Le film brosse le portrait d’une société à l’individualisme naissant, Par exemple, il suffit de voir à quelle vitesse les personnages oublient la mort ou les tragédies de leurs proches pour se concentrer sur son soi. D’un monde où l’on ne peut plus se fier à personne. Rosemary Woodhouse (Mia Farrow) est une jeune femme épanouie, rieuse, charmante, mais qui devient petit à petit un chiffon humain à l’air inquiétant, qu’on soupçonnerait d'être au bord de la folie. Son attitude enfantine séduit le spectateur. Guy Woodhouse (John Cassavetes) représente un monsieur tout-le-monde, au-dessus de tout soupçon, le mari idéal et irréprochable. Lors des castings, Roman Polanski a donc décliné le rôle avec des visages connus tels que Jack Nicholson, Warren Beatty ou Robert Redford. Le réalisateur met en scène un tourbillon fait de suspicion et de paranoïa aiguë, où même le spectateur n'est plus certain de savoir où est la vérité et ce qui est du domaine du simple fantasme chez cette Rosemary bien perturbée. Le film offre deux niveaux de lecture. Le spectateur ne sait pas à la fin du film s’il s’agit d’un gigantesque complot ou de problème psychiatrique : Rosemary est-elle réellement victime des agissements d’une secte ou souffre-t-elle de folie puerpérale ? Quelque soit l’hypothèse prise par le spectateur, tout est mis en place pour qu’elle soit parfaitement crédible. En effet que le spectateur pense que Rosemary est bien en proie à des sorciers ou qu’il pense que Rosemary est folle, rien ne peut le contredire. Cependant, quelques éléments peuvent semer un doute : Le film est raconté à la première personne, il donne évidemment des pistes mais laisse longtemps planer le mystère. Le film est vu du point de vue de Rosemary ; le point de vue du spectateur est annexé à celui du personnage. Par conséquent, il tombe fou en même temps qu’elle et il n’y a aucuns indices (ironie dramatique classique) qui nous permettraient d’en savoir plus du côté de Guy ou des voisins. Mais pour les spectateurs les plus attentifs, on peut alors affirmer qu’il s’agirait bel et bien d’un complot. En effet, lors du réveillon du nouvel an chez les Woodhouse, la voisine présente à Rosemary un dentiste que l’on retrouvera plus tard dans le film en chauffeur de taxi ! La scène finale est ambiguë. Elle présente moins de dialogues et davantage d’émotion ; elle repose donc essentiellement sur l’action. C’est un film d’horreur sans horreur et dénué d’effets spéciaux, tout repose sur la mise en scène : profondeur de champ le long des corridors, sons d’ambiances omniprésents et amplifié (résonnance, tic-tac d’une horloge, réveil) cadrages de plans qui suggèrent au spectateur le hors-cadre. Par exemple, à la fin du film le bébé n’apparait jamais à l’écran (que voit la jeune femme dans le berceau ?), ou bien lorsque lors du diner chez les Castvets, Rosemary fait remarquer à Guy des traces blanches laissées par les tableaux et le spectateur ne les perçoit pas. On retrouve également quelques plans typiques du cinéma de Roman Polanski comme un gros plan de la voisine dans l’œil de Judas, que l’on retrouve dans la plupart ses films. L’angoisse que le film crée relève de la suggestion, c’est au spectateur de faire fonctionner son imagination et le film n’apporte aucune réponse. Elle est également suscitée par des détails presque anodins comme le maquillage trop appuyé ou les vêtements criards de la vieille voisine Le film nous balade entre réalisme et fantastique. Rosemary’s baby est une œuvre intemporelle car elle parvient à jouer avec des angoisses universelles et est en relation avec notre quotidien le plus banal. De plus, le film fonctionne toujours autant des décennies après notamment pour la figure de la femme enceinte et donc de la femme fragile a laquelle on s’identifie immédiatement.