Très bon souvenir de ce film vu à sa sortie.
Trois grands moments selon moi qui correspondent à trois tirades :
celle de Philippe Noiret (le professeur Watrin) quand il évoque Uranus ; celle de Gérard Depardieu (Léopold), tenancier de bar qui, dans une prison, insère habilement verres de vin blanc aux vers de Racine, plus particulièrement ceux d'Andromaque, dans une diatribe où il vomit de rage tous les partisans communistes, maréchalistes, gaullistes, collabos, miliciens, les mettant dans le même panier qu’ils soient convaincus ou convertis de la dernière heure ; celle de Michel Galabru (Monglat) qui recadre son fils venu lui reprocher ses malversations obscures pendant l’Occupation avec un dégoût de lui-même.
Puis, il y a les autres, des portraits extrêmement bien taillés comme ceux de Gaigneux (Michel Blanc), communiste réfléchi ; Jourdan (Fabrice Luchini) communiste zélé et dangereux ; Rochard (Daniel Prévost) communiste opportuniste et maladroit ; Monsieur Archambaud (Jean-Pierre Marielle) qui tente de se racheter une bonne conscience en cachant
un collabo Maxime Loin (Gérard Desarthe)
, dans ses appartements mettant en danger sa femme (Danièle Lebrun) et sa fille Marie-Anne (Florence Darel) ; enfin c’est ce qu’il croit, je n’en dirai pas plus.
Claude Berri réalise une ode à l’hypocrisie française au lendemain de la fin de l’Occupation. Chacun épie, soupçonne, doute, s’interroge du rôle de l’autre pendant la guerre. C’est l’heure de rendre des comptes se croit-on obligé.
Combien tous ces lendemains que je n’ai pas connus ont dû être douloureux pour n’importe qui dans cette France torturée par cette guerre.
Que ce soit dernièrement « Lacombe Lucien », « Mon ami le traitre » ou encore « Le temps d’aimer » et ici avec « Uranus » il m’apparaît difficile d’avoir des avis tranchés.
Mieux vaut se rallier à la philosophie du professeur Wautrin qui a l’obstination de croire en la bonté de l’homme malgré les horreurs de la guerre et les horreurs personnelles qu’il a vécues.
Et pourquoi pas à celle de Léopold, cette force de la nature, qui est tombé amoureux de Racine au point de s’envisager poète : « Je ne bois que du blanc depuis qu’je suis enfant »…