"Va, vis et redeviens !"
Bertrand Tavernier avec "La vie et rien d'autre" va filmer l'après-grande guerre (chose plutôt rare dans le cinéma français) avec la même maîtrise, la même ferveur qu'il aura quelques années plus tard pour les besoins de son magistral "Capitaine Conan". Pour l'heure, l'histoire nous amène en novembre 1920 en France, deux ans après le conflit, rien n'a véritablement changé, les armes se sont tues, mais le combat continue, un combat de reconstruction aussi bien psychologique que matériel. Tavernier filme une France ravagée par quatre ans d'enfer. La nature en porte toujours les stigmates, les hommes sont brisés, fatigués, des hôpitaux de fortune sont là pour accueillir ces hordes de vétérans, véritables morts-vivants pour certains. Bons nombres de soldats sont toujours portés disparus, les retrouver et les identifier, voici la tâche qui incombe au commandant Dellaplane (formidable Philippe Noiret), personnage incarnant aussi bien l'autorité que l'humanité. Ce militaire émérite est ulcéré par un état-major vendu à l'Etat, celui-ci essayant de minimiser l'étendue du conflit, apaisant le peuple à coup de monuments aux morts et autres statues déifiant la France. Une toute puissance avec, à son passif, près de 1.500.000 morts et autant de blessés et de disparus. Malgré cela, Tavernier, à travers des dialogues croustillants, se permet de traiter avec une légèreté voire un humour salutaire plusieurs situations, notamment la recherche de l'homme qui deviendra le soldat inconnu. C'est dans ce contexte dramatique et parfois surréaliste, que le Cdt Dellaplane fera la connaissance d'Irène de Courtil (Sabine Azéma), une aristocrate froide et distante au demeurant à la recherche de son mari disparu. La rencontre simple d'un homme et d'une femme va devenir devant la caméra de Tavernier un acte universel comme si cet homme et cette femme étaient à eux deux l'humanité se réapprivoisant après quatre ans de séparation, de douleur et de sacrifices. Tavernier va faire de "La vie et rien d'autre", un film choral où plusieurs destins se croiseront avec comme finalité, l'espoir, l'espoir de retrouver un proche mais l'espoir aussi de pouvoir se reconstruire et aimer à nouveau. Durant 2h15', par le biais d'un casting magnifique, de décors grandioses, de dialogues ciselés, s'offre devant nos yeux, un récit à la fois dramatique, magnifique et romanesque où rien n'a plus de valeur que la vie, la vie est rien d'autre !