D’origine juive, Don Siegel quitte New York pour effectuer ses études à l’université de Cambridge. Après être également passé par les Beaux-Arts de Paris, il se rend à Los Angeles où il rencontre le célèbre producteur Hal Wallis, qui lui offre un poste aux archives de la Warner. Le jeune homme ambitieux travaille ensuite comme assistant monteur puis, gravant les échelons, devient monteur superviseur. De 1939 à 1945, il participe ainsi au montage de plusieurs films, dont certaines œuvres incontournables de l’histoire du septième art, comme Les Fantastiques années vingt (1939), La Glorieuse parade (1942), Gentleman Jim (id.) ou Casablanca (id.). Cette fonction lui permet de se former dans le domaine technique de la création cinématographique et notamment de développer son sens unique du rythme, qui constituera par la suite sa marque de fabrique. C’est en 1945 qu’il passe à la réalisation, avec deux courts métrages (Star in the Night et Hitler Lives!), lesquels remportent tous deux l’Oscar du Meilleur court métrage documentaire.
Fort de ces réussites, Don Siegel se voit confier la mise en scène de son premier long métrage l’année suivante, le film noir The Verdict, qui rencontre un succès important. Il enchaîne - après avoir quitté la Warner en 1949 - avec le thriller ("bâclé", d'après ses propres mots) Ça commence à Vera Cruz (1949), le western Duel sans merci (1952) et le film de prison Les Révoltés de la cellule 11 (1954), une plongée ultra réaliste dans l’univers carcéral californien. Dans le but d’authentifier son propos, Siegel choisit de tourner dans l’enceinte de la véritable prison de Folsom, avec de vrais détenus comme figurants. Il fait aussi la connaissance sur ce film d’un certain Sam Peckinpah alors engagé comme assistant au casting, à qui il apprendra beaucoup. Dès ses premiers essais, Siegel développe les prémices de son futur style : une redoutable efficacité dans la réalisation des scènes d’action, contribuant à lui forger une réputation de seigneur de la série B de qualité.
En 1956, le metteur en scène achève l’un de ses films les plus connus, L'Invasion des profanateurs de sépultures, perçu par beaucoup comme véhiculant une idée très présente dans le contexte de la Guerre froide, à savoir que n’importe qui - même l’individu le plus banal - est susceptible d’être considéré comme un ennemi potentiel cherchant à nuire à autrui. Ici, la menace communiste peut être symbolisée par les extra-terrestres, ce que Siegel explique concevoir, même s’il n’a pas cherché à faire un film diffusant ce parallèle. De la même manière que le futur Inspecteur Harry, "L'Invasion des profanateurs de sépultures" demeure caractéristique d’une constante centrale du cinéaste : le fait que la critique perçoive souvent un message politique douteux dans ses films, alors qu’il n’a jamais voulu utiliser le cinéma pour répandre une quelconque idéologie.
A la suite de ce film de science-fiction (son seul), il met en scène L'Ennemi public, portrait du véritable gangster surnommé Baby Face Nelson. Dans les années 1960, Siegel prouve qu’il est à l’aise dans différents genres avec d’imposantes têtes d’affiches, que ce soit le western (Les Rodeurs de la plaine en 1960, avec Elvis Presley ; Une Poignée de plombs en 1969, avec Richard Widmark), le film de guerre (L'Enfer est pour les héros en 1962, avec Steve McQueen), le policier (A bout portant en 1964, avec Lee Marvin) et - peut-être surtout - l’action (Un Shérif à New York en 1968), où il excelle particulièrement. Dans ce dernier, il fait la rencontre décisive de Clint Eastwood, pour qui Siegel devient à la fois metteur en scène fétiche et mentor : c’est grâce à lui qu’Eastwood se dirigera plus tard vers la mise en scène, devenant ainsi le cinéaste confirmé qu’il est aujourd’hui.
Le duo collabore à quatre reprises supplémentaires, toujours en rencontrant le succès : Sierra Torride (1970), Les Proies (1971), L'Inspecteur Harry (id.) et enfin L'Evadé d'Alcatraz (1979). Le plus connu est sans nul doute "L’Inspecteur Harry". C’est aussi le plus polémique, Eastwood et Siegel étant accusés de faire l’apologie de l’auto-défense par le biais du personnage de Harry Callahan, ce que les deux hommes récusent fermement. Dans leur dernière collaboration, "L’Evadé d’Alcatraz", Siegel renoue avec la thématique carcérale après "Les Révoltés de la cellule 11", et fait d’Eastwood un détenu charismatique échafaudant un plan des plus ingénieux pour s’évader de la célèbre prison. Dans ce film, le talent de Siegel à instaurer un climat tendu s’illustre pleinement.
Durant les années 1970 figure également dans sa filmographie Le Dernier des géants, un autre western rendant hommage à l'incontournable John Wayne dans son dernier rôle (comme son personnage, l'acteur est à ce moment mourant). Sa carrière s’achève avec La Flambeuse de Las Vegas en 1982, une comédie portée par Bette Midler, laquelle se dispute souvent avec Siegel tout au long du tournage. "La Flambeuse de Las Vegas" est un échec lors de sa sortie en salles, et le metteur en scène est victime d’une crise cardiaque pendant la production du film, marquant un terme à sa carrière. Il s’éteint en 1991, à l’âge de 78 ans. Un an plus tard, Clint Eastwood lui dédicace l’oscarisé Impitoyable, témoignant par la même occasion de l’influence de Siegel sur son parcours.
Auteur : Laurent Schenck