HBO ne semble donc jamais faiblir. Alors que les langues fourchues doutent sans cesse du potentiel de renouvellement de la chaîne, à chaque fin de cycle d’une série majeure, la chaîne câblée parvient à tous les coups à débusquer des talents, des idées, s’associant avec de nouveaux venus audacieux et des vieilles gloires de leur réseau. Dans la catégorie mini-séries, sans doute une anthologie, la série co-écrite par Steven Zaillian et Richard Price, le deuxième ayant notamment officié sur The Wire, The Night of vient mettre tout le monde d’accord. Le digne successeur, sur le papier, de True Detective, pointe le bout de son nez, les récompenses pleuvent et l’aura de la série dépasse allègrement son strict cadre de show policier, judiciaire. Casting opérant entre excellence et sensationnel, mise en scène remarquable, narration et chronologie parfaite, ce polar en huit temps, documenté, précis, se veut le nouveau chef de file d’un genre policier qui, chez la concurrence, ne cesse de s’essouffler. Pas chez HBO, jamais, alors même que la chaîne ressort ici, certes un lointain remake d’une série britannique, un petit bijou sur lequel s’était investi, déjà, le regretté James Gandolfini au sortir du mythe des Soprano.
Que de beau monde au générique, de que belles intentions. L’effort porte inévitable ses fruits, pour notre plus grand plaisir. John Turturro, Riz Ahmed, Michael K. Williams, Bill Camp, et tout le reste du casting, débordent d’une énergie remarquable, dans les moindres détails, incarnant pour chacun d’eux des personnages suffisamment complexes pour passionner, suffisamment limpides pour immédiatement accrocher. Huit épisodes, neuf heures, un créneau temporel parfaitement rempli, entre enquête policière, efforts judiciaires de l’accusation et de la défense, conditions sordides de détenu, qui fait immédiatement de The Night of un modèle, un nouveau modèle du genre. Précis, comme dit plus haut, le show ne déplore aucun temps morts, aucune futilité. Tout découle d’une logique, d’une volonté tout-à-fait louable des deux créateurs de ne jamais desserrer l’étau autour de Nasir Khan, accusé d’un atroce forfait et parfait bouc-émissaire pour des forces de police, sans parler de la procureur, qui voient ici l’opportunité de classer une grosse affaire en un minimum de temps.
Le pilote, remarquable dans son déroulement, ouvre toutes les portes aux spéculations, immisçant le doute tout en accablant le prétendu accusé. Nous suivons ce dernier, de très près, lors de son plongeon en pleine gueule de l’enfer. Tout l’accuse, tout l’accable. Mais qu’en est-il réellement ? La vraie force de la série, outre ce simple postulat propre à tous shows policiers qui se respectent, se dévoile lorsque la vérité n’importe plus. La machine judiciaire se met en branle, broie sa proie, ne laissant à ses acteurs, police, accusation, défense, que le doute et l’intention d’en terminer rapidement le mieux possible. Qu’importe si Nasir est l’assassin, qu’importent ses motivations, les uns laissent parler les preuves évidentes sans chercher plus loin, les autres tenteront d’y amener une confusion qui permettrait à un jury de ne pas statuer. Et Nasir, dans tout ça? Tout le monde s’en fiche. Plus fort encore, le personnage incarné par John Tutrurro, puissant, le seul rempart apparent pour le jeune condamné contre une vie derrière les barreaux, ne semble initialement porter que peu d’intérêt à la réalité. Seule compte sa potentielle victoire devant un tribunal.
Oui, décidément, HBO frappe fort, assène un nouveau coup de massue à toute forme de concurrence dans un domaine qui l’on pressentait pourtant comme fatigué. Passionnante, limpide, étonnante, la série se veut le nouvel étendard d’un modèle narratif s’étalant sur une poignée d’heures, entre huit et dix. Le polar judiciaire trouve ici un nouveau mètre-étalon et nous autres ne pouvons qu’espérer que la collaboration entre la chaîne HBO et Steven Zaillian ne s’arrêtera pas de sitôt. Un bijou, tout simplement. 18/20