La comédienne Jacqueline Maillan s'est mal entendue avec son réalisateur Jean-Marie Poiré sur le tournage de la comédie Papy fait de la résistance.
Alors qu'elle approche à l'époque des 60 ans, le théâtre donne toute satisfaction à Maillan, puisqu'on écrit pour elle. Elle enchaîne les pièces mais n'a plus fait de cinéma depuis 1973 et L'Oiseau rare. En 1982, elle y fait son retour dans le polar Y a-t-il un Français dans la salle ? de Jean-Pierre Mocky.
Après ce pied remis à l'étrier, elle rejoint le nouveau projet la troupe du Splendid après Le Père Noël est une ordure, un film se déroulant sous l'Occupation intitulé Papy fait de la résistance. Elle y incarne une cantatrice : Héléna Bourdelle.
En apparence tout va bien, comme en témoigne son intervention à un média invité sur le tournage, qui lui fait évoquer sa récente absente des écrans :
"Je ne demande que ça [davantage travailler au cinéma], mais je refuse les choses qui ne me plaisent pas. J'ai la chance d'être très gâtée au théâtre, donc si je fais du cinéma, c'est quand ça me plaît beaucoup, beaucoup. Et là, j'ai la chance de tourner avec une équipe qui m'enchante."
Jean-Marie Poiré témoigne dans l'émission La Solitude du rire, documentaire consacrée à la comédienne :
Elle est très excitée à l'idée de refaire du cinéma, mais se retrouve avec un trac fou.
Nous sommes en septembre 1982, le tournage débute pour 10 semaines et Maillan craint que sa façon de faire rire se heurte à celle du Splendid, la nouvelle génération de la comédie, venue du Café-théâtre et ayant connu le succès avec des films comme Les Bronzés.
Son premier plan était catastrophique. Elle a cru qu'on pouvait improviser, donc elle avait écrit des lignes de dialogue dont une [qu'elle voulait dire tout le temps] : 'quand mamina va, tout va'. J'ai trouvé ça très moyen, pour dire la vérité.
"Je lui ai dit : 'ne me faites pas la comique, je vous en supplie. Je vous ai choisi parce que vous êtes incroyablement chic, vous êtes une diva de théâtre, une des plus grandes vedettes du théâtre du XXème siècle, (...) je voudrais engager Jacqueline Maillan la femme'."
Un tournage physique
"On avait des chaussures de l'époque, ce n'était pas très confortable, descendre des escaliers à toute allure", se souvient Dominique Lavanant. "Je descendais avec elle en regardant chaque marche et je me disais 'bon sang de bonsoir, elle va même plus vite que moi', mais bon, après il fallait remonter et recommencer, remonter et recommencer... Elle n'en pouvait plus."
Du reste, "la Maillan" comme on l'appelle alors, se doit de partir à 18h car elle enchaîne le soir avec une représentation théâtrale de Coup de soleil. Un rythme effréné qui n'est pas sans ajouter de la crispation lorsque le tournage s'éternise.
Chanter ? Sûrement pas !
Vient le moment de tourner sa scène chantée. Elle interprète donc une chanteuse d'opéra et chante régulièrement sur scène au cours des spectacles qu'elle donne.
Elle apprend cependant qu'elle n'a droit qu'à une seule prise, car l'équipe compte la faire doubler en post-production. Poiré justifie son choix : "Elle pensait qu'elle était bonne en chant. Mais de là à chanter comme une cantatrice comme la Callas, non."
Sauf que lors d'une scène similaire, elle découvre que son partenaire de jeu, Jacques Villeret, n'est pas doublé et a droit à de nombreuses prises. Maillan fait savoir son agacement et ronge son frein, avant de partir. Poiré a le temps de mettre en boîte sa réaction à la scène, ce qui donne ce plan fameux du film :
Malgré ces tensions, avec un budget qu'on estimerait aujourd'hui à 9,5 millions d'euros, Papy fait de la résistance réalise 4,1 millions d'entrées lors de sa sortie en salles le 26 octobre 1983. Depuis, les nombreuses rediffusions du film l'ont rendu encore plus populaire, et lui ont permis de passer à la postérité.