A l'apogée du Western Spaghetti, Sergio Leone, avec la légende qui l'entoure, entend bien prendre à contre pied à en sa faveur le succès parallèle du tandem Terrence Hill et Bud Spencer. Il déploie alors ses efforts en vue de réunir à l'écran l'une des ses vedettes coutumière, le grand Henry Fonda et justement Terrence Hill, le clown de l'ouest au cinéma par excellence. Mon nom est personne, dès ses premières séquences, illumine de bonheur notre inconscient de par une séquence d'introduction de toute beauté, que l'on doit notamment au 23ème scénariste et au 33ème réalisateur ayant tentés d'oeuvrer sur le film, les seuls finalement embauchés par Leone. Oui, Leone confie son bébé à Tonino Valerii, l'un des ses disciples, et l'énorme film qui en découle tiendra dès lors sa place dans une légende italienne du Western sans doute plus culte, plus ambitieuse, que la version américaine. Un inventaire du Western Spaghetti qui traversera les âges aussi sûrement que les bouquins d'histoire.
Henry Fonda incarne une légende de l'ouest, un tireur rapide, imparable. Se dresse maintenant sur son chemin le dénommé Personne, clown dantesque lui collant aux basques comme un chien errant, révélant finalement une admiration sans bornes pour le héros américain. Personne, lui, n'est pas plus maladroit que son modèle et fait figure de catalyseur à l'avènement d'une véritable légende de l'Ouest, traçant lui-même le chemin que devra suivre son idole et vue de passer à la postérité. Oui, comme ça, ce n'est pas très clair, le film étant un portail vers l'appréhension de ce qui constitue la fabrique d'une légende. Drôle de script, certes, mais au suivi et à l'écran, c'est une véritable baffe, une démonstration d'inventivité, un amusant primaire qui verra le tueur de l'ouest endurci malmené par un enfant prodigue moqueur et incontournable. Les deux interprètes principaux sont à ce titre au sommet de leurs arts respectifs, communiquant par dialogues cultes, chacun ayant leur lot de scène inoubliable, du barbier à la dynamite pour Fonda, du panier au saloon en passant par le tourniquet pour Hill.
Tonino Valerri fait preuve d'un énorme savoir faire, fidèle disciple qu'il est au maître italien du genre. L'on n'est littéralement happé, subjugué, par les frasques, souvent comiques, de nos deux pistoleros, qu'ils jouent du calibre, des poings, ou avec le décors. Amusant, c'est cependant parfois un peu désorienté que l'on assiste au montage rapide centré sur Terrence Hill alors qui prodigue ses leçons de rapidité à des gros durs qu'il ridiculise dans le même temps. Les décors, eux aussi, sont tout simplement magnifiques, qu'ils s'agissent des constructions ou des plans sur la horde sauvage au galop. Un sans faute pour le réalisateur, pour le scénariste et pour les acteurs.
Finalement, jamais le Western n'aura démontré par son intérieur la portée d'une légende. Celui qui s'appelle Personne n'est autre que le catalyseur, incarnant à lui seule la rumeur collective bâtissant une légende, encore et toujours. Finalement, la morale prédisant que lorsque que quelqu'un vous met dans la merde, ce n'est pas nécessairement pour votre mal et que lorsque que quelqu'un vous en sort, ce n'est pas nécessairement pour votre bien, prend tout son sens. Sans compter sur le proverbe disant que lorsque l'on n'est dans la merde, vaut mieux se taire. Un bijou, pépite ou joyau, appelé ça comme vous voulez, il s'agit en tous les cas d'un chef d'oeuvre. 18/20