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Avec l'arrivée du streaming, une promesse concrète a été faite aux abonnés : toutes les œuvres originales des plateformes seraient toujours disponibles, à tout moment. Mais la donne semble avoir changé ces derniers mois. Certaines œuvres disparaissent totalement des catalogues et ne sont disponibles nulle part. On a appris il y a quelques semaines le retrait de la série Willow, ou encore aujourd'hui celui du film Le Cratère, du catalogue de Disney+.
Le 10 mai dernier, la directrice financière de Disney, Christine McCarthy, a annoncé de manière inquiétante que la société allait "retirer certains contenus des plateformes de streaming".
Les titres dits classiques circulent constamment entre les services de streaming en raison des négociations sur les droits, mais Disney+ a supprimé ses propres contenus, ceux que la plateforme a produits. Il s'agit notamment des remakes de Black Beauty avec Kate Winslet, de Treize à la douzaine sorti l'année dernière, ou encore de l'adaptation par Kenneth Branagh du roman fantastique Artemis Fowl. Même la série documentaire Le Monde selon Jeff Goldblum est passée à la trappe. Et bien d'autres choses encore !
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Ce n'est pas que Disney+
Il n'y a pas que la maison de Mickey à blâmer dans cette histoire, c'est le cas dans toute l'industrie. Paramount+ a retiré aux États-Unis son reboot de La Quatrième dimension, chapeauté par Jordan Peele (également indisponible sur MyCanal en France), ainsi que sa série dérivée de Grease, intitulée Grease : Rise of the Pink Ladies, ou encore son spin-off de Star Trek, la série animée Prodigy.
Toujours aux États-Unis, Max a fait ses adieux à Westworld et Minx, encore disponibles chez nous via OCS. Netflix s'y met aussi. En octobre dernier, on apprenait la disparition de la série Hemlock Grove, avec Famke Janssen, qui fait partie des toutes premières créations originales de la plateforme après House of Cards. En début d'année, Netflix a annoncé la suppression d'Arrested Development, alors que les deux dernières saisons ont été produites par Netflix. Mais la plateforme est revenue sur cette décision par la suite.
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Pourquoi ces suppressions ?
L'une des réponses – la plus évidente – est qu'il s'agit d'une mesure de réduction des coûts : en retirant des contenus de leurs catalogues, les diffuseurs peuvent les déduire de leurs pertes au moment de la déclaration d'impôts et payer moins de "residuals" en anglais, c'est-à-dire les honoraires versés aux acteurs, scénaristes, réalisateurs et autres créateurs lors de la diffusion de séries et de films. Cela correspond chez nous au droit d'auteur et au copyright.
Certains services de streaming ont également essayé de vendre leurs titres à d'autres sociétés : la plateforme gratuite Tubi, par exemple, diffuse actuellement Westworld de HBO, mais elle n'est accessible qu'aux États-Unis. Depuis quelques jours, certaines séries HBO – dont Insecure – sont désormais vendues à Netflix, mais uniquement sur le territoire américain.
Mais il y a aussi une autre raison. Le secteur du streaming – vendu comme la poule aux œufs d'or lors de son lancement – entre dans l'ère des flops. La bulle entourant le boom du streaming des années 2010 a bel et bien éclaté : l'année dernière, Netflix a annoncé sa première perte d'abonnés en dix ans. Au cours du dernier trimestre 2022, les services de streaming de Disney ont perdu 1,05 milliard de dollars ; Warner Bros Discovery – qui possède Max (anciennement HBO Max) – a enregistré des pertes de 217 millions de dollars dans le domaine du streaming, alors que le lancement de House of the Dragon a été un carton !
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La déception en héritage
L'attrait du streaming réside en partie dans le fait que nous sommes censés pouvoir regarder tout ce qu'on veut, quand on veut... Mais ces jours heureux ressemblent aujourd'hui à un rêve lointain. Le monde du streaming est de plus en plus encombré. La preuve en est avec le nombre de plateformes auxquelles on doit s'abonner pour avoir un accès à l'offre la plus large. Sans parler des problèmes de droits qui font que certains titres – des classiques ou des œuvres de niche – n'ont tout simplement jamais été disponibles en streaming !
Il n'y a pas que les abonnés qui sont déçus dans cette affaire. Toutes les personnes ayant participé à la création d'un film ou d'une série sont également tributaires de ces décisions. Tout d'abord parce que la disparition d'une œuvre – sans qu'il existe de copie physique – revient à dire qu'elle n'a jamais existé. L'autre impact est bien sûr financier. Après le retrait d'une série, les créateurs cessent de recevoir les fameux residuals ou droits d'auteur.
C'est d'ailleurs l'un des points brûlants au cœur de l'actuelle grève des scénaristes aux États-Unis : alors que les chaînes de télévision utilisent un modèle de "récompense pour le succès", ce qui signifie que les scénaristes peuvent gagner plus d'argent si leur série est un succès, ce même succès n'a que peu d'importance pour les plateformes de streaming. Ces dernières paient des redevances forfaitaires basées sur une série de facteurs, notamment la durée de présence de la série sur le service et leur propre nombre d'abonnés (qu'elles hésitent souvent à partager).
Et lorsque votre série n'est pas diffusée sur une plateforme, vous n'êtes tout simplement pas payé... Vous l'aurez compris, le streaming n'est plus synonyme de vie éternelle !