La vie et rien d'autre est un film absolument sublime... Déjà rien que l'idée de placer son action après la première guerre mondiale, avec un héros qui doit retrouver les disparus est une idée formidable. Le film a certes quasiment le même message que Capitaine Conan, film que tournera Tavernier quelques années plus tard, à savoir que les gens et surtout les hauts gradés, n'ont rien compris à ce qu'était la guerre, les deux films ne sont pas des redites, mais sont réellement complémentaires.
On peut y voir les dégâts de la guerre, comment ça transforme les hommes et surtout dans le cas de Conan, ceux qui l'ont gagnée (et qui ne se sont pas contentés de la faire). Parce que là on a beau être deux ans après la fin de la guerre on sent sa présence partout, entre les veuves à la recherche de la dépouille de leur mari, les militaires, les hôpitaux de guerre, les commémorations... Tout a été transformé par la guerre... jusqu'au physique des instituteurs, qui reviennent mutilés.
Et là, encore une fois, je me répète, mais quelle intelligence dans l'écriture ! Tavernier se permet de ne pas être « efficace », il se permet de digresser, de nous montrer plein de seconds rôles, de leur accorder un peu de temps, quelques répliques, quand bien même ils ne sont pas utiles à l'intrigue... Quel autre cinéaste aurait, avec autant d'humanité, filmé des aubergistes, des chauffeurs, des paysans, des familles endeuillées et des militaires, les aurait accompagné, les aurait filmé afin de montrer que le film est plus qu'un simple microcosme avec trois personnages qui cherchent des disparus ?
On est clairement là dans l'exact inverse d'un 1917 (pour prendre le dernier film sur la première guerre mondiale qui est sorti). Chez Mendes tout était millimétré, tout devait transpirer le cinéma, l'action, être impressionnant, fallait en jeter plein la gueule au spectateur... Ce qui fait que je n'ai pas cru un seul instant au film, bien trop artificiel et faux... Alors que chez Tavernier ça transpire la vie par tous les pores !
Le moindre second rôle est bien écrit et existe. Il y a une volonté de faire vivre cette époque au spectateur grâce aux détails, aux personnages... On sent que Tavernier s'est bien documenté, qu'il avait envie que cette histoire ne fasse pas toc. Et ça c'est grandiose !
Comme quoi, avec trois excellents acteurs (Noiret en tête), bien accompagnés par des seconds rôles de qualité, un soin particulier accordé aux détails et on a un film bien plus accrocheur et immersif que n'importe quelle montagne russe hollywoodienne. L'humanité qui se dégage du film, de par son écriture, fait tout. On sent que ça foisonne, que ça grouille, que ça vit.
Et parce que ça vit on s'attache aux personnages, ce qui rend la fin, cette lettre finale, absolument déchirante... C'est peut-être le seul moment du film qui fait un peu cinéma, mais qu'est ce que c'est beau et bien tourné !
Terriblement touchant.