19 Avril 1989...
30 ans plus tard après cette date marquante, Ava DuVernay revient au meilleur de sa forme pour un immense film de 5h, qui fait complètement honneur à l'histoire terrible des Central Park Five. En apportant tout le savoir faire de son passif documentaliste de The 13th et l'étude du service carcéral des USA, ainsi que la mise en scène d'un biopic (qu'on pouvait déjà avoir via Selma).
Ici il s'agit non seulement de son meilleur travail, parvenant à prodiguer une rigueur documentaire dans toute cette affaire (que Ken Burns avait magnifiquement mis à l'honneur dans son docu de 2012). Commençant par les émeutes de Central Park en avril 1989 et le viol de la joggeuse tandis qu'Antron, Yusef, Kory, Kevin et Raymond se retrouvent interrogés pendant des heures et forcés d'avouer un crime qu'ils n'ont pas commis.
Quiconque familier avec ce fait divers qui a marqué l'Histoire des USA (au point d'en faire une affaire politique, comme c'est parfaitement illustré dans la mini-série) remarquera que tout concorde et il n'a pas été question d'édulcorer la vérité ou les divers faits, que ce soit les étapes de l'enquête policière (désireuse à tout prix de trouver un coupable) ou bien du jugement au tribunal (renvoyant également à ce qu'avait pu faire The People vs O.J.Simpson en 2016).
Une véritable montée crescendo vers l'émotion et la dureté de la situation s'opère donc au fil des épisodes, via un 2nd épisode sous forme de lutte judiciaire (que n'aurait également pas renié Philadelphia ou Hurricane Carter), avant de nous montrer la dure réalité de la prison et un retour à la vie "normale" de ces 5 individus dont on a volé la vie via de fausses accusations.
Le casting est tout simplement parfait, que ce soit les jeunes acteurs (Asante Blacc, Caleel Harris ou Marquis Rodriguez seront des acteurs à suivre de près) ou leurs versions plus âgées (Jovan Adepo de The Leftovers, Justin Cunningham ou Freddy Mirayes), tous excellents (en plus de ressembler à leurs avatars réels).
Celui qui se démarque le plus reste sans aucun doute Jharrel Jerome (déjà vu dans le superbe Moonlight de Barry Jenkins) livrant une performance digne de la révélation dans le 4e épisode, incarnant à la fois Korey Wise enfant et 12 ans plus tard, le seul à avoir été incarcéré dans un pénitencier pour adulte.
En résulte un épisode final d'1h30 qui prend aux tripes et qui mettra à mal même les âmes les plus insensibles.
Car en plus de fabuleusement mettre en scène la douleur et la difficulté de se reconstruire face à cette injustice, Ava DuVernay met également l'accent sur les familles des 5 et comment elles sont également affectées (psychologiquement, émotionnellement ou professionnellement), là encore avec un casting parfait,que ce soit l'excellent Michael K.Williams (ex-taulard qui n'arrive pas à gérer l'inculpation de son fils), John Leguizamo en Raymond Santana Sr., mais aussi Anjanue Ellis (Ray, If Beale Street Could Talk) et Niecy Nash en mères aimantes ne lâchant jamais leur enfant.
Le reste de la distribution n'est jamais en reste, même pour des rôles tertiaires (tout le monde a son moment pour briller) : Felicity Huffmann en procureur sans foi ni loi, Joshua Jackson, Blair Underwood et Vera Farmiga en avocats, Famke Janssen, William Sadler, Logan Marshall-Green....
En résulte une œuvre révoltante, terriblement humaine et surtout universelle et contemporaine dans sa manière de dépeindre un système judiciaire gangréné.
La mise en scène est inspirée et maîtrisée, que ce soit dans la dépiction digne d'un docu-fiction des faits ou certaines envolées formelles associées à un montage ultra efficace, mettant à l'honneur la dimension émotionnelle de l'ensemble.
La photographie de Bradford Young (Selma, Arrival, A Most Violent Year) nous abreuve d'utilisations des ombres et d'un travail sur les constrastes toujours aussi saisissant, amenant littéralement le spectateur dans le NY des 90's, saupoudré par le lyrisme de la BO de Kris Bowers (Green Book).
Bref, When They See Us est vraiment une mini-série dont on ne ressort évidemment pas indemne devant un tel flot d'émotion et de sincérité pure, allié à un formidable travail d'écriture proche du docu-fiction qui font passer les 5h à une vitesse folle, tout en donnant une vraie voix aux Central Park Five.
Excellentissime