Mon compte
    6 films avec Wes Anderson, Barbie, 2 Oscars : rencontre avec le compositeur Alexandre Desplat
    Mathilde Fontaine
    Mathilde Fontaine
    -Rédactrice ciné-séries
    Celle qui est fan de Friends et pourrait bosser chez Dunder Mifflin. Ne loupe jamais une séance ciné, rêve de vivre dans un film de Sautet, de faire une choré avec les fréros Vega (ceux de Tarantino) et d'aller à une Boum avec Vic ! ("Et là, normalement, il me faut une citation latine...")

    Wes Anderson est de retour au cinéma avec Asteroid City, un western barré dont lui seul a le secret. S’il attire l'œil pour son esthétique et son casting, le film séduit aussi nos oreilles pour sa musique signée Alexandre Desplat. Rencontre.

    Actuellement à l’affiche, Asteroid City est le 11e film de Wes Anderson. Après le sous-marin de La Vie aquatique, le train d’À bord du Darjeeling Limited, l’île de New-Penzance dans Moonrise Kingdom, le palace de The Grand Budapest Hotel, sans oublier la rédaction du journal The French Dispatch, c’est cette fois-ci au beau milieu du désert de l'Ouest américain, en 1955, que le réalisateur texan nous transporte.

    Asteroid City
    Asteroid City
    Sortie : 21 juin 2023 | 1h 46min
    De Wes Anderson
    Avec Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Tom Hanks
    Presse
    3,3
    Spectateurs
    2,9
    Voir sur Netflix

    Illuminé, comme à l'accoutumée, par l'esthétique si caractéristique du cinéaste, mais aussi par un casting impressionnant et composé de ses acteurs fétiches (Adrien Brody, Willem Dafoe, Edward Norton, Tilda Swinton ou Jason Schwartzman), ce nouveau long-métrage est rythmé une fois encore par la musique d’Alexandre Desplat.

    Avec plus de 70 récompenses à son actif (dont 3 César, 3 Golden Globes et 2 Oscars), le compositeur français a su se faire une place de choix dans le cœur des amoureux du cinéma, et un vrai nom dans le paysage de la musique de films. A l’occasion de la présentation d’Asteroid City en Compétition au Festival de Cannes 2023, et grâce à la présence de la SACEM durant l’évènement, le plus cinéphile des mélomanes nous a accordé un entretien tout en mesure et en justesse, afin de se confier sur son métier.

    AlloCiné : Vous êtes cette année à Cannes pour Asteroid City, est-ce que vous éprouvez toujours une émotion particulière à l’idée de venir à ce Festival ?

    Alexandre Desplat : Cannes, c’est le rendez-vous du cinéma. Il y en a d’autres bien sûr, mais ici c’est mon pays, puisque j’y viens depuis que je suis adolescent, lorsque je rêvais de cinéma et de metteurs en scène. C’est incontournable. Puis maintenant c’est vrai que je suis venu pour beaucoup de films ici, j’ai été membre du jury, donc il y a un lien d’autant plus net.

    Vous retrouvez Wes Anderson après de grands succès tels que Moonrise Kingdom, L'Île aux chiens, ou The Grand Budapest Hotel, comment travaillez-vous ensemble ?

    Souvent, les gens vont me demander si je travaille avec des références en tête, mais ça va justement à l’inverse de ma méthode de travail. Moi je veux juste voir le film tel qu’il est, nu, puis laisser mon imagination travailler et chercher quelque chose. Si je me mets des références en tête, ça n'a plus de sens. Avec Wes Anderson, on discute beaucoup des instruments que l’on a à l’esprit, on est plutôt sur un jeu de construction de sons qui vont être suffisamment étranges et en même temps servir le film.

    Pour Asteroid City, j’avais le motif principal écrit avant le tournage, grâce aux conversations que j’avais eu avec Wes Anderson, puis à des storyboards. Mais c’est parce que l’on a créé une vraie complicité tous les deux depuis déjà six films. Tout est plus facile à cerner.

