Né à Vienne et ainé d’une famille juive de cinq enfants, Josef Von Sternberg connait une enfance difficile. Sa famille effectue plusieurs va-et-vient entre L’Autriche et les Etats-Unis, et le jeune Josef se voit rapidement contraint d’exercer différents petits boulots pour échapper à la misère. Ce qui ne l’empêche toutefois pas de se passionner pour le cinéma : à 17 ans, il observe dans le New Jersey de grands metteurs en scène à l’œuvre. Après la Première Guerre mondiale (où il est mobilisé en tant qu’opérateur), il fait ses débuts dans le milieu du cinéma par le biais de postes extrêmement variés (scénariste, décorateur, assistant, monteur, assistant réalisateur, acteur) dans différents pays (Allemagne, France, Angleterre), ce qui lui permet de se faire un nom (il est notamment assistant du réalisateur Emile Chautard, qui devient son mentor).
Au courant des années 1920, George Arthur, comédien de théâtre, le remarque et l’incite à réaliser et écrire son premier film, chose que Sternberg accepte : Les Chasseurs de salut sort en 1925 et, à défaut d’avoir bien marché en salles, est un succès critique. La MGM le remarque et lui propose plusieurs contrats. Malheureusement, son passage au sein du prestigieux studio est un échec : il est remplacé avant la fin du tournage sur "La rose du ruisseau" et "Exquisite Sinner". A Woman of the Sea, commandé par Charles Chaplin, est jugé tellement mauvais qu’il n’est même pas monté.
Le jeune cinéaste ne se décourage pas pour autant, et parvient à achever le très honorable film de gangsters Les Nuits de Chicago pour la Paramount, tout en poursuivant avec Crépuscule de gloire et la rafle (son premier film parlant) un an plus tard. Toujours en 1928, il enchaine avec son premier véritable succès, Les Damnés de l'océan, lui conférant le statut de réalisateur de renom du cinéma muet. Appelé en Allemagne, il réalise en 1930 L'Ange bleu pour la UFA, considéré comme l’un des premiers chefs-d’œuvre du cinéma parlant avec la sublime Marlene Dietrich dans Le rôle de Lola Lola, une danseuse de cabaret qui envoûte un vieux professeur de littérature (Emil Jannings). Le film révèle la comédienne et marque également le début d’une longue et riche collaboration entre elle et Sternberg.
Ils tournent ensemble six autres films (presque) à la suite, chacun d’entre eux sublimant Marlène Dietrich par le biais de rôles forts : elle est ainsi à nouveau danseuse de cabaret dans Coeurs brûlés (1930) et Blonde Vénus (1932), espionne dans Agent X27 (1931), femme fatale dans Shanghai Express (1932), Catherine II de Russie dans L'Impératrice rouge (1934) et enfin femme désirée dans La Femme et le pantin (1935). L'échec de ce dernier film met fin à la collaboration Dietrich/Sternberg. Le metteur a même confié que sa carrière s’est achevée avec cette séparation. Ce qui est inexact, mais révélateur de la relation qu’il a eu avec l’actrice mythique, que ce soit sur le plan personnel ou artistique.
Sternberg signe ensuite deux films relativement passés inaperçus (Crime et châtiment et Sa Majesté est de sortie) et s’attèle à la prometteuse fresque historique I, Claudius, qui ne verra malheureusement jamais le jour pour cause de violents désaccords avec le producteur Alexander Korda (ayant un tempérament tout aussi despotique que celui de Sternberg : le projet ne pouvait aboutir !). Trois ans plus tard, il se voit retirer la direction de I Take This Woman par la MGM. Malgré ces nombreux échecs et une apparente lassitude, il tourne The Shanghai Gesture en 1941, l’un de ses plus beaux films brassant plusieurs thématiques chères au cinéaste (la déchéance humaine, etc.).
Il décide ensuite de ralentir son rythme de travail sur les plateaux en raison de ses problèmes de santé, ce qui ne l’empêche pas de réaliser un court métrage de commande et les premières scènes du western Duel au soleil (King Vidor). Elargissant ses centres d’intérêts, il enseigne, écrit et voyage beaucoup. Dans les années 1950, il signe encore le loufoque Les Espions s'amusent (tourné en 1950 mais qui ne sort qu’en 1957) remanié par Howard Hughes, et coréalise en compagnie de Nicholas Ray Le Paradis des mauvais garçons. L’échec commercial de Fièvre sur Anatahan, centré sur un groupe de soldats japonais refusant de croire que la Seconde Guerre mondiale est terminée, le pousse à mettre un terme à sa carrière de réalisateur. Après plusieurs années passées à enseigner, Josef Von Sternberg meurt d’une crise cardiaque en 1969 à Hollywood.
Auteur : Laurent Schenck