Le "film d'après"...

Au risque d'ôter tout suspense quant à ce qui va suivre dans ce dossier, sachez que Gérard Oury est le seul réalisateur français à avoir compté deux films parmi les plus gros succès français de tous les temps, et que ces deux longs métrages se sont justement enchaînés dans sa filmographie, le second faisant encore mieux que le premier.

Le Corniaud

Réalisé par Gérard Oury - 1965

Avec : Bourvil, Louis De Funès, Venantino Venantini...

Synopsis : Saroyan, un trafiquant, utilise un honnête commerçant, répondant au nom d'Antoine Maréchal, pour emmener de Naples à Bordeaux une Cadillac remplie d'héroïne.

Le 24 mars 1965, le public présent dans les salles françaises découvre Le Corniaud, sans forcément se douter que le film de Gérard Oury sera une réussite à tous les niveaux : en réunissant, pour la première fois, Bourvil et Louis De Funès tout en haut d'une même affiche (les deux hommes avaient certes quelques longs métrages en commun mais, à l'image de La Traversée de Paris, y tenaient des rôles d'importance différente), le réalisateur donne en effet naissance à un des duos les plus célèbres du cinéma, et qui tient beaucoup plus la route que la 2 CV du premier, réduite ici en kit par la voiture du second, dans la première (et mémorable) scène qu'ils partagent. "Maintenant ça va marcher beaucoup moins bien forcément" s'exclame alors Bourvil, le volant dans les mains. Une phrase amusante dans le sens où elle préfigure exactement l'inverse du destin du film, qui présentera le désormais célèbre Youkounkoun à 11 740 000 personnes. Sans remettre en cause la mécanique huilée mise en place par Gérard Oury, ce succès est davantage à mettre au crédit de ses acteurs, qui avaient déjà les faveurs du public : Bourvil grâce à La Traversée de Paris (1956), La Jument verte (1959), Le Bossu (1959) ou La Cuisine au beurre (1963), et Louis De Funès pour ses prestations tout en grimaces et nervosité dans La Traversée de Paris (1956), Pouic-Pouic (1963), Le Gendarme de Saint-Tropez et Fantomas (1964 tous les deux). Et là on se dit que le trio, propulsé au sommet de la comédie grâce au plus gros succès de l'année 1965, aura bien du mal à faire mieux. Sauf que...

La Grande Vadrouille

Réalisé par Gérard Oury - 1966

Avec : Bourvil, Louis De Funès, Claudio Brook...

Synopsis : En 1942, un avion anglais est abbatu par les Allemands au-dessus de Paris. Les trois pilotes sautent en parachute et atterissent dans différents endroits de la capitale. Ils sont aidés par deux civils français, un chef d'orchestre et un peintre en bâtiment qui accèptent de les mener en zone libre; ils deviennent ainsi, malgré eux, acteurs de la Résistance.

Dans la série "On ne change pas une équipe qui gagne", La Grande Vadrouille se pose clairement là, et débarque dans les salles françaises le 1er décembre 1966. Encore tout auréolé du succès du Corniaud, le trio Oury-Bourvil-De Funès fait une nouvelle fois main basse sur les entrées et va même jusqu'à en totaliser 17 270 304 (sur plusieurs années, certes), ce qui a longtemps fait de lui le plus gros succès de tous les temps en France, jusqu'aux passages de Titanic et Bienvenue chez les Ch'tis, qui ont chacun dépassé la barre des 20 millions, et relégué La Grande Vadrouille sur la troisième marche du podium.

Sorti sur les écrans très peu de temps après Le Corniaud, La Grande Vadrouille possède globalement la même recette : un duo que tout oppose (le gentil grand et le petit colérique), une histoire de voyage (en Italie plus tôt, et dans la France occupée ici), des situations qui tournent au burlesque... Seule différence de taille : le sujet, l'époque et le traitement, puisque rares étaient les films qui traitaient de la Seconde Guerre Mondiale sur un ton aussi léger.

Avec son lot de scènes cultes (allez franchement : qui n'a jamais songé à lancer une danse des chaises lors d'une réunion de famille ?), La Grande Vadrouille prouve surtout que le recette de Gérard Oury, ici aidé par sa fille, Danièle Thompson, au scénario, fonctionne à merveille, et il ne se fera pas prier pour nous la resservir, avec De Funès mais sans Bourvil, via La Folie des grandeurs et Les Aventures de Rabbi Jacob, qui rencontreront eux aussi le succès (5 563 000 entrées pour le premier, et 7 460 000 pour le second).

Première comédie traitant de la Seconde Guerre Mondiale à sortir dans les salles allemandes, La Grande Vadrouille sera suivi, trois ans plus tard, par Le Cerveau (photo ci-dessus), comédie policière qui suit les tribulations de Jean-Paul 'Tac Tac Badaboum' Belmondo et Bourvil, et qui ne réunira "que" 5 547 299 spectateurs dans les salles françaises. A côté des chiffres monumentaux de son précédent film, la comédie de Gérard Oury ferait presqu'office de bide, sauf qu'il s'agit là du 2ème plus gros succès de l'année 1969, loin derrière les 14 862 764 entrées d'Il était une fois dans l'Ouest, mais avec une bonne longueur d'avance sur l'Hibernatus d'Edouard Molinaro (3 366 973 entrées), dans lequel on retrouve l'autre moitié du duo de La Grande Vadrouille, Louis De Funès. Car si la présence d'une intrigue policière distingue Le Cerveau des deux précédents films de Gérard Oury, il semble clair que leurs succès respectifs devait beaucoup plus à la popularité de son duo central qu'à celle de chacun de ses acteurs.