
De La Fracture au Retour
La Fracture, le précédent long-métrage de Catherine Corsini, et Le Retour ont un point commun : la présence d'Aïssatou Diallo Sagna. Cette aide-soignante faisait ses débuts d'actrice dans La Fracture, pour lequel elle a remporté le César du meilleur second rôle féminin.
La réalisatrice souhaitait retrouver la comédienne sur un nouveau film : "on le sait, on peut consacrer quelqu’un, puis passer vite à autre chose dans cette profession. J’avais à cœur de ne pas l’oublier, et surtout de l’emmener ailleurs : vers le romanesque, la fiction. Aïssatou m’a aussi ouverte à sa vie, à son histoire. Sa famille est d’ailleurs venue sur le tournage. J’ai découvert grâce à elle plein de détails sur les cultures guinéenne et sénégalaise, le rapport à la terre d’origine, ou des choses plus concrètes comme les coiffures des femmes."
Écriture à quatre mains
Catherine Corsini a co-écrit Le Retour avec Naïla Guiguet, une jeune scénariste diplômée de la FEMIS, et dont la mère est d’origine sénégalaise. "J’ai écrit cette histoire avec elle, car je me sentais trop loin de cette jeunesse qui m’intéresse. Elle m’a beaucoup nourrie ; nous avons, d’ailleurs, emprunté le prénom de Khédidja à sa mère", explique la réalisatrice.
Elle a aussi puisé dans sa propre histoire : "J’ai deux sœurs ; un père corse, qui est mort dans un accident quand j’étais très jeune ; une mère qui ne supportait pas la Corse, où elle se sentait enfermée… Autant d’éléments qui dessinent des circuits et interrogent ce territoire complexe, comme le sentiment de se sentir étranger quelque part."
Format
Après avoir utilisé le Scope sur ses trois derniers films, Catherine Corsini a décidé d'opter pour le format plus classique du 1.66 : "Ce format cadrait mieux pour filmer les visages et pour créer une sensation d’intensité." Elle craignait par ailleurs que le Scope aboutisse à une esthétique de carte postale.
Polémique
La présence du Retour au sein de la compétition officielle de Cannes a failli être remise en cause en raison de faits de harcèlement reprochés à Catherine Corsini et deux membres de l'équipe, ainsi qu'une possible entorse à la législation sur la protection des comédiens mineurs, qui a déjà valu à la société Chaz Productions une demande de remboursement des aides octroyées par le CNC (Centre National du Cinéma et de l’Image Animée) en janvier 2023, d'un montant de 680 000 euros (dont 580 000 d’avances sur recettes, et 100 000 de soutien automatique).
La législation française prévoit un cadre strict pour l’emploi sur les plateaux ciné de comédiens de moins de 16 ans. Chaque film doit ainsi obtenir, au préalable, le feu vert de la Commission des Enfants du Spectacle, instance émanant du Comité de Protection de l’Enfance, et composée de représentants de diverses institutions (magistrature, Éducation Nationale, Ministère de la Culture…).
Or, Le Retour comporte une scène où une adolescente (incarnée par une actrice de 15 ans et demi à l'époque du tournage) s'éveille à la sexualité à travers la masturbation avec un garçon. Une scène absente du scénario transmis à la Commission, qui n'a donc pas pu l'étudier. Si la productrice Elisabeth Perez reconnaît une faute de leur part en précisant que la scène n'a pas été cachée mais rajoutée au moment du tournage à la suite d'une réécriture, la demande d'autorisation aurait quand même dû être formulée.
(Re)voir notre rencontre avec l'équipe du film lors du Festival de Cannes 2023 :