Tirailleurs de Mathieu Vadepied est sorti dans nos salles ce mercredi 4 janvier. Le long-métrage porté par Omar Sy et Alassane Diong se déroule en 1917.
Bakary Diallo (Sy) s'enrôle dans l'armée française pour rejoindre Thierno (Diong), son fils de 17 ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble.
Le réalisateur porte ce projet depuis de nombreuses années. Ce dernier explique que l'idée de ce film est née en 1998 à la mort du dernier tirailleur sénégalais enrôlé de force dans l'armée française en 1914 (Abdoulaye Ndiaye, décédé à l’âge de 104 ans).
Et si le Soldat Inconnu était un tirailleurs sénégalais ?
"L’ironie du sort est qu’il est mort la veille du jour où il devait recevoir la légion d’honneur promise par le président de la République, Jacques Chirac.
À ce moment-là, et je ne sais pas pourquoi, je me suis dis que si ça se trouve dans la tombe du Soldat inconnu reposent les restes d’un tirailleur de l’armée coloniale issu d’un de ces pays africains colonisés alors par la France. Et c'est ainsi que tout a commencé."
Durant la Première Guerre mondiale, plus de 200 000 tirailleurs venus d'Afrique et surnommés "tirailleurs sénégalais" ont combattu aux côtés des soldats français. Ils n'étaient pas tous sénégalais mais ce nom leur est donné car le 1er régiment a été créé au Sénégal.
Environ 30 000 sont morts sur le champ de bataille et beaucoup d'entre eux sont revenus invalides. Ce film leur rend hommage à l'image d'Indigènes de Rachid Bouchareb, qui en 2006 honorait les tirailleurs algériens ayant combattu durant la Seconde Guerre mondiale.
Enrôlés de force
Créé par un décret de Napoléon III à l'été 1857, les tirailleurs sénégalais étaient un corps de militaires composé de soldats venus de toute l'Afrique, appartenant aux troupes de l'Empire colonial français.
Si quelques hommes sont volontaires, la plupart d'entre eux sont d'anciens esclaves rachetés à leurs "maîtres" ou des prisonniers de guerre et sont donc enrôlés de force.
Dès février 1912, un décret institue le recrutement par réquisition. Dans "L'épopée des tirailleurs sénégalais" d'Eugène-Jean Duval (Éditions L'Harmattan), il est indiqué que le décret prévoit que "les indigènes de race noire du groupe de l'Afrique-Occidentale française peuvent en toutes circonstances être désignés pour continuer leur service en dehors du territoire de la colonie."
En 1915, des villageois du Mali se révoltent contre ces réquisitions forcées mais la rébellion est réprimée. En juin 1916, la France ordonne de tirer sur une dizaine de villages "récalcitrants", tuant plusieurs milliers de civils.
Dans le film, le réalisateur montre d'ailleurs la manière dont les hommes en âge de combattre pouvaient être arrachés à leurs familles.
"Toutes les mémoires font notre histoire commune" : Omar Sy à propos de TirailleursLes tirailleurs sénégalais ont participé à toutes les batailles aux côtés des soldats français : de la conquête de Madagascar entre 1895 à 1905 à la Seconde Guerre mondiale en passant bien évidemment par la Première Guerre mondiale, la campagne du Maroc, la Guerre d'Indochine ou encore la Guerre d'Algérie. Les derniers bataillons de tirailleurs sont dissous entre 1960 et 1964.
Mais paradoxalement, ces hommes ne sont que très peu évoqués dans les livres d'Histoire. Un fait que Mathieu Vadepied regrette et qu'il aimerait voir évoluer. Il nous précise d'ailleurs en interview : "J’aimerais que ce film permette de faire un travail pédagogique dans les écoles, modifier peut-être un peu les programmes ou les manuels d’Histoire."
"Compléter un récit et considérer toutes les mémoires qui font notre Histoire commune"
Interrogé à ce sujet pour la sortie du long-métrage, Omar Sy affirme que ce film a pour but de "rappeler une partie de l’Histoire avec une histoire différente". Il ajoute à notre micro : "Ça ne veut pas dire qu’on nie l’Histoire qu’on connaît déjà, c’est simplement compléter un récit et considérer toutes ces mémoires qui font notre Histoire commune.
C’est une histoire tressée en fait. On essaie beaucoup de couper des branches comme si c’était un arbre, mais notre histoire est comme une natte. Les histoires sont liées.
Dans ce film, on voit l’Histoire dans l’autre sens en fait. Quand la France va coloniser le Sénégal. Depuis, ces deux pays et d’autres d’ailleurs, sont liés et ça ne va pas se défaire, ce n’est pas une branche qu’on peut élaguer."
Tirailleurs est un hommage à ces hommes et un véritable devoir de mémoire. Le long-métrage est à voir dans nos salles obscures depuis ce mercredi 4 janvier.