Sortie du rayon, Saison 6, deuxième diffusion après achat de la série, soit trois ans après ; c’est indéniable, après une immersion totale des 6 saisons à la suite, Ilene Chaiken a réussi son pari : intéresser la série aux hétérosexuels ; mieux : les toucher grâce à l’universalité des thèmes : adoption, homoparentalité, carriérisme, amours et j’en passe sûrement. Près d’un mois d’immersion en compagnie de Bette et Tina, « mon » fil rouge. La Saison 6 voit une Bette qui rit aux éclats et même se moque de Weazzy en imitant son rire gras ; comparées aux saisons précédentes, elle contrôle moins, se fait plus légère et accepte même l’idée de se faire entretenir par Tina à New York ! Que de progrès ! Là encore comme à l’image de Bette « The L word » donne de l’épaisseur à tous ses personnages au fil des saisons ; ils évoluent, ils s’assagissent, ils existent tout simplement. Bette semble heureuse et semble enfin avoir atteint une certaine sérénité, un certain équilibre, et ce, grâce à Tina ! Je ne suis pas objectif, j’ai toujours pensé toujours ressenti que le couple Bette et Tina est le fil rouge de la série. La série a désigné Jenny comme le fil conducteur. Il fallait un œil extérieur, entendez un personnage provenant du monde hétéro. Il fallait son œil curieux derrière une pallisade pour introduire le spectateur dans le monde lesbien. Le spectateur ne pouvait pas être propulsé sans un minimum de précaution. Alors l’idée d’Ilen Chaiken était de prendre la main des hétérosexuels et les amener à petits pas dans ce monde inconnu. Je le répète : pari réussi. Jenny qui introduit, Jenny qui clôture la série. Jenny si fragile, bousculée, basculée dans la Saison 1 se fera tour à tour irritante, auto-destructrice, méprisante, calculatrice, manipulatrice, destructrice, usurpatrice, débectante ! Pour moi, elle a toujours fait tache, elle n’avait pas sa place au sein de cette « amille » pour reprendre l’expression de Max.
Maintenant, cette Saison 6 était-elle pour autant nécessaire ? Première question. Mais cette saison en pose d’autres. Pourquoi 8 épisodes ? Ça me donne l’impression d’une saison sur commande, pour « faire plaisir » (c’est mieux que rien, j’ai plaisir en effet de retrouver les personnages) mais il y a comme une frustration justement en raison du parti pris et des questions qui en résultent.
La mort de Jenny était-elle nécessaire ? Fallait-il quitter nos personnages lesbiens de cette façon ? N’y avait-il pas mieux à imaginer ? Jenny reconnaît qu’elle gêne, elle aurait pu tout simplement partir. On aurait pu la chasser, la bannir. Il y avait matière dans les derniers épisodes de la série. Elle cumulait gaffes volontaires sur maladresses contrôlées. Pourquoi a-t-elle volé les bobines du film « Lez Girls » ? Tina qui faisait partie de celles qui la soutenaient (je n’ai pas compris pourquoi car tout le temps qu’elle préparait le film et pendant sa réalisation, Tina a dû constamment se battre contre les caprices de Jenny, contre son égocentrisme voire son narcissisme) ; il aurait été intéressant de réaliser leur confrontation. Pourquoi n’a-t-on pas aussi assisté à une confrontation entre Jenny et Shane laquelle avait retrouvé la lettre de Molly cachée par Jenny ? Là aussi, j’ai été surpris de sa relation avec Jenny. Accepter d’être son toutou pour retrouver son estime m’a paru exagéré et non conforme au caractère de Shane. Elle l’explique à Alice, mais comme Alice, je ne suis pas convaincu. Shane a eu un excès de faiblesse, elle s’est laissée prendre dans la toile de Jenny. Il est vrai que Shane est surprenante et des conneries elle en a fait, la plus grosse, c’est évidemment abandonner Carmen. Quid d’Adèle ?
Huit épisodes : ça paraît court et cette fin qui veut rien nous dire a comme un goût de bâclée ! Qui avait intérêt à tuer Jenny ? Personne. Qui l’a tuée ? Personne. Rose Rollins dans le Bonus ne voit aucun personnage qui pourrait la tuer. Ilen Chaiken nous distille une intrigue... presque inutile dans cette saison dernière. En tout cas, Ilen Chaiken nous plante là sans réponse et le spectateur doit s’en contenter. Chacun doit avoir sa théorie, la mienne est simple : Jenny s’est suicidée. Elle a tout calculé, tout prémédité. Jenny par son suicide, non seulement conclut la série, mais par delà sa mort, se replace au centre des débats. Elle fout sa merde et c’est réussi car non seulement on parle d’elle, rien que d’elle mais sa mort semble effacer ses comportements malsains. Adieu Jenny et presque par sa faute, adieu « The L word » même si Ilen Chaiken laisse envisager dans le Bonus, qu’un jour on pourrait retrouver les personnages. J’en doute.
La série est une réussite en terme de réalisation, metteurs en scène, femmes et hommes ont fait preuve de maîtrise, parfois d’originalité, grâce à des scenarii et des dialogues bien écrits, grâce à un montage parfois inventif. Los Angeles avait un caractère provincial ; il y avait de temps à autre des vues panoramiques de la cité, mais rarement j’ai senti une ville tentaculaire, stressante, étouffante, insécure. Un L.A filmé à la manière d’un Woody Allen, assez intime et surtout ensoleillé. Réussite grâce aux actrices toutes remarquables et impliquées. On peut y déceler dans leur interprétation dans leur incarnation une revendication, une lutte, un engagement. Evidemment, à savourer en VO.
Pour conclure, le générique du début du dernier épisode : le « L » paraphe la fin de la série, comme une initiale au bas d’un document juridique. La signature de fin de contrat. Ce simple « L » a quelque chose de solennel. Quant au générique de fin, il fait référence au théâtre : le premier passage, les personnages défilent (au ralenti), graves, encore imprégnés de leur rôle, puis un deuxième passage, plus souriants, puis un troisième, par deux, par trois comme au théâtre ; on vient resaluer parce qu’il y a rappel, parce que c’est terminé, le rideau tombe définitivement.
Bravo ! C’est une belle série, pleine d’émotions qui a nécessairement une résonnance pour chacun d’entre nous, hétéros ou homos. Pour apprécier cette série, il ne suffit pas d’être lesbienne, d’être homo, d’être femme. On peut être homme et hétéro à la condition d’avoir une part féminine, d’être animé d’un esprit ouvert, tolérant, un esprit épris de justice, remonté par la bêtise et la méchanceté des hommes et comme Bette, croire en l’art, lequel est « la nourriture de l’esprit ». Je promets de ne plus attendre six ans pour les retrouver ! En tout cas, cette immersion fait du bien à l’âme...
Si je mets quatre étoiles et demi, c'est plus pour récompenser l'ensemble de la série à travers la Saison 6.