Dans cette série, les décors sont marquants. Un véritable goût de l’esthétique se dévoile. Le choix de l’église, entre autres, le prouve. Plus intéressants que les constructions, il y a ces décors naturels qui se dressent devant chacun des personnages. Les Vosges massives retiennent, matérialisant l’immobilité de la guerre.
Les personnages elleux aussi sont claustrophobiques, Suzanne en particulier. L’infirmière tente sans arrêt de fuir. Sa course est soutenue par des caméras portées ainsi que par des murs invisibles.
Elle fuit son passé, son présent ainsi que la mort pour elle et pour les autres mais elle ne parvient jamais à s'échapper.
L’inertie est telle que sa fuite finale vise à rester en place (fuir le policier pour rester au front).
J’adresse des félicitations particulières à Camille Lou qui parvient à transmettre les émotions alors qu’un seul de ses yeux est visible.
Le souci esthétique s’intéresse aussi aux costumes. Si les taches de sang sont intelligemment réfléchies sur les blouses médicales, si Suzanne semble porter les couleurs de la France (jupe bleue, chemise blanche et chaussures rouges), l’ensemble le plus intéressant semble être celui d’Agnès.
Alternant habits religieux et nudité, la mère supérieure révèle deux personnalités : l’une pieuse, l’autre érotique. C’est son rapport avec Till qui amène les deux Agnès à fusionner. La scène d’application des onguents après la flagellation est particulièrement claire. La tête couverte mais le sein nu, Agnès présente en même temps ses deux caractères.
Il y a un élément qui m’a dérangé concernant ce personnage, c’est sa réaction lors de la scène de sexe. Je comprends l’idée d’une lutte intérieure mais de l’extérieur une femme qui pleure et qui se tient le visage sans que l’homme ne s’interrompe ressemble à un viol. Une reconfirmation du consentement était vraiment nécessaire.
Julie de Bona nous offre cependant une très belle prestation, avec des discours frontaux tant au niveau du ton que de la technique dans l’épisode 7.
Pour revenir à l’amour, l’histoire entre Caroline et Marguerite est particulièrement touchante. Non seulement elle est historiquement juste, mais les deux actrices ont aussi une « chemistry » impressionnante. Dès leur première apparition ensemble à l’écran, leur histoire passée est lisible.
Un bravo spécial va à Audrey Fleurot qui joue une prostituée avec une dignité fascinante. Quant à Sofia Essaïdi, elle montre dans sa posture et son ton une détermination rude.
Pour conclure, je souhaiterais parler de ce dernier épisode. Aussi épique que bouleversant, il offre un paroxysme à une horreur trainée depuis le premier épisode.
Le discours du général, la détermination de Suzanne et La Strasbourgeoise murmurée m’ont fait couler les larmes.
J’aurais souhaité qu’on parle du fait que la guerre n’a pas vraiment été une porte de sortie pour les femmes, qu’elles ont été très vite été rappelées à la maison pour repeupler la nation.
Cette série permet cependant de faire tomber une petite goutte féminine dans l’océan de représentations masculines.