    J’adore cette liberté que la musique de films offrait au compositeur, celle de pouvoir porter tous les matériaux.

    Est-ce que vous travaillez de la même manière avec tous les cinéastes ?

    C’est différent en fonction des réalisatrices et réalisateurs. Pour la majorité, j’attends de voir le film en premier montage, mais parfois, comme avec Jacques Audiard par exemple, il m’est arrivé d’écrire la musique avant le tournage du film.

    Vous avez baigné dans la musique toute votre enfance, qu’est-ce qui vous a déterminé à composer pour le cinéma ?

    J’ai toujours aimé la musique, mais dès l’adolescence, je me suis passionné pour le cinéma. Dès 15 ans, j’allais au cinéma très très souvent les week-ends, parfois en enchaînant les séances du même film pour le revoir, parfois en voyant 2 films différents la même soirée... Je suis devenu un peu cinéphage. Et lorsque je voyais un film pour la 2e fois, j’étais d’autant plus attentif au son, à la musique et je pense que c’est là que c’est véritablement construit cette idée dans mon esprit.

    À mesure que les études musicales montaient en grade, je me rendais compte à quel point certaines musiques de film étaient sophistiquées, différentes en fonction des cinéastes, que l'on pouvait aller du jazz à du symphonique, des morceaux à voix comme des instruments ethniques… J’ai adoré cette liberté que la musique de films offrait au compositeur, celle de pouvoir porter tous les matériaux.

    Vous faites désormais partie des grands noms de la composition musicale de cinéma, avez raflé de nombreux prix et travaillez avec les réalisatrices et réalisateurs les plus prestigieux, comment vivez-vous ces succès ?

    C’est avant tout une question de passion, de rencontre et de travail. J’ai d’abord composé pour un premier court-métrage, puis un autre, puis un premier long-métrage qui n’est jamais sorti, un premier qui est sorti, etc… Ce sont des œuvres qui ne m’ont pas forcément servi en tant que telles dans ma carrière, mais qui m'ont ouvert les portes d’un monteur, d’un metteur en scène, puis ça a fait boule de neige. Dans le même temps, j’ai progressé et acquis plus d'experience et de technique, et ça s’est fait comme ça, lentement, mais sûrement.

    Mais avant le premier film anglo-saxon qui m’a fait traverser l’Atlantique, j’avais déjà écrit 50 musiques de cinéma auparavant, donc ce n’est pas arrivé comme ça du jour au lendemain, c’est un long processus.

    BESTIMAGE

    Que pensez-vous de la place des compositrices et compositeurs dans les cérémonies de cinéma ?

    C’est évidemment toujours très touchant de recevoir un prix en son nom, comme aux Oscars par exemple. Mais lorsque je n’ai pas de prix, et qu’un film pour lequel j’ai travaillé en reçoit, je suis aussi très heureux car je me dis que je fais partie de la grande entreprise qui a permis à ce film d’exister et d’être récompensé.

    La SACEM fait un travail formidable pour nous mettre en lumière et souligner notre travail. A une époque il y avait des concerts durant les festivals de cinéma, et je trouve que cela manque un peu, j’aimerais beaucoup que l’on puisse renouveler cette idée. Il y a beaucoup de choses à faire et à insuffler !

    Après Asteroid City, dans quel film pourrons nous écouter votre travail ?

    Il y a Barbie qui sort bientôt, de Greta Gerwig, pour lequel je me suis beaucoup amusé. Sinon j’ai travaillé sur le dernier film de George Clooney, The Boys in the Boat, ainsi que pour Ellen Kuras sur Lee, un très très beau film consacré à la vie de la photographe Lee Miller, avec Kate Winslet dans le rôle-titre.

    Propos recueillis par Mathilde Fontaine, au Festival de Cannes 2023.

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top